Si la notoriété des 24 Heures du Mans n’est plus à faire, la popularité de la marque, liée à un certain nombre d’attributs entretenus au fil du temps, s’est vérifiée lors de l’édition du centenaire, les 10 et 11 juin.
Une star de la NBA au Mans ? Sous les yeux des médias venus couvrir l’événement, notamment L’Équipe, diffuseur de la course, LeBron James a, le 10 juin, donné le coup d’envoi des 24 Heures du Mans, épreuve mythique qui fêtait cette année son centenaire. De quoi mettre un coup de projecteur mondial sur la compétition. Et une preuve qu’en matière de marketing, pour soigner leur image et leur visibilité, les organisateurs, à savoir l’ACO (Automobile Club de l’Ouest), avaient mis la barre haut. Les 100 ans ont d’ailleurs été fêtés en grande pompe : spectacle pyrotechnique et drones, Patrouille de France, concerts de Bob Sinclar et Mika, entre autres… 325 000 personnes ont assisté au spectacle, à guichets fermés depuis des mois, alors que la course, conclue par une victoire historique de Ferrari, avait auparavant pu connaître des années plus compliquées.
« Seules deux courses automobiles dans le monde ont une telle notoriété : Indianapolis et Le Mans », lance Hugues de Chaunac, président fondateur du constructeur Oreca, « amoureux » de longue date de la course, dont il a été au départ avec 24 voitures cette année. Une force qui tient à plusieurs facteurs, sur lesquels la marque capitalise : au-delà de son ancienneté, « son format 24 heures, atypique, sa permanence [même circuit, même période de l’année…], le fait de mêler plusieurs types de véhicules : Hypercar, la catégorie reine cette année, LMP2 (prototypes) et GT », liste Armand Faure, directeur général et fondateur d’AutoWebb, agence de communication spécialisée dans le sport mécanique, qui par le passé a accompagné des écuries pendant la course. S’ajoute à cela une dimension de laboratoire, alors que les voitures qui concourent permettent de tester de nouvelles motorisations ou améliorations mécaniques, déclinables ensuite à grande échelle. « Le Mans a été un territoire d’expérimentation extraordinaire pour la voiture de monsieur Tout-le-monde », souligne Patrick Hornstein, dirigeant de Zone Rouge, agence de communication spécialisée dans le sport automobile.
Le retour des grands
Côté valeurs, les spécialistes lui associent toujours les mêmes : performance, endurance – incluant fiabilité et goût de l’effort –, innovation... Mais aussi accessibilité, caractère populaire et authenticité. Autant d’indémodables conjugués avec des spécificités. « La première année, nous avons découvert la première édition post-covid, avec 50 000 personnes, nous attendions la ‘‘vraie’’ configuration, raconte Jérôme Saporito, directeur de la chaîne L’Équipe, qui diffuse les 24 Heures depuis trois ans. La deuxième année, il y avait 250 000 personnes, pas de match sur la piste, Toyota écrasait tout, la question était d’arriver à faire vivre pendant 24 heures une course dont l’issue était connue. Cette année, cela a été une grande bataille et les 100 ans ont donné une dimension encore plus populaire, avec aussi la présence de Tom Brady et de LeBron James, qui comptent parmi les dix sportifs les plus influents du sport américain. » Avec un plateau délocalisé, le média a déployé un dispositif d’ampleur pour couvrir l’événement à travers ses différents supports, le journal, le magazine, la chaîne et le digital, mais aussi via un hors-série papier, un documentaire et une exposition photo retraçant l’histoire de l’événement, que l'on peut visiter sur place.
Voilà pour les composantes de la plateforme qu’il s’agit de faire vivre. « La marque ne s’est jamais éteinte même quand pendant longtemps les gros constructeurs l’ont désertée, dépeint Armand Faure. Le plus gros aboutissement en termes de marketing ou de positionnement ces dernières années, c’est qu’ils ont réussi à faire revenir de grandes marques. » Et pas seulement parce que cela fait vendre, argument de poids alors que l'industrie automobile souffre, ou que les constructeurs ont besoin de raconter une nouvelle histoire pour accompagner la mobilité de demain. C’est aussi le fruit d’une volonté de réintroduire de l’innovation, « ramener de nouvelles catégories, de nouvelles énergies, une nouvelle dynamique, de l’hydrogène, capitaliser sur l’aspect laboratoire », énumère l’expert, qui en veut pour preuve, par exemple, le lancement de l’Hypercar en 2021.
À fond la diversification
En parallèle, un travail a été entrepris par l’ACO pour diversifier la marque, qui se décline aujourd’hui en marques filles : 24H Motos, 24H Camions ou encore Le Mans Classic, qui se déroule avec des voitures anciennes. Cette dernière dénomination apparaît comme une façon de garder vivant le côté historique de la marque et de contribuer à une construction pérenne du mythe, si bien d’ailleurs qu’une édition spéciale centenaire se prépare pour ce 29 juin, pour quatre jours. Sans oublier le développement de produits dérivés. Cette diversification résulterait d’une refonte de la plateforme de marque entamée de plus longue date. « Au début de notre collaboration avec l’ACO, en 2010, nous avions commencé par définir le socle de ce que représentaient les 24 Heures du Mans, pour ensuite proposer des directions stratégiques et créatives. Les piliers en sont la passion, le spectacle, l’Histoire, l’imprévisible. Le spectacle renvoie à la popularité. Par exemple, tout a été mis en place pour permettre de passer un bon moment associé à la course, avec des concerts, un village, des espaces de restauration », illustre Dominique Jubert, directeur général de l’agence de branding spécialisée dans le sport Leroy Tremblot, qui a longtemps collaboré avec l’ACO sur des sujets de stratégie de marque et de branding, ainsi qu’avec des équipes privées ou constructeurs engagés dans la course. L’agence avait notamment travaillé sur le changement du logo pour le rendre plus international et sur la création d’un concept de marque déclinable.
Autre aspect qui fait briller la marque : le travail opéré avec les partenaires, parmi lesquels Michelin, Rolex ou TotalEnergies, qui, tous, œuvrent à son rayonnement. Aussi, pour un constructeur, participer aux 24 Heures constitue un gage de visibilité et une garantie de sa propre efficacité. « Les concurrents nous ont choisis car les voitures sont rapides, fiables. Cette référence de performance au Mans est une super carte de visite », témoigne Hugues de Chaunac. Et la boucle se boucle quand, à l’achat d’un véhicule, ses prouesses ou victoires au Mans sont rappelées au client. Tout le monde y gagne.