Le premier hypermarché Carrefour a ouvert ses portes à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) le 15 juin 1963. Retour sur une révolution qui n’a jamais faibli.
Alain s’en souvient très bien : il avait 10 ans quand le Carrefour de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) a ouvert ses portes le 15 juin 1963. Pour la première fois en France, produits frais, textile et électroménager étaient vendus sous le même toit, en libre-service. Ses parents y sont bien allés « deux, trois fois » avant de reprendre leurs habitudes chez les petits commerçants du coin, mais lui et sa femme Odile, 67 ans, sont devenus des clients fidèles. « On vient depuis vingt ans », raconte le mari, 70 ans, en remplissant le coffre de sa voiture.
À cause de l’inflation, leur chariot de courses n’est plus aussi rempli qu’avant, mais hors de question pour ces retraités d’aller dans une enseigne de « hard discount », où le choix est moindre selon eux. Et de donner un exemple précis : « ici, si je veux des bulots pour le déjeuner, je sors avec des bulots, alors qu’à Lidl, je ne trouverai qu’une boîte de sardines ». « Même si Lidl est moins cher, c’est moins bon », abonde Martine Plançon, une retraitée de 71 ans. Elle fréquente cet hypermarché depuis quarante ans parce que « c’est le plus proche » de chez elle, explique cette habitante de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Sagan comme marraine
La ville de 36 000 habitants, à une vingtaine de kilomètres au sud de Paris, est notamment connue pour son cimetière russe, où sont enterrés le cinéaste Andreï Tarkovski ou le danseur et chorégraphe Rudolf Noureev, et son donjon. Situé en face de cet édifice du XVIIIe siècle, l’hypermarché inauguré le 15 juin 1963 a été béni par un prêtre et parrainé par Françoise Sagan. À l’époque, il s’étendait sur 2,500 m2 et était doté de 450 places de parking. Il s’étend aujourd’hui sur 8,400 m2 et peut accueillir jusqu’à 900 véhicules.
À l’intérieur, des pancartes suspendues au plafond indiquent l’anniversaire à venir et les rayons alignent les promotions. Une aubaine pour Véronique Brunet : toutes les semaines, elle y dépense entre 100 et 110 euros de courses pour elle, son mari et sa fille de 24 ans. Cette Atsem (auxiliaire d’éducation) de 61 ans n’a pas envie de « courir 50 000 magasins » pour tenir son budget et préfère guetter « les bonnes promotions » dans l’hypermarché où elle a ses habitudes. Andrée et Christian Lherm, 78 et 85 ans, n’ont pas non plus envie de multiplier les enseignes pour « gagner trois sous ». S’ils font la majorité de leurs courses à Carrefour, ils préfèrent néanmoins se tourner vers les petits commerces pour acheter viande et légumes, et sont clients de longue date de la boucherie tenue par Nathalie Didier de Fresnes, en plein centre-ville.
Vie commerçante « riche »
Pour cette bouchère de 58 ans, Carrefour n’est pas un concurrent, car le supermarché « ne fait pas le même boulot », explique la commerçante qui met en avant la « qualité » de ses produits. L’hypermarché « ne fait pas d’ombre » aux petits commerçants, insiste Lydia Biancardi, présidente de l’association des commerçants et artisans de la ville. Il est même « complémentaire » des boutiques du centre-ville car il propose des produits différents. « Il n’y a pas de galerie marchande » dans cet hypermarché « à taille humaine », susceptible d’entrer en concurrence avec les quelques 350 commerces de proximité de la ville, souligne quant à lui le maire, Frédéric Petitta (DVG) : « tout cela fonctionne plutôt bien ». « Il y a une vie commerçante très riche » dans la ville et « nous sommes très fiers d’avoir ce Carrefour », ajoute-t-il.
Pour Lydia Biancardi, le principal concurrent du Carrefour est le Lidl tout proche, qui a rouvert il y a quelques semaines après des travaux de modernisation. Élodie Frère, 40 ans, reste fidèle à Carrefour mais se rend de plus en plus souvent dans ce magasin discount pour y acheter de la viande, qu’elle trouve de bonne qualité. « Le budget nourriture augmente », explique cette assistante maternelle. Elle dépense 250 euros par semaine pour une famille de deux enfants, un chien et un chat, ainsi que les quatre bébés qu’elle garde la journée. Elle ne veut pas rogner sur la qualité, mais « si on peut gagner 30 euros par semaine, c’est toujours ça de pris ».