Avec Anne-Marie Gaultier aux manettes de sa communication depuis fin 2022, Aldi entame une nouvelle phase. Accompagnée de son agence TBWA, l’enseigne inaugure en ce mois d'avril un territoire créatif revisitant les contes de fées.
Cendrillon le sait, à minuit, les carrosses se transforment en citrouilles. Pas de déconvenue pareille chez Aldi, qui entend au contraire faire ressortir le meilleur des contes pour promouvoir son modèle, le discount, et attirer les consommateurs dans son réseau de 1300 magasins en France. Ce territoire de communication plutôt inattendu, on le doit à TBWA Paris, son agence depuis l’année dernière, mise au défi par la nouvelle directrice du marketing et de la communication pour la France, Anne-Marie Gaultier, en place depuis décembre après plus de trois années chez Intermarché.
« Avec 1300 magasins et un taux de pénétration géographique fortement augmenté à 53%, nous avons enfin un maillage national digne de ce nom. À cela s’ajoute que la marque ne communique que depuis trois ans. Nous avons un énorme travail pour nous faire connaître, nous faire aimer, rassurer sur la perception qualité », entame la directrice communication, qui souhaite, en parallèle, valoriser le discount et montrer en quoi il répond aux comportements et aux attentes des consommateurs aujourd’hui. « Nous nous revendiquons discounters, nous n’essayons pas de nous embourgeoiser », tacle-t-elle, sans citer Lidl, concurrent tout-puissant sur ce créneau. Selon un classement de Kantar publié en mars [lire Stratégies n° 2167], le distributeur, d'origine allemande lui aussi, a été le premier annonceur en France en 2022, tous secteurs confondus, avec 557,5 millions d’euros publicitaires bruts investis sur l’année (sur douze mois). À titre de comparaison, selon Kantar Media, Aldi a réalisé 166 millions d’euros d’investissements publicitaires bruts sur les onze premiers mois de 2022.
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Pour atteindre cet objectif, la plateforme de marque actuelle, articulée autour du « nouveau consommateur », ne tombe pas dans les limbes. « Nous nous inscrivons dans la continuité de ‘‘Place au nouveau consommateur’’ que nous rendons plus concrète en affirmant ‘‘Place aux vies d’aujourd’hui’’ », poursuit Anne-Marie Gaultier. C’est là qu’intervient le conte. À première vue, pas vraiment de lien entre la magie de ce type de récits et l’univers du discount, pouvant signifier budgets serrés, consommation contrôlée voire restreinte, même si le profil des acheteurs de produits à bas prix est plus ouvert que cela. En réalité, l’idée est de miser sur les archétypes du conte pour les inscrire dans l’époque, tout en faisant sourire et en créant un lien voire un « supplément d’âme ». « L’acte créatif a consisté à revisiter le conte au prisme de la vie d’aujourd’hui. L’un des objectifs était d’inscrire Aldi dans la contemporanéité de son époque, détaille Anne Vincent, vice-présidente exécutive du groupe TBWA. Il fallait créer un électrochoc de modernité. » Et ce, tout en faisant passer des messages sur le prix et la qualité des produits. « Le Chaperon rouge, s’il existait en 2023, comment se comporterait-il ? Nous sublimons le quotidien à travers les contes », illustre Anne-Marie Gaultier.
Ainsi, dans un premier film de près de 2 min 30 inspiré de Cendrillon, un jeune homme tombe sous le charme d’une jeune fille lors d’une soirée, laquelle ne lui laisse, à la fin, que sa basket pailletée. De la diffusion d’avis de recherche en suivi de fausses pistes, c’est finalement après un passage chez Aldi qu’il trouvera sa belle. Produite avec la société Henry, l’histoire est multi-diffusée depuis le 2 avril (en télévision, presse, radio et digital), selon un plan média orchestré par l’agence CoSpirit. Histoire déroulée sur le temps long, où prédomine l’émotion, avec une forte place laissée à la musique : on ne peut, par ailleurs, s’empêcher de penser à la saga autour de « L’Amour, l’amour » d’Intermarché, démarrée en 2017 avec l’agence Romance, et sans Anne-Marie Gaultier à ce moment-là. « Dans ce film-là, oui, où un homme rencontre une femme, nous sommes dans l’émotion. Dans les autres films, nous serons vraiment sur le conte, en faisant un pas de côté par rapport au quotidien. On misera par exemple sur la connivence dans une prochaine histoire autour du petit Chaperon rouge », confie la directrice marketing, revendiquant plutôt un côté drôle, poétique, moderne.
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Autres avantages du conte : la capacité à parler à tous, jeunes et moins jeunes, la cible d’Aldi étant très large, et surtout à irriguer une communication au global, pas seulement une campagne unique. Ce dernier point figurait de façon prioritaire dans le brief initial, transmis fin 2022. L’univers du conte se retrouvera ainsi sur l’ensemble des points de contact avec les clients (site, newsletter, réseaux sociaux, points de vente…) et nourrira également la communication interne, que ce soit à travers des contes précis comme Cendrillon ou des personnages tels que l’ogre, la princesse, le chevalier servant – et leurs traductions 2023 : le quadra, la jeune fille, l’amoureux.
Pour mener à bien ce travail, Aldi, où une cinquantaine de personnes travaillent au marketing et à la communication, et TBWA, via différentes entités du groupe (Else sur le film, Mogul sur les médias sociaux…), ont misé sur une équipe « resserrée » et sur des réunions hebdomadaires le vendredi après-midi. Ces « vendraldis » permettent, depuis plusieurs mois, de passer en revue tous les aspects du nouveau territoire. Le plus difficile ? « Le moment le plus crucial, c’est quand on cherche le territoire. Il fallait qu’il soit suffisamment fort, pérenne et qu’il rende justice à cette volonté de modernité », explique Anne Vincent. « La première proposition de l’agence répondait de façon rationnelle au brief mais je n’ai pas eu ce petit pincement au cœur. Une campagne qui a du souffle, c’est une campagne où il se passe quelque chose. Il fallait qu’on ose, qu’on soit audacieux, qu’on marque les esprits face à nos concurrents qui ont davantage de moyens », raconte Anne-Marie Gaultier. La fois d’après, l’idée du conte fait mouche. Cette étape de communication s’inscrit dans une phase d’expansion pour l’enseigne, qui vise 1900 magasins à horizon 2025 (contre 1300 aujourd’hui). Cette expansion du parc sera accompagnée d’un ajustement des bases logistiques et du back office et, par ailleurs, d’un travail continu sur l’amélioration des 1600 références proposées en rayon.
16 000 Nombre de collaborateurs en France.
1 300 Nombre de magasins dans l’Hexagone.