C’est l’histoire d’un tournoi devenu légendaire depuis sa création en 1925 et sa première édition porte d’Auteuil, trois ans plus tard, qui vit Henri Cochet battre René Lacoste en finale. Mais comme pour toute légende, encore faut-il savoir l’entretenir. Qui plus est à une époque où les considérations économiques n’hésitent pas à faire fi du passé. Consciente de ces enjeux comme de la concurrence grandissante d’autres destinations du circuit ATP -lequel compte seulement quatre tournois du Grand Chelem, la Fédération française de tennis (FFT) est aux petits soins pour Roland-Garros. Avec un budget annuel désormais de l’ordre de «270 millions d’euros», comme le rappelle en préambule Stéphane Morel, directeur général adjoint en charge du pôle marketing et développement économique, le tournoi parisien constitue le «poumon économique» de la FFT, selon les termes de son président Bernard Giudicelli, qui inaugurait jeudi 21 mars le nouveau court Simonne-Mathieu en compagnie -entre autres- de Nicolas Sarkozy et Anne Hidalgo. Un écrin semi-enterré de 5000 places encadré par quatre serres tropicales, signé de l’architecte Marc Mimram et qui incarne la modernisation des infrastructures dans laquelle s’est lancé Roland-Garros ces dernières années.
Chantier pharaonique
«L’idée qui guide ce chantier pharaonique entamé en 2014 et qui se poursuivra jusqu’en 2021 est celle d’une montée en gamme», confirme Gilles Deléris, fondateur et directeur de la création de l’agence W, en charge du branding et du design du Majeur parisien, citant à titre d’exemple la rénovation actuelle du court Philippe-Chatrier, «les sièges en châtaignier made in France installés sur trois des quatre courts principaux», le nouveau Village livré en 2018, «la nouvelle signalétique amenée à se déployer en extérieur en 2019» ou encore «les parcours repensés pour les différents publics» (grand public, fédéraux, médias…). On l’aura compris, la première mission consiste à soigner les fondations dans une «logique d’amélioration permanente», comme le souligne Gilles Deléris. Un élément qui prend tout son sens au regard du standing des trois autres tournois du Grand Chelem (Open d’Australie, US Open et Wimbledon), sur lesquels Roland-Garros semblait avoir un pris un léger temps de retard. «Une de nos principales frustrations est de ne pas pouvoir répondre à la demande des fans», reconnaissait d’ailleurs ce même 21 mars Guy Forget, directeur du tournoi, rappelant par exemple qu’un tournoi comme celui d’Indian Wells (Californie) accueille chaque année près de 500 000 visiteurs. Soit un chiffre supérieur à Roland-Garros… Et même si «les sessions en soirée prévues à partir de 2021 vont rimer avec une hausse de la fréquentation», la marge de manœuvre reste mince. La faute à une configuration et des exigences de sécurité pour l’heure relativement rédhibitoires. «Nous avons cependant l’impression qu’il est nécessaire de bousculer nos habitudes», soulignait Bernard Giudicelli, précisant que «l’embellissement de Roland-Garros est entièrement financé par la fédération, sans aucune aide publique». À la clé, un cercle vertueux que mettait également en exergue Guy Forget. «Un prêt conséquent et des efforts considérables ont été engagés par la FFT dans cette entreprise. L’idée sera d’atteindre 500 000 spectateurs en 2019», complète le directeur du tournoi. Car au-delà de ce lifting d’envergure, il s’agit de faire rayonner mondialement une marque bénéficiant d’une notoriété à nulle autre pareille. Mais aussi de rééquilibrer les sources de revenus de l’événement. «Aujourd’hui, les droits TV représentent plus d’un tiers des recettes, dont seulement un quart du montant concerne les droits en France», développe Stéphane Morel. Autre source majeure de revenus: les activités ayant trait aux hospitalités, soit «environ 30%» du total. «Près de 80% du travail est effectué en interne tandis que 20% est commercialisé par des acteurs spécialisés comme Eventeam, Lagardère, Pampelonne ou Quarterback», précise-t-il. Le volet sponsoring représente pour sa part près de 20% des recettes, avec une volonté clairement définie consistant à catégoriser les marques, du partenaire principal (BNP Paribas) aux fournisseurs officiels (AccorHotel, JCDecaux, Tropicana, Magnum, Mastercard…) en passant par les partenaires officiels (Engie, Perrier) et leurs homologues premium (Fly Emirates, Lacoste, Peugeot, Rolex). «Il s’agit d’une stratégie élitiste», reconnaît sans détour le directeur général adjoint. La billetterie et les produits dérivés complètent le total, respectivement à hauteur de «15%» et «5%».
Chine, Inde et Brésil en ligne de mire
«Près d’un tiers des spectateurs présents chaque année porte d’Auteuil ne sont pas français et le site e-commerce, qui représente environ un cinquième des recettes des produits dérivés, dispose d’une fréquentation majoritairement étrangère», éclaire-t-il. Raison pour laquelle le choix a été fait de mettre l’accent sur un volet international «en voie de développement», au premier rang duquel pointent la Chine, l’Inde et le Brésil. Trois marchés prioritaires sur lesquels Roland-Garros entend imprimer sa marque, à travers des actions événementielles, des opérations digitales ou encore des accords permettant -à titre d’illustration- à la marque de disposer de sa propre plateforme sur Alibaba. «Un accord à ce sujet est en cours de finalisation», révèle Stéphane Morel, pour qui «l’étape d’après intéressera les pays d’Europe du Sud». Ultime chantier pour le tournoi parisien: celui de l’influence. Une thématique qui passe là encore par des accords, comme celui noué avec l’éditeur Bigben Interactive pour la sortie du jeu vidéo Tennis World Tour Roland-Garros Edition, qui débouchera sur «une grande finale e-sport qui se déroulera à Paris en même temps que la finale du tournoi». De quoi contribuer encore un peu plus au renouveau de Roland-Garros et de l’élégance à la française.
Chiffres-clés
5 000 La capacité, en nombre de places, du nouveau court Simonne-Mathieu qui sera inauguré à l’occasion de l’édition 2019.
480 000 Le nombre total de spectateurs enregistrés porte d’Auteuil lors de l’édition 2018.
270 millions d’euros Le budget annuel de Roland-Garros, l’un des quatre tournois du Grand Chelem avec l’Open d’Australie, l’US Open et Wimbledon.