Le plaisir, c’est l’attente. Attendre un parent qui arrive par le train, en priant pour qu’il ait de l’avance. Attendre qu’un train parte, en priant pour qu’il ait du retard avant que son âme sœur ne monte dedans dans des adieux déchirants. Attendre, c’est vivre un peu plus, un peu plus avec soi. C’est prendre le temps de s’engueuler avec ses proches parce qu’ils ont oublié un truc dans la valise. Prendre le temps de parler. Prendre le temps de se taire. Attendre dans les bras de quelqu’un, attendre et penser aux bras des disparus. Attendre et regarder les autres partir, revenir, voir la vie s’écouler un peu partout. La vie ? Quelle vie ? Le projet de la SNCF et de la filiale d’Auchan, Ceetrus, pour remodeler la gare du Nord, a été vivement attaqué dans Le Monde, par une tribune d’architectes. Parcours plus long pour les voyageurs, contraints de passer par le centre commercial avant de monter à bord, risque économique pour les commerces de banlieue, blasphème architectural et irrespect de la façade nord composée par Jacques Ignace Hittorff. Et surtout, les portiques automatiques, qui interdiront l’accès au quai à tous les accompagnants. Bye-bye les au revoir ! Pas le temps d’attendre, il faut faire les boutiques ! Ce projet de transformation de la gare comptera 50 000 m2 de boutiques et de bureaux, pour créer un « lieu de vie ». C’était donc ça, la vie ? Des boutiques et des bureaux ? Et l’attente, là-dedans… Y’a rien qui déraille ?