Le jury du premier Grand Prix du retail media a récompensé l’enseigne de parfumerie sélective pour le lancement de sa régie omnicanale. Une offre aboutie qui représente un défi culturel dans le secteur du sélectif.
Pour qui connaît les rouages du commerce, le lancement de la régie retail media de Marionnaud n’est pas une surprise. Mais pour beaucoup, l’extension d’une technique marketing bien connue de la grande distribution à la parfumerie sélective a été plus inattendue. Symbole de l’ouverture, de la complexification et de la croissance du retail media, la naissance d’Optimo a séduit le jury de ce premier Grand Prix Stratégies du retail media 2024.
Porte-étendard de l’ouverture du retail media à d’autres secteurs, Optimo est née officiellement le 27 novembre 2023. « Nous avons pensé le retail media dès 2018, raconte Feifei Wei, directrice de Marionnaud Optimo Retail Media Solution. Nous avions fait des tests dans nos cent meilleurs magasins, en DOOH (digital out of home). » Mais au-delà du simple marketing sur le lieu de vente négocié avec les marques, l’enseigne détenue par le conglomérat chinois CK Hutchison abordait déjà la question sous un autre angle. « Nous le considérions déjà comme un format media, et non pas un dispositif trade », détaille-t-elle.
Ainsi après plusieurs mois de préparation, Marionnaud propose désormais du DOOH dans ses 400 magasins – pour un total de mille écrans – ajouté à un dispositif sur son site e-commerce, avec plusieurs formats : display (classique ou événementiel) et des requêtes produits sponsorisées, disponibles en open auction. Le tout est accessible via une plateforme dédiée pour les marques ou les agences, qui rentrent directement leur budget média. Les campagnes restent activées par Marionnaud. « Nous travaillons actuellement sur une offre d’extension d’audience et de l’activation data, afin que les annonceurs puissent créer des segments d’audiences personnalisés », ajoute la directrice. Le DOOH est géré par C-media, une filiale du groupe Cegedim, qui a fait du retail media pour les parapharmacies sa spécialité. « Le choix du partenaire stratégique est très important. Ils ont des équipes bien établies et nous ont beaucoup accompagnés sur l’organisation à mettre en place. Leur savoir-faire dans le monde du soin est un bon atout avec notre univers », continue Feifei Wei.
Un défi « culturel »
Pourquoi ce projet de retail media sort du lot ? Car Marionnaud est une enseigne de parfumerie sélective. Un monde où le rapport de force au sein du retail est différent. Ce sont les marques qui ont le droit de décider des magasins où elles sont distribuées, avec des desiderata concrets sur le lieu de vente. Cet aspect change les négociations commerciales, où le trade marketing sur le lieu de vente est un aspect très discuté. C’est pourquoi Feifei Wei insiste sur le défi « culturel » que cela a demandé en interne et le travail des équipes. « Nous avons une réelle approche retail media, et l’on s’intéresse avant tout au revenu incrémental que créent les campagnes. Cela n’a plus rien à voir avec le “trade” », insiste-t-elle.
La mise en avant des marques n’est donc pas une affaire « commerciale » au sens propre, corrélée aux produits dans les magasins, ou la mise en avant par les vendeurs, mais bien liée uniquement au média, et à ce que rapportent ces espaces publicitaires, avec tous les indicateurs d’efficacité que le retail peut apporter. « Tout est très séparé, et les équipes trade sont vraiment différentes des équipes d’Optimo », argue-t-elle. Même s’il ne faut pas oublier que la difficulté première d’un tel lancement réside justement dans la communication entre les équipes. « C’est un projet transversal. Il faut que les équipes e-commerce, marketing, et IT travaillent toutes ensemble. Nos accords commerciaux contiennent déjà des dispositifs trade précis, il faut identifier les nouveaux espaces publicitaires, et bien vérifier qu’ils ne rentrent pas en conflit avec eux. Le vrai challenge, au-delà de la technique, c’est la bonne communication entre tout le monde », prévient Feifei Wei. Une bonne communication qui a su donner un projet abouti et qu’a récompensée le jury du Grand Prix.
2 questions à Feifei Wei, directrice de Marionnaud Optimo Retail Media Solution
Quelle est la plus grande difficulté d’un tel projet ?
Outre la communication entre les équipes, c’est l’implémentation sur la durée. Il est difficile de vendre des dispositifs qui proposent du revenu incrémental à des marques habituées à d’autres échanges avec nous. Il faut bien expliquer le dispositif, prouver l’augmentation du ROAS (return on ad spend), fournir des bilans post-campagne détaillés, donner des KPI illustrés… Nous n’avions pas ce type de discussions avec nos marques partenaires.
Pourriez-vous vous ouvrir à des marques hors captives ?
Sur la partie onsite nous sommes en 100% captif. Sur le DOOH, nous sommes moins fermés et avons déjà quelques exemples de marques que nous ne distribuons pas. En revanche, nous préférons des annonceurs en affinité avec l’univers du bien-être, de la beauté, pour des produits complémentaires dans la parapharmacie, ou encore des services, comme Air France. C’est plus facile pour le client de comprendre pourquoi nous les mettons en avant dans nos boutiques.