Après 1900, 1924, 2024, les 58es olympiades sont de retour à Paris en 2124. Mais le sport fait face à de nouveaux défis, à la fois climatiques, territoriaux et technologiques. Florent Depoisier, directeur général de Double 2, a imaginé à quoi pourraient ressembler les Jeux d'ici 100 ans.
Nous sommes le samedi 29 juillet 2124 et les Jeux sont déclarés ouverts. La bannière panolympique, celle de tous les olympismes, flotte au-dessus de Paris. Les avancées transhumanistes ont été admises par les fédérations sportives internationales au début du 22e siècle, rendant inappropriées les distinctions entre athlètes olympiques et paralympiques. Les Jeux se déploient en réalité mixte, permettant de vivre l’expérience panolympique en faisant se chevaucher réel et virtuel. L’événement est toujours sponsorisé par Coca-Cola, son tout premier parrain, depuis 196 ans. Ce scenario est-il viable ? La question se pose en premier lieu à propos du climat, et de sa capacité à accueillir les performances des athlètes.
Selon le dernier rapport du Giec datant de 2023 et le plan d’adaptation du gouvernement publié en ce début d’année, les projections tablent sur une augmentation de 4 °C à la fin du 21ème siècle. Soit 30 °C en moyenne si l’on se base sur les données Infoclimat de juillet 2023. Et le rapport du Giec d’inviter à ce que « ces projections, véritable avertissement, devraient servir à mettre en place des politiques d’atténuation et d’adaptation ».
Changements drastiques
Pour Timothée Adolphe, vice-champion du 100 mètres aux Jeux paralympiques de Tokyo, « cette hausse serait moins pénalisante pour le sprint, où la température optimale pour la pratique est entre 24 et 32 °C. Le problème sera évidemment différent pour d’autres efforts de fond et de demi-fond ». D’autant que le risque, en réalité, est plus large. « La question n’est pas celle de la performance dans un environnement équivalent à du subtropical ou de l’équatorial mais celle de territoires qui seront tout bonnement devenus invivables, des populations qui ne seront plus représentées, appuie Romain Pilliard, navigateur, entrepreneur et activiste, ayant réalisé un tour du monde à l’envers à bord de son multicoque Use It Again !. Le côté positif est que l’on peut faire bouger les choses. Mais cela nécessite des changements drastiques ».
Ces changements se joueront notamment au niveau des infrastructures, qui devront être adaptées à des températures plus élevées, et ne seront pas accessibles à tous les pays susceptibles d’accueillir les Jeux. Christophe Lepetit, économiste du sport au CDES, un organisme de recherche en droit et économie du sport, imagine « des approches techno-solutionnistes beaucoup trop coûteuses plus au Sud. Paris s’est vu attribuer les Jeux en 2124 aussi parce que le nombre de villes ne pouvant plus accueillir les Jeux augmente. Nous ne connaissons plus le sport tel qu’il se pratique aujourd’hui. Il se pratique de nuit ». Voilà pourquoi les stades et autres terrains de compétition pourraient changer à la fois d’aspect et de fonction dans l’espace public. Pierre Soumagnac, architecte associé de l’agence Le Penhuel Architectes, notamment spécialisé dans les infrastructures sportives pour les territoires, projette pour 2124 une ville de Paris « où la résilience passera notamment par des bâtiments sportifs aux usages multiples, où les équipements feront partie intégrante du maillage d’espaces publics, au même titre que les places et les parcs qui sont des zones de fraîcheur en période de fortes chaleurs ».
À l’image des Jeux de Paris 2024, qui se voulaient durables, exemplaires d’un point de vue environnemental et souhaitaient « inspirer et laisser un héritage pour un sport plus responsable », selon le site Paris2024.org, cette dimension sera centrale et même cruciale pour les futures villes hôtes.
Scénario transhumaniste
Enfin, en 2024, le sport sera largement investi par la tech. « Le sport pratiqué par tout un chacun est un sport bien-être. La compétition amateure a disparu. Seul le très haut niveau existe, imagine Christophe Lepetit. Il est représenté par des industries de tech, de pharma, car le sportif de très haut niveau, augmenté, transhumanisé est un corps laboratoire servant l’adaptation physiologique du grand public à un environnement hostile. On suit les données physiologiques des sportifs pendant les compétitions et l’on a autorisation de libérer des substances autorisées pour prévenir le risque, notamment de déshydratation ».
Un scénario que rejette Arnaud Assoumani, champion du monde et champion paralympique de saut en longueur qui participera cet été à sa sixième paralympiade. « La base des Jeux olympiques et paralympiques, c’est la recherche de l’équité entre les sportifs, c’est de tendre vers l’égalité des chances. Le scenario transhumaniste ou celui du sportif augmenté, qui réunit athlètes olympiques et paralympiques, impose une autre compétition », estime-t-il.
Timothée Adolphe confirme : « Évoquer le dopage technologique, c’est poser le mauvais débat. D’autres compétitions seront possibles, comme les Enhanced Games proposés par cet homme d’affaires australien [les Enhanced Games sont un événement sportif international au cours duquel les athlètes ne seront pas soumis à des tests antidopage et qui devrait avoir lieu en 2025, NDLR]. Mais plutôt que de vouloir créer du spectaculaire et voir des sportifs olympiques et paralympiques s’opposer, nous pourrions voir des sportifs olympiques et para associés lors d’épreuves d’un type nouveau ».
Arnaud Assoumani avance en conclusion une certitude : depuis 2000 ans et malgré toutes les évolutions du sport, les influences technologiques, sociales, communicantes, une chose ne saura évoluer et restera fascinante : « la capacité du sportif à maîtriser sa confiance face à l’enjeu. Cette confiance, impossible à mesurer, à maîtriser, c’est celle qui produit la dramaturgie, le spectacle, cette confiance qui permet au sportif de se transcender lors de son dernier essai ». Cette confiance qui produit l’intangible et glorieuse incertitude du sport.
