Alors que la promesse de Paris 2024 consistant à ouvrir largement les Jeux n’évite pas certains déçus, une vaste typologie d’acteurs se mobilise pour impliquer tout un pays. Augustin Pénicaud, vice-président de l’agence Havas Play, revient sur les différentes initiatives mises en places.
« Ouvrons grand les Jeux ! ». La promesse de Paris 2024, résumée par ce slogan, semble limpide : rendre ce projet hors norme accessible à tous, comme le rappelait encore Tony Estanguet – président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) – aux acteurs de l’économie du sport rassemblés fin février par l’association Sporsora. « On reçoit chaque jour des dizaines de propositions et idées de gens qui souhaitent faire partie de l’aventure, c’est impressionnant ! Et il y a encore beaucoup d’opportunités : des billets, notamment sur les paralympiques, le relais de la flamme à partir du 8 mai, avec des moments et célébrations partout en France pour aller à la rencontre de tous les acteurs de cette grande fête », ajoutait le triple champion olympique.
Un discours enthousiaste difficilement audible pour certains, lesquels se plaignent parfois d’être tenus à l’écart voire exclus des Jeux. Les raisons ? Parce qu’ils ne sont pas partenaire officiel et que la protection des droits marketing est forte, parce que leur entreprise n’a pas été sélectionnée lors des appels d’offres du Cojop, parce qu’ils n’ont pas été retenus pour accueillir telle ou telle épreuve, parce que la billetterie leur semble complexe d’accès, parce que leur engagement depuis des années au service du sport amateur n’apparaît pas valorisé ou que leur sport n’est tout simplement pas représenté. De quoi en faire, en trois mots, les « oubliés des Jeux ». Certes, la promesse est parfois difficile à tenir, mais ne serait-ce pas le simple reflet en creux de la très grande attractivité du projet ? Car à mieux y regarder, les dispositifs sont nombreux pour ceux qui veulent participer à l’aventure et accompagner le mouvement.
Tout le monde est invité à la fête
Ce grand rendez-vous, Delphine Moulin, directrice des célébrations de Paris 2024, y travaille depuis plus de cinq ans avec ses équipes. « Nous avons imaginé et proposons trois grands projets pour rendre les Jeux accessibles à tous, même sans billets : le relais de la Flamme sur plus de 12 000 kilomètres, le Club 2024 et ses centaines de milliers de membres ainsi qu’un panel de solutions très concrètes pour encourager et référencer toutes les initiatives partout en France », synthétise-t-elle afin de démontrer cette volonté d’ouverture tous azimuts.
« Nous avons par exemple choisi, et c’est inédit, d’impliquer les fédérations sportives dans le relais de la flamme, avec l’idée de relais collectifs pour porter la torche en équipe. Certaines se prêtent remarquablement au jeu, en mobilisant à la fois de grandes personnalités et des acteurs anonymes qui font le sport au quotidien, il y aura des choses très surprenantes », promet la dirigeante. À noter par exemple que Biarritz et La Torche accueilleront des étapes du relais collectif de surf, alors même que leurs candidatures pour les épreuves officielles n’ont pas été retenues au profit de Tahiti. Une façon de faire tout de même partie de l’aventure olympique.
Delphine Moulin a nourri ses réflexions après avoir longuement observé les éditions précédentes des Jeux. « Par exemple, à Rio, ils avaient fermé les kiosques traditionnels sur les plages, c’était dommage. Les Jeux doivent pouvoir rayonner partout. À Paris, notre parc olympique, ce sera toute la ville », se réjouit-elle. Et pour Paris comme ailleurs, le Cojop a développé un kit de célébrations fournissant des idées simples à mettre en œuvre et des outils de communication aux acteurs qui le souhaitent : Ehpad, clubs de sport amateurs, écoles, hôpitaux, commerces… À eux de s’en saisir ! Paris 2024 déploiera également, en partenariat avec Salesforce, une carte digitale interactive où toutes ces initiatives seront référencées pour permettre à chacun d’y participer.
« Dans chaque ville de France, on essaie de toucher un maximum d’acteurs. En un mot, l’idée c’est que chacun puisse se dire ‘‘Moi aussi je fais partie de la fête !’’ et organiser ainsi avec tous ceux qui se prendront au jeu non pas deux semaines mais quatre mois de festivités », conclut Delphine Moulin.
Une évidence pour la presse, partout en France
Pour 366, régie publicitaire permettant de toucher chaque mois 43 millions de lecteurs issus de la presse quotidienne régionale (PQR), de ses déclinaisons digitales et TV locales, soit 81 % de la population française de plus de 15 ans, les Jeux sont une évidence. Pour les rédactions comme pour la régie. « Le sport est dans l’ADN de la PQR », rappelle Line Gasparini, directrice générale adjointe commerce de 366. « Nos titres le traitent déjà au quotidien, en couvrant le sport amateur, le sport dans la vie de tous les jours, mais aussi en assurant un maillage très fort au plus près de toutes les compétitions ou en s’intéressant aux athlètes issus de toute la France, à leur famille et à leur entourage. Sur les 12 derniers mois, ce sont ainsi plus de 700 000 articles dédiés au sport qui ont été publiés sur nos différents titres », souligne-t-elle.
Et ce n’est pas parce que France Télévisions et Eurosport ont acquis les droits officiels de diffusion ou que L’Équipe peut sembler le titre leader du sport que la régie ne se mobilise pas. Bien au contraire. La DGA étaye ainsi la puissance des Jeux : « Les éditeurs de tous les titres se sont réunis pour faire des JO 2024 une verticale. Une telle démarche est pour nous une première, l’idée étant d’inventer des dispositifs inédits de brand content et divers formats auxquels tous les annonceurs sont invités à s’associer », éclaire-t-elle.
« Nous avons ainsi développé des rubriques événementielles, des podcasts, des newsletters, des suppléments dédiés, des émissions TV dédiés aux Jeux. Par exemple un podcast Chroniques Olympiques chez Ouest France, un hors-série dédié aux Jeux en juillet dans La Provence, un supplément sur le parcours de la flamme dans La Dépêche du Midi, un cahier spécial présentant 1 000 athlètes en mai dans Midi Libre, une émission Les Yeux dans les Jeux pour Nice Matin avec des portraits d’athlètes de la région susceptibles d’être sélectionnés », énumère Lise Gasparini.
Le parcours de la flamme, quant à lui, sera particulièrement couvert. « Un relais pour tous, partout en France, cela nous concerne tout spécialement », avalise-t-elle. L’occasion pour 366 de proposer un dispositif tactique qui mobilise l’ensemble des titres de référence des régions traversées avec une offre cross media « Parcours de la Flamme » comprenant des insertions la veille du jour du passage de la flamme dans les titres concernés. Un exemple parmi d’autres. Et ces offres et espaces sont naturellement ouverts aux partenaires officiels comme aux autres annonceurs.
Un nouveau terrain de jeu pour les marques et les entreprises
Qui dit événement d’ampleur dit aussi opportunités pour les marques. Bien sûr, les plus de 60 partenaires officiels internationaux et français vont communiquer massivement en amont et pendant les Jeux. Mais en dehors des stades et des podiums, les marques qui ne sont pas partenaires officiels des Jeux doivent et peuvent également trouver leur place.
D’abord, en adaptant leur offre et leurs messages à la réalité des publics et comportements de cet été. Plus de 15 millions de personnes sont attendues pour les Jeux selon les prévisions de l’office du tourisme de Paris, environ 12 % venant de l’étranger dont une part importante de Britanniques et d’Américains. De très nombreux provinciaux se rendront également à Paris pour quelques jours ou plus. De quoi bouleverser les habitudes pour tous les acteurs du tourisme et du transport notamment, mais plus largement pour une majorité de commerces et acteurs du service, qui doivent adapter leur offre et leurs outils en conséquence. Au passage, une attention particulière doit aussi être portée à ceux qui ne souhaiteront pas suivre les Jeux, car il en existe.
« C’est aussi, pour toutes les entreprises qui seront en contact avec ces millions de visiteurs, l’occasion – si ce n’est l’obligation - d’accélérer des transformations stratégiques et symboliques, notamment sur le respect des normes RSE. Alors que le Cojop a développé un modèle complet et ambitieux sur le sujet et que le monde entier aura le regard tourné vers l’Hexagone, les entreprises françaises se doivent d’être plus engagées et exemplaires que jamais sur les sujets RSE mais aussi de diversité et d’inclusion », souligne Nathalie Pons, chief impact officer du groupe Havas.
Mais surtout, la place renforcée que prend le sport au sens large dans le débat public et en tant que centre d’intérêt renouvelé pour les Français est un accélérateur de réflexion stratégique pour tous les annonceurs, y compris ceux qui investissaient peu le terrain du sport jusque-là. En jeu : la capacité à capitaliser sur l’héritage des Jeux et à s’inscrire dans une dynamique proclamée grande cause nationale par l’exécutif, au-delà du mois d’août 2024.
Ces Jeux de Paris 2024 représentent donc une occasion unique de célébrer le sport, l’innovation et la mobilisation de tout un pays. Même absents des compétitions et programmes officiels ou privés d’un rôle de premier plan, des centaines d’entreprises, acteurs publics et privés, de sportifs professionnels ou amateurs, d’organisations ou de particuliers, partout en France, vont pouvoir participer s’ils le souhaitent puis continuer à s’engager dans la durée pour donner encore plus de poids au sport dans notre société. Ouvrir grand les Jeux à toutes ces énergies est la meilleure solution pour faire vivre l’esprit olympique en France pendant longtemps, et que personne ne soit in fine « oublié ». Plus vite, plus haut, plus fort… Ensemble ! (1)
(1) En 2021, le CIO a choisi d’enrichir la devise olympique historique, en y rajoutant une 4e notion, « ensemble » : Citius, Altius, Fortius - Communiter
Des déceptions sportives à surmonter pour les sportifs non retenus
Pour les sportifs non retenus, le combat – même difficile – continue. Le karaté espérait être intégré au programme de Paris 2024 mais d’autres sports lui ont finalement été préférés : le surf, l’escalade, le skateboard et le breakdance. Un coup dur forcément pour Steven Da Costa, champion olympique à Tokyo en 2021 dans la catégorie des moins de 67 kg, qui n’aura pas l’occasion de défendre son titre. Cependant, il regarde devant. « Après la déception, on rebondit tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre choix. Mais c’est sûr que lorsqu’on a touché l’or olympique, c’est plus dur de se motiver et de se faire mal quotidiennement à l’entraînement. Les Jeux restent le plus gros événement sportif au monde et l’objectif ultime. Il faut donc essayer de se réinventer. Personnellement, c’est ce que j‘ai décidé de faire en allant à la chasse aux records sur les championnats du monde et d’Europe », pointe le champion. À la « claque sportive » vient aussi s’ajouter la « claque financière » liée à la perte de sponsors, le Français estimant à près de « 80 % » la baisse de ses soutiens depuis que la discipline a été (temporairement ?) retirée de la liste des sports olympiques, au moins en 2024 et 2028. « Je suis aujourd’hui le seul athlète à pouvoir vivre du karaté en France, et pour combien de temps ? », interroge celui qui est soutenu financièrement par la SNCF, son employeur. « Il y a un an encore, j’aurais dit que je voulais changer de vie au terme de ma carrière. Aujourd’hui, je me vois rester dans le karaté. C’est mon identité », conclut Steven Da Costa. De quoi favoriser l’émergence de futurs champions tricolores de la discipline, assurément.