Faire réaliser une campagne par ceux auxquels elle s’adresse : voilà l’idée de génie des agences Gyro: et Parties prenantes, en charge depuis trois ans, pour le compte du ministère du Travail, du budget de communication de l’apprentissage. En 2017, sous l’impulsion notamment de la ministre Muriel Pénicaud, qui représente aujourd’hui la France comme ambassadrice auprès de l’OCDE, les pouvoirs publics ont souhaité relancer cette filière. « Le gouvernement s’est mobilisé fortement sur ce sujet avec des réformes structurelles dont le but était de lever les freins rendant difficile l’accès à l’apprentissage », rappelle Marie Yanowitz-Durand, déléguée à l’information et à la communication des ministères sociaux (lire encadré). « Mais il y avait aussi un sujet en soi, celui du regard porté sur l’apprentissage, qui souffre encore de beaucoup d’idées reçues », ajoute-t-elle.
Faire changer le regard sur l’apprentissage et réussir dans le même temps à faire progresser le nombre de contrats d’apprentissage signés : c’est avec cette feuille de route que les agences Gyro: et Parties prenantes ont d’abord lancé, en 2018, le hashtag #Démarretastory sur les réseaux sociaux. « Le regard d’adultes adressé à des jeunes, ça ne marchait pas, il fallait une communication à hauteur des jeunes, avec des médias et un langage qui leur correspondent », explique Nathaël Duboc, directeur général de Gyro. La première saison démarre un peu timidement, avec des stories sur Instagram destinées à présenter la diversité des métiers que l’on peut apprendre via cette filière. Des apprentis sont appelés à témoigner, mais aussi des professionnels comme le chef Thierry Marx. « Une figure d’autorité », certes, mais qui « ne parle pas aux jeunes », regrette, chez Parties prenantes, Sophie Pô.
Un tour de France en 25 étapes
La véritable rupture a lieu pour la saison 2, au printemps 2019. « On a dit au ministère que la meilleure façon pour lui de prouver qu’il croyait dans l’apprentissage, c’était en confiant la campagne à de jeunes apprentis », se souvient Sophie Pô. Trois apprentis en communication sont alors recrutés par Parties prenantes avec un contrat d’un an et une mission : réaliser un tour de France en 25 étapes pour présenter 25 métiers et réaliser autant d’émissions destinées aux réseaux sociaux, via la chaîne YouTube du ministère et Instagram. Et voilà Astrid, Juliette et Nicolas embarqués à bord de leur van à la rencontre des apprentis de France et de Navarre, réalisant une partie des images pendant que leurs pérégrinations sont mises en scène par le réalisateur Patrice Masini. Ils interviewent un jeune apprenti agriculteur dans une ferme bio du Gers, rencontrent un apprenti technicien avionique chez Air France, échangent avec une jeune apprentie peintre en bâtiment à Chaumont…
Le ton est léger et les apprentis journalistes n’hésitent pas à mettre la main à la pâte, s’amusant tout en instruisant l’internaute. Et les résultats sont au rendez-vous. 17 millions de vues sont cumulées avec un taux de complétion allant jusqu’à 33%, même pour des formats longs. Même succès sur le nombre de contrats d’apprentissage signés : fin 2019, la France comptait près de 500 000 apprentis, un record historique et une croissance annuelle à deux chiffres inédite. Au total, achat d’espace compris, la campagne a bénéficié d’un budget d'un million d’euros. « Il y a le plan média et il y a aussi l’audience gratuite apportée par les différents acteurs que nous avons mobilisés, les CFA, les missions locales ou les fédérations professionnelles qui ont relayé la campagne », complète Sophie Pô, chez Parties prenantes.
Verbatim
« Nous sommes allés au bout de nos convictions »
Marie Yanowitz-Durand, déléguée à l’information et à la communication des ministères sociaux
« Cette campagne n’est pas classique car elle n’est pas descendante, on l’a construite avec les gens, avec ce qu’ils nous remontent. C’était un pari si ce n’est risqué, au moins atypique. Nous sommes allés au bout de nos convictions en donnant les clés de la campagne aux apprentis, ce sont eux les porte-paroles, pas le ministère. Si la mayonnaise a pris, c’est qu’elle a été réalisée dans une collaboration idéale entre l’administration, deux agences, un réalisateur et trois apprentis qui ont tous parfaitement joué le jeu. »