CHRONIQUE GOOD NEWS

[Chronique] Chaque mois, Philippe Pioli-Lesesvre, directeur de création chez The Good Company, livre son point de vue dans la chronique Good news - Un monde en transition, c’est toujours une bonne nouvelle. Dans ce troisième numéro, il s'intéresse à la nécessité de changer notre mode de consommation.

Je me lance dans un truc très très ambitieux, les amis… Le confort matériel est devenu un crime contre l’esprit, un sale coup pour la planète, et moi je prétends tranquillement vous expliquer que c’est une bonne nouvelle. Pas simple. Pas simple du tout. 

Mais si l’exercice n’est pas simple, il est aussi de notre devoir. Car plus qu’un rôle à jouer, nous avons une dette à régler. N’avons-nous pas, talentueux professionnels de la communication et du marketing, promis la satisfaction de nos désirs par l’acte d’achat, des décennies durant ? Par l’acquisition d’un sac à main, d’une télévision, ou plus récemment, par celle d’un smartphone ou d’une paire d’écouteurs sans fil ? Nous ne sommes pas les seuls coupables, loin de là, mais on a notre part. 

Rassurez-vous, je ne suis pas là pour vous faire la morale. Je suis aussi mal placé qu’un autre. Non, plus modestement, je prétends nous proposer d’utiliser nos talents pour indiquer un autre chemin vers le bonheur (oui je sais, ce n’est pas du tout modeste, c’est limite idéaliste, mais rappelez-vous que cette chronique est ambitieuse).

Reconstruire notre rapport au bonheur

Très récemment, nous avons organisé dans mon agence, une formation sur la réduction de nos émissions personnelles de gaz à effet de serre. J’étais surpris de constater que nous avions tous (malgré une sincère bonne volonté) un bien matériel, un confort moderne dont nous ne voulions pas nous séparer. Certains, la viande, d’autres, les voyages en avion, ou pour d'autres encore, leur voiture thermique. Après de longues discussions (animées), nous est alors venue cette idée que nous avions été nourris de récits qui étaient trop éloignés de la sobriété pour faire naturellement les efforts que l’urgence climatique impose. Que le problème était profondément ancré. 

Il y a un gros travail à faire pour reconstruire notre rapport au bonheur. Pour trouver notre joie dans une consommation mesurée (et bien sûr, un gigantesque enjeu pour que cette transition ne soit pas un drame économique et social. D’ailleurs, cette petite parenthèse digressive est certainement la partie la plus importante de ce texte). Mais puisque c’est notre métier de convaincre, trouvons les bons arguments ! Inventons d’autres récits, d’autres promesses. Non pas pour changer le monde (ce n’est pas dans nos cordes), mais pour accepter celui qui va s’imposer à nous. Car après tout, avons-nous vraiment le choix ? 

Je serais tout à fait gêné de dire à quelqu’un qui essaie de nourrir sa famille avec un budget serré qu’il devrait d’abord penser à consommer bio ou local. Mais si l’option responsable n’est pas toujours la plus chère (le reconditionné est une preuve parmi d’autres), il faut surtout se demander combien coûte l’autre option.

D’énormes sacrifices à faire

Combien va-t-on payer si nous ne changeons pas de modèle de production ? De consommation ? D'énergie ? Il y a d’énormes sacrifices à faire et bien évidemment, s’ils ne sont pas faits de façon équitable, c’est carrément révoltant. Mais soit nous faisons des sacrifices, soit nous serons sacrifiés. Là, vous vous dites : «Super Philippe, tu pourris l’ambiance avec tes petites accroches lugubres». Mais pas forcément. Spinoza était un type assez fascinant qui disait entre autres choses que la liberté et le bonheur, c’est grosso-modo d’être ce que nous sommes par nécessité. De poursuivre dans notre être. Alors permettez-moi un parallèle sophiste en vous rappelant qu’aujourd’hui, la nécessité, la pente naturelle, c’est d’être responsable, de consommer mieux, de trouver des désirs plus modestes, moins énergivores.

Spin’ (petit sobriquet duquel je l’afflige et qui, heureux hasard, veut dire «tourner» en anglais) nous invite à faire un petit tour sur nous-même pour regarder dans une autre direction pour nous faire une autre représentation du bonheur. Car oui, ce dernier peut être atteint à la lecture d'un livre, au cours d'une balade, ou par l'exercice d'un art. Il y a également de belles inspirations à trouver du côté du stoïcisme, de l’épicurisme, ou de toute autre philosophie qui nous invite à maîtriser nos désirs, à se satisfaire du nécessaire.

Vivre davantage en accord avec la nature

Je ne nous recommande pas de retourner vivre en forêt ou de fabriquer nos vêtements nous-mêmes mais de simplement vivre davantage en accord avec la nature en suivant le chemin sobre qu’elle nous indique. Y a du dénivelé, on va suer quelques gouttes mais elle se trompe rarement. L’autre chemin ne demande aucun effort et pour cause, c’est un précipice.

Pour conclure, permettez que je nous éclaire d’une légende philosophique toute solaire (je me suis déjà largement vautré dans la cuistrerie en citant Spinoza, ce serait dommage de ne pas en rajouter, et puis cette abondance-là est inoffensive pour la planète). C’est un dialogue apocryphe entre Alexandre Le Grand et Diogène.

Le grand roi se penche vers le vieux sage qui est relax dans son tonneau et il lui dit : «Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai.»

Et Diogène répondit : «Ôte-toi de mon soleil.»

Sobre non ? J’aurais également pu citer un autre philosophe, l’illustre Baloo du Livre de la jungle, qui, dans sa grande sagesse, disait : «Il en faut peu pour être heureux.»

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