Elle restera invisible au bord des terrains de foot. Car en matière de sponsoring, c’est dans un autre univers que Direct Assurance, filiale du groupe Axa spécialisée dans l’assurance auto, moto, habitation et santé en ligne, a choisi de se développer. Conseillé par l’agence de marketing sportif Sportfive, l’assureur est devenu courant septembre le partenaire majeur du club français d’e-sport Karmine Corp, aux côtés de Michelin, Logitech, Samsung Odyssey, Chupa Chups, Red Bull et Rhinoshield. « C’est un univers nouveau, il faut le goût de l’aventure et de l’innovation. Cela nous parle car c’est totalement digital, expose Emmanuel Wehry, directeur marketing. C’est une audience souvent très engagée, avec qui on aime bien connecter. Nous partageons un ensemble de valeurs (dépassement de soi, compétition, esprit d’équipe…) et il y a un côté bon enfant et bienveillant. »
Il faut dire que le marché de l’e-sport, estimé selon le Pipame (Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques) à 2,96 milliards d’euros dans le monde d’ici 2022, et qui s’inscrit dans une industrie, celle du jeu vidéo, elle aussi florissante, a de quoi séduire les marques. Lesquelles doivent pour réussir se plier à ses codes. Dans le luxe, l’automobile ou la banque notamment, elles sont déjà toute une série à avoir sauté le pas ces dernières années. « Comme le marché se développe, on observe une accélération du nombre de marques non-endémiques dans le secteur », indique Arnaud Moulet, dirigeant de Sigma Esports, agence qui accompagne les marques et entreprises dans cet univers spécifiquement. Les marques dites non-endémiques sont issues de secteurs pas initialement connectés à l’activité à l’image de la tech ou encore du matériel de gaming.
« Un paradoxe »
« Le covid a entraîné un pic du nombre de joueurs. La France comptait 7,8 millions de joueurs e-sport et grand public en 2020, selon le baromètre France Esports de l’année dernière, développe le spécialiste. Mais le virus a aussi eu un impact négatif en mettant un coup d’arrêt à l’événementiel physique. Par ailleurs, durant la période, les marques non-endémiques ont réduit leur budget marketing et communication. C’est un paradoxe : elles auraient pu y aller car l’activité intrinsèque, elle, n’a pas cessé, mais elles n’avaient plus d’argent pour le faire. » L’intérêt de développer une stratégie dans l’e-sport est pourtant réel : « Travailler la préférence de marque via le sponsoring et les activations marketing est une très bonne idée. Cela relève aussi du marketing d’influence car les joueurs sont des influenceurs », appuie Arnaud Moulet.
Le partenariat entre Direct Assurance et la « KCorp » a été signé jusqu’à fin 2022. « Nous avons fait une analyse du marché. S’associer à une compétition, une ligue, une équipe ? Le choix s’est porté sur la Karmine Corp car c’est une équipe relativement nouvelle [née en 2020] et qui commence à se structurer, avec plusieurs équipes sur différents jeux dont League of Legends », explique Benjamin Deblicker, vice-président Ventes de Sportfive. Bien que récente, la Karmine Corp compte déjà aussi plusieurs victoires à son actif, dont la dernière en date, en ce mois de septembre, une première place aux European Masters sur League of Legends. L’agence Sportfive, quant à elle, est intervenue sur le projet de diverses manières. Elle s’est penchée sur les enjeux de l’assureur, l’a mis en relation avec l’équipe, l’accompagne pour son entrée dans cet univers ainsi que pour la gestion du partenariat.
« Pas opportuniste »
Concrètement, celui-ci prendra plusieurs formes, à commencer par de la visibilité sur le maillot des joueurs, ainsi que sur les plateformes digitales du club et de ses membres, dont Twitch. L’assureur compte aussi avoir accès aux joueurs qui réaliseront des contenus auprès de leurs communautés pour simplifier et expliquer la marque. Si les conditions sanitaires le permettent, l’organisation d’un événement en présentiel n’est pas exclu. Mais l’idée ne sera pas de pousser directement des produits – au risque de ne pas se faire accepter par la communauté voire de nuire à son image – mais plutôt de rentrer dans une logique de « sensibilisation » aux besoins d’assurance. « Nous avons une approche plus soft et pas opportuniste. Pour l’annonce du partenariat, nous avons communiqué sur “Lance tes games en toute sérénité”. Un ton simple, décomplexé », illustre Emmanuel Wehry. « En s’engageant dans l’e-sport, Direct Assurance souhaite apporter son expertise (une expérience client simple, rapide, efficace, sereine) au profit des gamers afin de leur permettre de mieux gérer leurs émotions dans les moments les plus compliqués. Pour une expérience gaming plus sereine, pour des émotions sans contraintes », précise un communiqué d’annonce du partenariat. Une frontière pas forcément évidente à trouver...
Cette nouvelle stratégie sera également déclinée en interne. Ce qui pourrait passer par des animations, l’organisation de compétitions, le partage des résultats de la KCorp ou encore l’intervention en interne de membres de l’équipe. Côté communication, le partenariat a été annoncé sur les réseaux sociaux pendant une compétition. « Le plan de lancement est en cours de calage. Nous montons en puissance. La communication sera très digitale dans un premier temps », déclarent Sportfive et Direct Assurance. Reste à savoir si cette stratégie permettra à l’annonceur d’obtenir une meilleure visibilité auprès de sa cible, de créer de l’engagement, de renforcer son image d’acteur digital, innovant et proche de ses clients.
Chiffres clés
590 millions d'euros Chiffre d’affaires 2020.
1300 Nombre de collaborateurs.