La marque d'alcool a fait l’objet de publicité indirecte sur le compte amateur YourBestRiflon sur Instagram et TikTok. L’association Addictions France a saisi la justice pour non respect de la loi Evin.
Bouteille, bob, tablier à l’effigie de Pernod Ricard… Des produits dérivés de la marque d’alcool ont été mis en avant par de jeunes utilisateurs sur le compte YourBestRiflon sur Instagram et TikTok. Dans la biographie Instagram du compte, les propriétaires de celui-ci indiquent n'avoir «aucun lien avec Ricard». Pour autant, différentes méthodes de promotion ont été déployées, dont un jeu concours, sans que soit apposé le message «l’abus d’alcool est dangereux pour la santé», pourtant obligatoire dans ce genre de cas.
C'est pourquoi l'association Addictions France a décidé de saisir la justice pour demander le retrait de ces contenus sur Instagram. Le réseau social propriété du groupe Meta (ex-Facebook) «n’a toujours pas répondu aux sollicitations de l’association», indique Addictions France dans un communiqué. «TikTok semble plus ouverte au dialogue et a d’ores et déjà supprimé l’un des posts les plus problématiques», ajoute-t-elle. «S’agissant d’une publicité indirecte, nous avons plutôt assigné l’hébergeur de ses contenus pour mettre fin à l’impunité du sponsoring de l’addiction sur les réseaux sociaux, justifie Franck Lecas, responsable du pôle Evin à la Direction Communication Animation Associative et Plaidoyer chez Addictions France.
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Contactée par Stratégies, Pernod Ricard précise n’avoir «aucun lien avec l’initiative YourBestRiflon, ni avec aucune autre similaire». «Une telle pratique est contraire à la législation. En juin 2020, nos équipes ont pris contact avec les auteurs du compte intitulé au départ YourBestRicard. À la suite de plusieurs échanges, dont un courrier de notre service juridique, nous avons demandé aux détenteurs du compte d’en changer le nom, de supprimer toute mention de Ricard ou Pernod Ricard, que ce soit dans les commentaires, dans les images ou même les hashtags utilisés. Nous leur avons également rappelé que le compte n’était pas en conformité avec la loi Evin. Nos interlocuteurs en avaient alors pris acte puisqu’ils avaient adressé un message en ce sens à leur communauté», poursuit Pernod Ricard.
Avant l'audience tenue le 15 avril au tribunal judiciaire de Paris, le compte Instagram, toujours actif, a basculé en mode privé. TikTok a de son côté retiré la vidéo qui était jugée illégale et ne s'oppose pas à fournir les données d'identification de l'internaute derrière le compte, rapporte BFMTV. Le 20 mai, le tribunal a rendu son verdict et demande ainsi au groupe Meta de «fournir à l’association l'identité des internautes qui se cachent derrière ce compte d’amateurs de pastis et obligatoirement supprimer les postes problématiques.»
L'avis des experts
Reco n°1 : Muriel Jouas, consultante chez OmniGibus
«Honnêtement, ce fait d’actualité n’est pas vraiment un bad buzz et a été peu relayé dans la presse. En réalité, Pernod Ricard doit se demander auprès de quelle cible cette action en justice peut ternir l’image de son groupe. Certainement pas auprès des jeunes consommateurs, mais plutôt auprès de ses collaborateurs. Car même si un fait d’actualité passe sous les radars, les collaborateurs restent toujours des parties prenantes à protéger. En situation de crise, les collaborateurs attachés à l’entreprise ou la marque peuvent être touchés lorsque l'entité dans laquelle ils travaillent est malmenée dans les médias. Je conseillerais à la direction de communication de Pernod Ricard de partager un message en interne en passant par les manageurs de proximité pour réaffirmer sa position auprès de ses collaborateurs.»
Reco n°2 : Cyrille Arcamone, fondateur de l'agence Maarc
«Cette mise en scène des produits Pernod Ricard dans un univers ludique non accompagnée d’un message de prévention va évidemment à l’encontre de la loi Evin. Mais pourquoi Pernod Ricard prendrait la parole alors que ce n’est pas la marque qui est mise en cause, mais bien l’hébergeur (Instagram) ? La marque a plutôt intérêt à rajeunir sa marque auprès des jeunes consommateurs. Dans le fond, cette action en justice dépasse très largement les produits dérivés de Pernod Ricard. Cette interroge plutôt sur l’encadrement de la publicité en matière d’alcool sur les réseaux sociaux et la démarche d’Addictions France visant à responsabiliser les plateformes et à clarifier le cadre juridique en matière d'alcool sur les réseaux sociaux est à saluer. Le passé a d'ailleurs prouvé que les réseaux sociaux ne se régulaient uniquement sous la pression.»