Ralentissement du marché chinois, conflits internationaux, inflation… Autant de facteurs d’inquiétude chez les professionnels du luxe, lesquels s’enthousiasment néanmoins pour l’IA, selon l’étude Luxury Trend Report 2023, réalisée par Ifop en exclusivité pour Stratégies.

L’an passé, malgré l’inflation et la guerre en Ukraine, il gardait un sourire insolent. En 2023, la physionomie du luxe se teinte d’anxiété. « Le moral est à la baisse, avec une progression de +18 points sur l’item “sourire inquiet” et une chute de 32 points sur l’item “franc sourire” », constate Stéphane Truchi, CEO d’Ifop Group. En effet, selon le Luxury Trend Report 2023, réalisé en exclusivité pour Stratégies, les 220 professionnels du luxe interrogés par l’Ifop sont 49 % à se déclarer « plutôt pessimistes » sur la situation économique mondiale (45 %) ou « très pessimistes » (4 %) tandis que 22 % se disent « plutôt optimistes » et que les « très optimistes » représentent… 0 % de l’échantillon. Sur leur marché, la bonne humeur est plus franche : ils sont 61 % à se dire optimistes sur le secteur du luxe à l’échelle mondiale. C’est tout de même 7 % de moins que l’an passé.

Premier facteur d’affaiblissement, « le ralentissement de la croissance en Chine, traditionnellement territoire de croissance, souligne Stéphane Truchi. Les conflits internationaux (Ukraine, Moyen-Orient) ne favorisent pas la mobilité et paralysent l’économie du luxe (duty free…) tandis que le contexte inflationniste déstabilise le pouvoir d’achat de la classe moyenne. »

Dans ce contexte, des catégories du luxe jugées dynamiques et autrefois dans le top 4, comme la gastronomie (49 % vs 63 % en 2022) et les vins/spiritueux (65 % vs 46 %) sont en chute libre. « Il n’y a pas de secteur en croissance, même si la joaillerie est en train de montrer des signes de reconstruction, et la gastronomie et les vins/spiritueux souffrent de la restriction du pouvoir d’achat, car ils sont considérés comme moins essentiels. » L’achat plaisir en temps de crise est d’ailleurs en baisse : -10 points par rapport à l’année précédente, tout comme la montée de la classe moyenne dans le monde, -12 % par rapport à 2022.

« Les consommateurs ont besoin de retrouver l’expérience physique, le narratif, le conseil… »

Raison d’espérer : l’appétence des jeunes générations pour le luxe (57 %, +22 %), la solidité financière des groupes de luxe mondiaux (53 %, +5 %). L’Inde constitue une nouvelle terre promise pour le luxe : « 85 % professent une vraie conviction sur l’Inde, jamais vue auparavant. C’est un marché prometteur, qui a une tradition du luxe, notamment via sa culture de l’apparat. »

Pour ce qui est des comportements d’achats, le marché de l’occasion continue à progresser (88 % vs 83 %), tandis que l’achat en boutique revient en majesté (51 % vs 36 %). « Les consommateurs ont besoin de retrouver l’expérience physique, le narratif, le conseil… », résume Stéphane Truchi.

Les enjeux du luxe ne varient guère par rapport aux éditions précédentes, quasiment à égalité dans les réponses des professionnels. La transparence (30 %), l’écologie (32 %) et le RSE (29 %). Avec, néanmoins, des progrès à faire sur la réduction de l’empreinte carbone et la prise en compte de la condition animale, tout comme la défense des minorités.

Dans ce bilan mitigé, les acteurs du luxe gardent espoir, grâce à l’intelligence artificielle. Ils sont 72 % à estimer que l’IA va impacter le secteur du luxe, et 68 % à considérer - d’ailleurs à raison - que le luxe a été un acteur précurseur de l’IA. Loin d’être inquiets, les professionnels du luxe pensent que l’IA sera un atout, en premier lieu pour la lutte contre la contrefaçon (48 %) et, à égalité, pour la personnalisation et l’enrichissement de la relation client. Suivent la gestion des stocks et des collections (45 %). « L’IA permettra de corriger une collection, de fournir rapidement des modèles qui ont bien marché, etc. », explique le CEO d’Ifop Group, qui résume ainsi l’esprit de l’étude : « Le futur réside dans les nouveaux territoires du luxe : l’Inde et l’IA. »