Le lancement de la maison Courbet et son installation place Vendôme ne sont pas passés inaperçus.
C’est le but ! Lorsque la marque s’est lancée il y a deux ans en s’installant de surcroît place Vendôme, l’idée consistait à faire bouger les lignes sans pour autant s’affranchir du positionnement haut de gamme auquel ce lieu renvoie. À cet égard, Courbet, qui mise sur le diamant de laboratoire, représente une alternative plus éthique et écologique et est en quelque sorte un pionnier sur le créneau de la joaillerie de luxe. En réalité, il n’y aucune raison de ne pas disposer des mêmes standards que les griffes les plus prestigieuses dans la mesure où nos bijoux répondent à un haut degré d’exigence. D’une part, les matières utilisées sont de première qualité. Outre l’or 18 carats, les diamants correspondent à ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle dans des laboratoires situés aux États-Unis et en Russie. Ce diamant, que nous appelons de culture et qui est aussi appelé diamant de synthèse ou synthétique, possède les mêmes propriétés qu’un diamant provenant d’une mine. Sa seule différence réside dans son origine. Ce n’est d’ailleurs que depuis quelques années que des scientifiques sont parvenus à fabriquer des diamants synthétiques assez blancs et brillants pour qu’ils puissent être utilisés et sertis sur des créations joaillières. D’autre part, la maison Courbet revendique un savoir-faire égal à celui des maisons concurrentes puisque la réalisation est assurée par les mêmes artisans. Enfin, la création est centrale dans notre activité avec un soin particulier apporté aux collections originales et au sur-mesure.
Avec un tel positionnement, la marque ne doit pas se faire que des alliés…
Vous savez, je connais bien ce milieu. Je dispose d’un long parcours chez Richemont, pas moins de 23 ans qui m’ont mené à travailler sur différents marchés tels que la France, la Suisse ou l’Espagne. En 2013, j’ai également été à l’initiative de la reprise de la marque Poiray. Autant dire que le projet Courbet, qui a émergé début 2017, ne tombe pas du ciel et n’est pas un projet kamikaze. Les premières lignes de bijoux ont été créées en mai de la même année et la marque a officiellement vu le jour en mai 2018. Sur ce positionnement luxe, nous sommes les premiers à avoir franchi le pas du diamant de laboratoire. Pour autant, nous respectons un certain nombre de codes. À commencer par les canons esthétiques, la designeuse franco-suédoise Marie-Ann Wachtmeister étant la garante du beau chez Courbet. Autre code, les prix, puisque nos bijoux sont plus accessibles, avec une valeur en moyenne inférieure de 30 à 40%, mais peuvent néanmoins monter jusqu’à 280 000 euros. Et puis, c’est le sens de l’histoire. Les réserves naturelles de diamants ne sont pas éternelles et quelque part les principales maisons y viendront toutes un jour ou l’autre. Je peux ainsi vous dire qu’une grande marque de la place est montée au capital de Courbet.
Dans ce cas, pourquoi les acteurs phares n’ont-ils pas déjà pris le pli ?
Pour deux raisons. La première, c’est qu’il n’y a pas fondamentalement de logique à changer une recette qui rapporte. La joaillerie est un métier très rentable. C’est la raison pour laquelle seul un nouvel entrant peut disrupter ce secteur. Les évolutions se font en interne, pas les révolutions. Je n’hésite d’ailleurs pas à parler régulièrement de Tesla de la joaillerie lorsqu’il s’agit d’évoquer le projet de l’entreprise. La seconde, c’est que beaucoup de mythes et de préjugés subsistent. Produire un diamant de laboratoire coûte plus cher qu’extraire un diamant de mine par exemple mais s’avère in fine moins coûteux pour le consommateur. La faute à un oligopole de sept ou huit acteurs et à de multiples intermédiaires notamment.
Quelle stratégie de communication la maison a-t-elle choisi de privilégier ?
L’écoresponsabilité constitue notre point d’ancrage, sachant que dans cinq ans ce phénomène se sera peut-être démocratisé. D’où la volonté d’insister sur un deuxième argument -l’avance technologique- qui représente notre réelle spécificité. Cela semble contre-intuitif mais la techno a permis de réduire l’impact de notre activité au même titre que d’autres choix faits par la marque comme celui d’avoir exclusivement recours à de l’or recyclé et traçable, issu de déchets électroniques ou industriels.
Courbet vient de réaliser une levée de fonds de 8 millions d’euros. L’objectif est-il de donner une dimension plus internationale à la griffe ?
C’est le cas et c’est la raison pour laquelle la marque a adopté un nom aussi évocateur. Aujourd’hui, entre 80 et 85% des ventes intéressent le marché français mais nous réalisons déjà une partie de nos opérations dans des pays comme les États-Unis ou Singapour. D’autres marchés nous intéressent, en premier lieu la Chine, ce qui explique que l’agence digitale chinoise Hylink soit montée au capital à l’occasion de cette levée de fonds. Cela va nous permettre d’arriver dans le pays sans commettre d’erreurs culturelles. Le contexte y est particulièrement favorable puisqu’au-delà des 12 millions de mariages annuels, les consommateurs chinois aiment le luxe français et la notion de sur-mesure. En résumé, nous avons vécu ces deux premières années comme du test&learn grandeur nature et nous estimons que nous avons désormais les bases -communication, histoire, produits…- pour accélérer.
La marque doit-elle revoir ses ambitions à la baisse en raison de la crise du Covid-19 ?
La crise stigmatise une tendance lourde : celle de la consommation et surtout de la consommation responsable. Cela se voit par rapport aux jeunes générations qui représentent la majeure partie de notre public. En plus de l’attention qu’elles portent à l’écoresponsabilité, ces générations ne sont pas conditionnées. Elles n’ont pas été bercées par le mythe du diamant éternel. Cela profite forcément à notre business model, qui plus est lorsqu’on connait leurs usages et qu’on sait que Courbet est une digitale native vertical brand (DNVB), avec un circuit court en amont et en aval. Mais plus largement, cette notion de joaillerie de luxe écologique et technologique séduit. Car si l’on a coutume de dire que sans le beau, le bien n’est rien, la réciproque s’applique. Sans le bien, le beau n’est rien.
Chiffres clés
280 euros Prix d’entrée des bijoux de la marque, un montant qui peut aller jusqu’à 280 000 euros
20 Nombre de salariés
2 millions d’euros Chiffre d’affaires de la marque en 2019
8 millions d’euros Montée de la levée de fonds exécutée en mai dernier par la marque avec le concours d’investisseurs institutionnels et de business angels parmi lesquels le fonds Raise Ventures ainsi que l’agence de communication digitale chinoise Hylink