Grand ménage au sein de Doctolib: deux mois après une polémique sur des naturopathes, le champion français des rendez-vous médicaux a décidé de «se recentrer exclusivement» sur les soignants «référencés par les autorités», écartant 5700 «praticiens du bien-être».
Trancher dans le vif pour crever l'abcès: accusé à la fin de l'été de servir de caution à des charlatans, voire à des dérives sectaires, Doctolib a opté pour un remède draconien. « Nous avons décidé de nous recentrer exclusivement sur les professionnels référencés par les autorités sanitaires », déclare à l'AFP son président, Stanislas Niox-Chateau.
Par conséquent, « 5.700 praticiens du bien-être ne pourront plus utiliser nos services » et ont été avertis de la résiliation de leurs contrats, avec un délai de « six mois pour trouver une autre solution », ajoute-t-il.
Parmi ces clients éconduits, des naturopathes, des sophrologues ou encore des hypnothérapeutes, non inscrits dans les répertoires officiels (RPPS et Adeli).
Un choix salué par le ministre de la Santé, François Braun, qui a estimé sur Twitter que « la décision de Doctolib [allait] dans le sens d'une plus grande clarté et lisibilité de l'information en santé des Français ».
Le syndicat de médecins libéraux UFML s'est pour sa part félicité d'« une vraie réussite pour toutes celles et ceux qui ont oeuvré pour ce résultat », remerciant l'entreprise « d'avoir compris l'importance à agir ».
Même si « aucune obligation légale » ne l'y contraignait, M. Niox-Chateau considère que « ce recentrage parait logique » pour son groupe, « devenu un tiers de confiance dans le secteur de la santé » et qui n'a « pas vocation à faire autre chose ».
L'incontournable plateforme de rendez-vous, érigée par les pouvoirs publics en pilier de la campagne de vaccination anti-Covid, a été rattrapée par son succès mi-août, quand des soignants lui ont reproché sur les réseaux sociaux de référencer des naturopathes aux pratiques dangereuses.
La réputation du groupe
Parmi ceux-ci, des adeptes de personnalités controversées comme Irène Grosjean et Thierry Casasnovas, influents auprès d'un large public en dépit de leurs positions discréditées dans le monde de la santé.
Pris dans la tourmente, Doctolib avait dans un premier temps « suspendu la prise de rendez-vous pour 17 profils » de professionnels litigieux, puis « renforcé ses procédures de vérification » - empêchant notamment la prise de rendez-vous avant le contrôle des diplômes et du droit d'exercer, possible jusque alors.
De quoi faire retomber la pression avant d'engager un véritable « travail de fond » avec les ordres de santé, les syndicats de soignants et les associations de patients, entre autres.
Lire : Doctolib sommé par l'Ordre des médecins de renforcer ses règles
Après « six semaines de consultations », il ne restait guère d'autre possibilité. Écartée, la piste d'un bannissement des seuls naturopathes, qui aurait épargné sophrologues ou hypnothérapeutes. Pas retenue non plus, la piste d'une deuxième plateforme réservée à ces professions, certes légales, mais non réglementées et absentes pour cette raison des répertoires officiels.
« On prend nos responsabilités », déclare Stanislas Niox-Chateau, arguant que si « les activités de bien-être ont leur place », elles ne sont pour autant « pas encadrées ». Et il n'existe « aucun moyen de vérifier le niveau de qualification » de ceux qui les pratiquent.
Pas question donc de risquer la réputation du groupe, objet d'« attentes légitimes » des professionnels de santé, qui constituent l'essentiel de sa clientèle: en France, 170.000 médecins, dentistes, infirmiers, sages-femmes, mais aussi psychologues et ostéopathes utilisent ses outils de prise de rendez-vous et de téléconsultation.
Une clientèle d'autant plus précieuse que l'entreprise vient de prendre pied sur le marché des logiciels médicaux et investit dans des outils similaires pour les infirmiers et kinés libéraux, ainsi que les hôpitaux.
L'enjeu vaut bien le sacrifice des quelques millions d'euros de revenus générés par le « bien-être » - à raison de 100 euros par abonné et par mois. Car pour le patron de Doctolib, « c'est la confiance qui fera la différence sur le long terme ».