Formules choc, dénonciation publique des tarifs demandés par des fournisseurs : à l'image de Carrefour retirant de ses rayons les chips et d'autres produits de PepsiCo, l'ensemble du secteur montre ses muscles à quelques semaines de la fin des négociations commerciales avec les agro-industriels.
Chips Lay's ou Doritos, céréales Quaker, sodas Pepsi ou 7Up, thé sucré Lipton... « Nous ne vendons plus cette marque pour cause de hausse de prix inacceptable », a assuré à partir de jeudi 4 janvier le géant de la distribution alimentaire Carrefour, dans les rayons de ses grandes surfaces de France. Selon une source au fait du dossier interrogée par l'AFP, le déréférencement porte aussi sur les magasins Carrefour de Belgique, d'Espagne et d'Italie. « Les discussions avec Carrefour ont lieu depuis de nombreux mois et nous continuerons à le faire de bonne foi pour faire en sorte que nos produits soient disponibles », a réagi une porte-parole de PepsiCo, sans plus commenter les négociations actuelles.
Pour le spécialiste de la distribution Oliver Dauvers, qui a le premier révélé l'initiative, la démarche s'inscrit « dans la même idée » que la déclaration, quelques jours plus tôt, du médiatique représentant de E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, qui se faisait fort de « casser la gueule à l'inflation » dans le cadre des négociations avec ses fournisseurs industriels. C'est un rapport de force qui va opposer jusqu'à la fin du mois de janvier supermarchés et hypermarchés aux plus gros industriels, dans le cadre de ces négociations commerciales annuelles, qui déterminent les conditions de vente (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) d'une large part des produits vendus en grandes surfaces. Le gouvernement a avancé de quelques semaines la fin des négociations, le 15 janvier pour les plus petits fournisseurs, espérant que soient plus rapidement répercutées dans les rayons les baisses des coûts de certaines matières premières, par exemple le blé ou l'huile.
Mais les grandes surfaces disent recevoir surtout des demandes de hausses de tarifs, et le grand rival de PepsiCo, Coca-Cola, disait en novembre dans Le Parisien réclamer une augmentation moyenne de 7%. « Attention, cela ne veut pas dire que nos produits augmenteront d'autant, puisque nous allons négocier ce chiffre avec la grande distribution », expliquait le patron de Coca-Cola Europacific Partners France, François Gay-Bellile. « Ensuite, chaque distributeur sera libre de faire plus ou moins de marge sur tel ou tel produit, avant de fixer le prix final ». En tout cas, « c'est rare que le distributeur prenne ainsi à partie les consommateurs et ses clients », observe un des concurrents français de Carrefour, sous couvert d'anonymat. « C'est une façon de faire pression sur l'industriel et de montrer au consommateur que l'enseigne est engagée dans la lutte pour la défense du pouvoir d'achat, c'est de bonne guerre ». Quelques mois plus tôt, Intermarché, troisième acteur du secteur derrière E.Leclerc et Carrefour, s'y était essayé sur le ton humoristique, reprochant au fabricant du savon Petit Marseillais d'être « fada », ou aux surgelés Findus de jeter « un froid » avec des demandes jugées déraisonnables. La campagne n'est plus en cours.
Quant au déréférencement, plusieurs enseignes l'ont déjà pratiqué. Le patron de Système U Dominique Schelcher avait été interrogé en mars par le magazine spécialisé LSA sur d'éventuelles grandes marques écartées, et il avait répondu: « Pepsi. Pas seulement les sodas, mais aussi les chips. Le coup est parti. » Carrefour n'est d'ailleurs pas le seul acteur du secteur à tiquer sur les demandes tarifaires de la multinationale américaine. Michel-Edouard Leclerc a expliqué jeudi 4 janvier sur France Info que l'enseigne qu'il représente pratiquait le déréférencement, le Ricard a par exemple globalement disparu de ses rayons en milieu d'année 2023, mais que « ce n'est jamais un jeu gagnant ». « Les consommateurs ne veulent pas payer cher mais s'ils n'ont pas leurs produits, ils ne sont pas contents et vont chez le concurrent ». « Je pense qu'on va arriver avec des négociations très dures, avec des gants de boxe, à ramener des baisses de prix, mais il faut aller les chercher », a-t-il encore déclaré. Et tous les coups semblent permis, alors que le prix des paniers de course à gonflé en moyenne de 20% lors des deux dernières années.