L’Autorité de la concurrence a annoncé, mardi 19 décembre, avoir infligé une amende de 91,6 millions d’euros à la filiale française du fabricant de montres suisse Rolex, qui a interdit à ses distributeurs de vendre ses produits en ligne « pendant plus de dix ans ».
Saisie par l’Union de la bijouterie horlogerie et le joaillier Pellegrin & Fils, l’Autorité de la concurrence sanctionne Rolex France de 91,6 millions d’euros pour avoir interdit à ses distributeurs de vendre en ligne pendant plus de dix ans. L’Autorité considère dans un communiqué que « les stipulations du contrat de distribution sélective liant Rolex France à ses distributeurs caractérisent une entente verticale restrictive de concurrence ». Sollicité par l’AFP, le groupe Rolex n’a pas souhaité commenter cette décision.
Le gendarme de la concurrence en France juge ces pratiques « graves, car elles reviennent à fermer une voie de commercialisation, au détriment des consommateurs et des distributeurs, alors que la distribution en ligne connaît depuis quinze ans un essor croissant pour les produits de luxe, y compris les montres ». « Compte tenu de leur durée (plus de dix ans) et de leur nature, l’Autorité prononce une sanction de 91 600 000 euros » à l’encontre de Rolex France, et tient Rolex Holding SA, Rolex SA et la fondation Hans Wilsdorf (d’autres entités du groupe suisse) « solidairement responsables du paiement de l’amende ».
Pour justifier l’interdiction de vente en ligne, Rolex invoquait le souci de préserver son image et de lutter contre la contrefaçon. Si ces deux préoccupations sont légitimes aux yeux de l’Autorité, l’interdiction totale de la vente en ligne n’est pas « proportionnée » aux objectifs poursuivis, estime-t-elle. « Les principaux concurrents de Rolex, eux-mêmes confrontés à ce type de risques, ont mis en place des solutions (notamment technologiques) permettant de concilier vente en ligne et lutte contre la contrefaçon et la vente hors réseau », note-t-elle d’ailleurs.
Ancien vice-président de l’Autorité de la concurrence, l’économiste Emmanuel Combe a réagi sur le réseau social X (ex-Twitter). « L’interdiction des ventes en ligne par des distributeurs agréés reste en Europe une restriction caractérisée qui ne peut être exemptée, même au motif de la lutte contre la contrefaçon », a-t-il commenté.
Éviction de Pellegrin & Fils
La société Pellegrin & Fils avait saisi l’Autorité de la concurrence après avoir été évincée du réseau de distribution Rolex en 2013, dans la foulée d’un projet de vente en ligne des montres de cette marque, une mesure prise pour « faire un exemple » selon cette entreprise familiale marseillaise. Réagissant mardi soir dans un communiqué, cette société spécialisée dans la joaillerie et l’horlogerie a noté que la décision de l’Autorité de la concurrence allait lui permettre de « pouvoir enfin obtenir, devant les juridictions judiciaires, réparation du très important préjudice subi ». En effet, les procédures judiciaires entreprises par Pellegrin & Fils contre Rolex avaient été gelées dans l’attente de la décision de l’Autorité de la concurrence, selon la même source.
Les 91,6 millions d’euros d’amende prononcés mardi 19 décembre surviennent une semaine après une sanction de 4 millions d’euros infligée au producteur de thé Mariage Frères, déjà puni pour avoir interdit la vente en ligne de ses produits. La sanction infligée à Rolex est importante au regard du total des amendes infligées par l’Autorité en 2022 (467,9 millions d’euros). Mais elle est loin de l’amende record de 1,1 milliard d’euros infligée à Apple en 2020, une sanction abaissée en appel à 371,6 millions.
Alors qu’il était également reproché à Rolex d’avoir conclu « une entente généralisée avec ses distributeurs pour fixer le prix de vente au détail de ses montres », l’Autorité de la concurrence a estimé mardi, dans la version intégrale de sa décision, que cette pratique n’était « pas établie » et a donc prononcé un non-lieu concernant ce second grief.