Le mastodonte des télécoms Huawai est depuis quelques années au centre de la rivalité sino-américaine, sur fond de guerre commerciale et technologique entre les deux premières puissances mondiales. Huawei s'était retrouvé dans le collimateur de l'ex-administration Trump, qui l'a accusée, sans toutefois apporter de preuves, d'espionnage potentiel au profit de Pékin. Conséquence: les Etats-Unis ont placé en 2019 le groupe sur liste noire afin de l'empêcher d'acquérir des technologies «made in USA», pourtant indispensables à ses produits. «Nous espérons que la nouvelle administration aura [envers Huawei] une politique d'ouverture qui sera bénéfique» aux Etats-Unis, a affirmé mardi 8 février devant la presse Ren Zhengfei, qui a créé la compagnie en 1987.
La pression de Washington a pesé l'an dernier sur le géant chinois. En 2020, Huawei a vu ses ventes mondiales de téléphones baisser de 22%, tandis que celles de son compatriote Xiaomi progressaient de 19%, selon le bureau d'études Canalys. Du fait des sanctions américaines, Huawei n'a entre autres plus accès aux mises à jour d'Android, le système d'exploitation de Google, ultra dominant sur les téléphones à l'étranger.
Ventes en berne
La firme fait également face à une pression croissante sur le front de la 5G, une nouvelle norme de technologies mobiles amenées à révolutionner l'internet et dont le déploiement doit s'accélérer. L'administration Trump martelait que les services de renseignement chinois pourraient utiliser les équipements Huawei pour surveiller les communications et trafics de données d'un pays. Et ces derniers mois, les Etats-Unis ont pressé leurs alliés de renoncer au groupe télécoms chinois pour équiper leur réseau 5G. Mardi, le fondateur de Huawei s'est dit confiant dans l'avenir de son entreprise. Malgré la pression de Washington, «la capacité de survie de Huawei s'est accrue», a estimé le patriarche de 76 ans, vantant - sans fournir de chiffres - des recettes et un bénéfice net en hausse sur l'année 2020.
Et M. Ren d'assurer que Huawei pouvait «augmenter sa production», en dépit des restrictions américaines. Cependant, «nous espérons toujours pouvoir acheter de grands volumes de matériaux, composants et équipements américains», a admis le fondateur de Huawei. Même en Chine sur son marché, Huawei a été lourdement pénalisé par les sanctions: au quatrième trimestre 2020, les ventes se sont effondrées de 44% sur un an, plombées par les difficultés d'approvisionnement en technologies américaines, d'après Canalys.
Repenser un nouveau modèle économique
Cette méfiance envers l'entreprise provient en partie du passé militaire de Ren Zhengfei et de son appartenance au Parti communiste chinois, qui alimentent les soupçons sur l'influence supposée du régime sur le groupe. Huawei est aujourd'hui un mastodonte planétaire, présent dans 170 pays avec 194.000 employés. Le groupe devrait survivre à la tempête à condition de «repenser son modèle économique» et d'opérer des «changements majeurs», estime l'analyste de Canalys, Nicole Peng. Huawei accélère ainsi sa diversification en se positionnant sur l'informatique dématérialisée («cloud»). Et pour sécuriser son approvisionnement en puces, indispensables pour ses téléphones, le groupe s'efforce de prendre des participations dans des entreprises liées aux semi-conducteurs, d'après le quotidien économique japonais Nikkei. Huawei a par ailleurs été contrainte en novembre de vendre sa marque de smartphones d'entrée de gamme, Honor. Et ces dernières semaines, des rumeurs ont même circulé sur une vente par Huawei du reste de ses activités smartphones. Il en est «hors de question», a assuré mardi le fondateur du groupe.