Récemment devenue partenaire de Paris 2024, l’entreprise française Hype déploie à la fois un réseau de taxis à hydrogène et des stations de recharge, et compte bien sur les Jeux pour faire bouger les lignes en matière de mobilité.

Non, être partenaire de Paris 2024 n’est pas réservé aux multinationales. Parmi les élus figure aussi la plus discrète Hype, entreprise française de 400 salariés spécialisée dans les taxis à hydrogène – dont les Franciliens, à défaut de les entendre, ont certainement déjà vu passer si ce n’est emprunté les véhicules marqués de son emblème, le nuage. Annoncé fin janvier, son partenariat avec les Jeux porte sur le transport de personnes sur les sites de la compétition, avec une dimension supplémentaire : la prise en charge des personnes à mobilité réduite à bord de véhicules adaptés. En tant qu’acteur de la mobilité zéro émission, Hype, en lien avec Toyota, partenaire mondial de Paris 2024, a vocation à aider le Cojo à organiser des Jeux respectueux de l’environnement. « C’est notre agenda zéro émission qui a séduit en premier car c’est la première olympiade dotée de ce niveau d’exigence sur le sujet », relate Mathieu Gardies, président fondateur de Hype, qui mettra à disposition sa flotte actuelle de plus de 400 véhicules et même davantage, puisque ce chiffre doit grandir d’ici à juillet.  

L’entreprise se veut d’autant plus prête qu’en réalité, cette participation à Paris 2024 était en ligne de mire depuis son lancement à l’occasion de la Cop21 en 2015, alors que la capitale française n’était pas encore officiellement candidate. « Nous avions déjà l’idée que Paris 2024 serait un milestone [jalon] pour faire bouger les choses », témoigne le dirigeant, qui a soutenu le projet, noué très tôt des contacts adéquats, participé aux appels d’offres. « 2024 doit être une année de bascule de tous les grands donneurs d’ordre privés et publics pour qu’ils choisissent de privilégier un partenaire 100% zéro émission pour leurs déplacements », entrevoit Mathieu Gardies. « Paris 2024 doit avoir un effet d’entraînement », ajoute-t-il.

« La poule et l’œuf »

C’est un nouveau modèle pour se déplacer qu’Hype propose, avec une vision long terme. « Le secteur de la mobilité de la France représente 0,2% des émissions mondiales en équivalent CO2 selon le ministère du Développement durable et l’Agence internationale de l’énergie pour 2022, situe Thierry Bartin, directeur fondateur de l’agence de communication Sigmund notamment spécialisée dans les transports. Les voitures représentent une grosse moitié (53%) des émissions liées au transport. » C’est là qu’intervient Hype. Si l’électrique a aujourd’hui beaucoup plus pignon sur rue que l’hydrogène, voilà pourtant l’avenir auquel elle croit. Elle l’estime à la fois écologique et pratique. Un véhicule dispose d’une autonomie de 500 à 700 kilomètres et sa recharge ne nécessite pas plus de quelques minutes. « Les enjeux portent sur le rendement énergétique [ses capacités en la matière interrogent] et la fabrication de l’hydrogène vert [difficile à fabriquer et à transporter] », expose François Gatineau, président du cabinet de conseil en mobilité électrique Mobileese. Se posent aussi la question de l’adoption par le public, un travail de longue haleine, et celle de la disponibilité des stations de recharge, « seulement » quelques dizaines aujourd’hui en France.

Le modèle de Hype repose sur deux jambes. D’une part, elle opère dans le transport de personnes, en s’appuyant sur 300 chauffeurs de taxi salariés et une cinquantaine d’indépendants. « Fin 2024, il y aura 1500 taxis à hydrogène dans Paris. Notre objectif est d’en avoir le maximum des 1500 », prévoit Mathieu Gardies. La capitale compte aujourd’hui autour de 20 000 taxis, sans compter les VTC. Pour l’usager, la course ne se veut pas plus chère. D’autre part, Hype gère le déploiement d’un réseau de stations, à raison de deux aujourd’hui à Issy-les-Moulineaux et Paris, « neuf à horizon des JO ». Soit un déploiement encore anecdotique, quoique démarré en 2017 par la création d’une structure ad hoc, mais indispensable pour la viabilité de l’entreprise. « Nous avançons de façon synchronisée pour résoudre le problème de la poule et de l’œuf et créer un modèle résilient : les taxis subventionnent les stations mais les stations renforcent les taxis », développe le patron, qui vise la rentabilité opérationnelle en 2025. Le fondateur demeure majoritaire au capital, aux côtés de deux autres personnes physiques et de la Caisse des Dépôts, minoritaires. Hors tour de table, il peut également compter sur le soutien de quatre entreprises : Vinci, les équipementiers spécialisés HRS et McPhy, le producteur d’énergie renouvelable Akuo.

Briser le nuage

Consacrée au déploiement du projet JO, 2024 amènera l’entreprise à muscler son offre de taxis et de stations mais aussi à se développer à Bordeaux et à Bruxelles. Plus largement, Hype doit aussi convaincre de la pertinence de son modèle. « Ceux qui doivent montrer l’exemple sont les entreprises et les institutions », insiste Mathieu Gardies. Celui-ci a par exemple signé avec le Sénat ou avec la Ville de Paris qui, après appel d’offres, en a fait le prestataire exclusif de transport par taxi de ses agents, y compris ceux en situation de handicap.

Côté communication, pas de publicité à tout va : « nous avons plutôt une stratégie de non-communication », lâche le patron, qui a préféré d’abord « délivrer », « passer à l’échelle ». Et communiquer à travers ses réalisations concrètes. Quoi qu’elle en dise, la société, dont le nom marque la dimension avant-gardiste, a bien un sens de la com, une envie de se faire remarquer. À ses débuts, elle s’est choisi pour logo un nuage, apposé sur ses véhicules alors qu’« à l’époque, tout le monde voulait des grosses berlines noires ». « Pour les JO, nous restons sur notre logique radicale d’interpeller, nous déchirons le nuage pour montrer que nous sommes partenaires », poursuit Mathieu Gardies. En parallèle, celle qui est déjà référencée chez plusieurs acteurs du sport (Fédération française de natation, Paris Basketball…) entend mettre à l’honneur tout au long de 2024 certaines disciplines olympiques, à commencer par le breakdance. Une démonstration et un shooting ont été organisés place de la Concorde fin janvier. L’opération a permis de réaliser les visuels destinés à couvrir les voitures. Hype aura, enfin, fort à faire pour se différencier face aux défenseurs de l’électrique, créneau sur lequel les constructeurs se bousculent en publicité.

Chiffres clés

400

Nombre de salariés de Hype, dont 300 chauffeurs.

11 millions d’euros

Chiffre d’affaires 2023 (5 millions en 2022).