Récemment lancée par ASO, organisateur du Tour de France, Maillot Jaune est une marque « désaisonnalisée » qui a vocation à séduire, y compris et surtout en dehors de la compétition, tous les pratiquants de vélo. Son positionnement ne doit rien au hasard.
Peloton, caravane et paysages français… Maillot jaune, vert et à pois… L’imaginaire autour du Tour de France ne manque pas de richesse. Une force sur laquelle Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur de la course qui partira cette année le 1er juillet, souhaitait capitaliser au-delà de la marque Tour de France elle-même, déclinée sur de multiples objets par des partenaires agréés. Voilà pourquoi elle a lancé, début mai, la griffe de produits dédiés à la pratique du vélo Maillot Jaune, petite sœur de la première. « Nous avions ce projet en tête depuis un certain nombre d’années, pour pouvoir répondre aux licenciés qui exploitent la marque mais avec une puissance de feu bornée à juillet-août », contextualise Frédéric Viargues, responsable des développements en licence des marques d’ASO. C’est l’intérêt de l’équipementier italien Santini, fournisseur par ailleurs des maillots distinctifs de la légendaire compétition cycliste, qui entraîne la concrétisation du projet.
« On voulait à la fois faire le lien avec le Tour de France, et être intemporel et désaisonnaliser le propos », détaille le porte-parole qui s’est s’appuyé, pour réussir, sur plusieurs agences pour le branding et la promotion. Ainsi que, en interne, sur une équipe transverse incluant des gens de divers départements (produits, médias…) avec à leur tête Julien Goupil, directeur médias et partenariats, et Frédéric Viargues. « On n’a rien inventé, reconnaît ce dernier, mais rien dupliqué non plus. » D’autres événements ou organisations se sont lancés dans une telle démarche de diversification, comme les 24 Heures du Mans avec ses différentes collections 24 Heures (« 24 Heures Motos »…) ou la Le Mans Classic ou encore la FFR (Fédération française de rugby) avec par exemple une récente collection Grand Chelem XV de France. Dans un autre style, la marque CR7 lancée par Cristiano Ronaldo vit aussi au-delà de son créateur.
Roland-Garros fait figure d’expert en la matière : « C’est l’un des meilleurs cas d’école avec de nombreuses licences développées, illustre Dominique Jubert, directeur général de Leroy Tremblot, agence de branding spécialisée dans le sport, qui a par le passé travaillé avec ASO. Par exemple, Lacoste fait partie de leurs partenaires historiques. Par ailleurs, si le tournoi était jusqu’alors plutôt dans la diversification du réel, il a adopté cette année une approche virtuelle en lançant ses NFT. » La possibilité est loin d’être ouverte à tout le monde : « développer des revenus, toucher une cible moins captive, basculer dans une approche plus lifestyle est possible lorsque l’on peut s’appuyer sur une marque forte », note le spécialiste. C’est bien le cas ici. « La clé de réussite, c’est d’avoir une légitimité sportive, passionnelle, émotionnelle avec son public », poursuit-il.
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Dans le détail, Maillot Jaune, un nom « porteur de valeurs de leadership, de performance, de qualité » selon ASO, est une marque de vêtements et accessoires de vélo. La gamme comprend pour démarrer une quinzaine de produits textiles (maillots, cuissards, vestes, chaussettes, gants…) et sera amenée à se diversifier. Une offre marquée par sa technicité, par sa saisonnalité et par un côté esthétique et élégant revendiqué. Le positionnement se veut assez premium. La cible sont les pratiquants de la discipline, qu’ils soient débutants ou confirmés. « L’objectif est que la marque Maillot Jaune devienne un incontournable des gammes cyclistes et l’idée est aussi d’obtenir un référencement large en France et à l’international dans des magasins spécialisés », synthétise Frédéric Viargues. Les produits sont vendus en ligne sur le site de Santini et sur le site officiel du Tour. « Au bout de trois jours, il y avait déjà un réassort et 30 % de ventes au-delà du ratio habituel », relève Frédéric Viargues, qui pour la suite parle d’un souhait de « sélectivité » dans la distribution, plutôt orientée vers les vendeurs de cycles spécialisés que les magasins de sport grand public.
Autre développement prévu, si Santini est le premier partenaire, l’idée est d’élargir en 2023 le nombre de parties prenantes à d’autres marques sous licence Tour de France. « Une fois que l’on a l’assurance que sa marque mère a suffisamment de puissance pour être diversifiée, il faut y aller avec une vraie stratégie. Cela se travaille, ne serait-ce que dans les choix de partenariats, pour lesquels il s’agira d’être plutôt sélectif au-delà du “comment y aller”. Il faudra aussi veiller à travailler une forme d’exclusivité car gérer la rareté de son produit est aussi un gage de qualité. Cela passe par les catégories de produits, les lieux de vente, etc. », indique Dominique Jubert. Visiblement, ASO a tout compris… « Pour poser un œil critique, le nom retenu n’évoque pas autre chose que le vélo. Cela fait peut-être un peu doublon », commente Louis Morin, chef de projet au sein de l’agence de marketing sportif Quarterback, tout en reconnaissant en tout premier lieu une « bonne idée » et la puissance d’émotion du symbole choisi.
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La communication autour du lancement a aussi été peaufinée. En amont, l’identité visuelle de la marque a été travaillée, avec un logo stylisé représentant, selon les yeux avec lesquels on le regarde, un cycliste vu de haut couché sur sa machine ou levant les bras en signe de victoire. « Nous avons travaillé sur un lancement de gamme progressif. La marque a été promue sur les réseaux sociaux. Un teaser vidéo de positionnement et d’inspiration sur la marque est sorti », développe Frédéric Viargues, qui mise aussi sur une présence dans Vélo Magazine tant côté éditorial que publicitaire, une participation aux Pro-Days, salon professionnel du vélo, ou encore des « synergies » avec Santini afin de démultiplier la visibilité de Maillot Jaune. Dans la foulée du lancement, rien n’avait été initié au niveau des clubs de vélo. La marque, quoique distribuée sur place, ne sera pas survalorisée lors du Tour, où la marque Tour de France sera prioritaire. « On ne veut pas trop la remettre dans son univers d’événement », souligne-t-il. Malgré tout, quelques RP et des rencontres avec des distributeurs sont prévues.