E-commerce
Avec la disparition de la marque PriceMinister pour Rakuten France, c’est une page du web français qui se tourne. La place de marché est désormais au centre de la stratégie internationale du géant japonais.

« Ce R, vous ne le connaissez pas. Pourtant, 20 millions de clients s’en sont déjà servi. » Ce « R », c’est celui des « références par milliers », des « réfrigérateurs tout neufs », des « robes dernier cri », des « radios d’occasion »… mais s’il fallait n'en retenir qu’un dans la longue liste égrenée par cette nouvelle pub TV, c’est le « R » de Rakuten. En 30 secondes, ce film conçu par TBWA Paris exécute une figure imposée par son nouveau client : installer la nouvelle marque Rakuten en France. Derrière, il y a la plateforme d’e-commerce bien connue PriceMinister. Le site fondé en 2000 par Pierre Kosciusko-Morizet avec Pierre Krings, Nathalie Gaveau, Justin Ziegler et Olivier Mathiot, actuel directeur général, a survécu à la déferlante Amazon – amplifiée depuis par le chinois Alibaba. Le voilà contraint de repartir quasiment de zéro avec ce nouveau nom alors que la marque historique bénéficiait d’un taux de notoriété assistée confortable de 95 %.

Une chose est sûre : la transition sur le terrain de la marque a été opérée en douceur par la nouvelle maison-mère, le géant japonais du commerce en ligne Rakuten, qui a acquis la place de marché française en 2010 pour 200 millions d’euros – un beau cadeau de dixième année pour les fondateurs. Huit ans durant, les logos de PriceMinister et Rakuten ont cohabité pudiquement dans le header du site. « Sur le plan stratégique, l’intégration a démarré en 2012 mais l'on ne pouvait pas faire converger la technologie et la marque en même temps. Maintenant que le premier volet est réalisé, nous nous attaquons au second, ce qui ne se résume pas à un changement de logo mais à la création d’une nouvelle marque, avec des valeurs plus internationales et un écosystème plus large et profond. Au Japon, Rakuten propose un ensemble de services comme du crédit, du voyage, de la téléphonie… », explique Olivier Mathiot.

Cercle rouge

Comme Amazon, la stratégie du japonais est de réunir sous un dénominateur commun tous ses services. Par exemple, Rakuten Kobo pour les liseuses électroniques, Rakuten Viber pour l’application de messagerie, Rakuten TV pour la plateforme de SVOD… Et d’être présent à l’international, avec une seule et même marque. C’est ainsi que Tradoria, site marchand allemand racheté en 2011, est devenu Rakuten Deutschland. Présent dans 29 pays, Rakuten veut renforcer son image d'« Amazon du Japon »… hors du Japon et de ses codes. Hormis le cercle rouge du logo, aucune autre référence à l’archipel n’est faite dans la communication. « C’est volontaire... Nous avons la volonté d’être un groupe international, avec ses codes universels. Le mot a beau être japonais - il signifie optimisme - sa sonorité ne l’est pas. D’autres marques internationales comme Uniqlo et Sony sont d’ailleurs japonaises sans que l’on y pense spontanément », indique Fabien Versavau, directeur général adjoint de Rakuten France. La campagne française servira donc la notoriété internationale et vice-versa, comme le sponsoring du FC Barcelone, qui aura forcément une retombée en France.

Parti « prix »

Avec ses nouvelles ambitions, Rakuten France ne peut plus se contenter d’une communication « poil à gratter », selon les mots d’Olivier Mathiot, comme à ses débuts. On se souvient de la campagne « Devenez radin », créée en interne en 2004, révélatrice d’une époque où les pure players misaient sur les prix bas, jusqu’à donner des noms comme Mistergooddeal, Cdiscount et bien sûr PriceMinister. Quinze ans après, il est devenu difficile de jouer le discount dans un marché où le leader (Amazon) gagne de l’argent avec une autre activité (le cloud) que le e-commerce. « Après un discours sur les prix, on vise à monter un peu en gamme », reconnaît Fabien Versavau. Pour relever ce défi, l’équipe de direction a décidé d’y mettre le prix en retenant une grande agence comme TBWA Paris. « D’un point de vue de communication, lancer une nouvelle marque est quelque chose de très coûteux. Ce que je peux dire c’est que le budget est aligné sur les ambitions et que Rakuten France s’est donné les moyens d’investir sur la TV, qui était incontournable en termes de puissance », souligne Luc Bourgery, directeur général de TBWA Paris.

Cashback, click & collect 

Pour se démarquer des géants américains « désincarnés et à l’image froide », Rakuten France (dont le taux de notoriété assistée était de 10 % avant le départ de la campagne) mise sur un territoire de marque « plus sympa, joyeux et décomplexé, avec un environnement plus pop », ce qu’illustre déjà ce premier film. Le site veut mettre en avant ses valeurs parmi lesquelles « l’empowerment ». « Contrairement à la vision chinoise ou américaine, qui consiste à préempter toute la chaîne de valeur et atteindre une position monopolistique, Rakuten a une approche différente. Nous développons un carrefour d’audience et de services digitaux permettant aux vendeurs de trouver des relais de croissance sur notre place de marché. Nous ne sommes jamais en concurrence avec eux. Ce sont nos partenaires. Pour les y aider, nous défendons une culture de l’ouverture sur la data pour qu'ils développent leur activité, y compris en point de vente, car nous allons accroître les possibilités de click & collect », plaide Fabien Versavau. Côté B2C, Rakuten France parie sur son programme de fidélisation, le nerf de la guerre pour qui ne veut pas se ruiner en acquisition. Son club réunit 1 million de membres et se fonde sur le cashback, lequel a inspiré la nouvelle signature de marque : « Il y a de la générosité dans l’R. » Les services payants et récurrents, comme l’électricité qu’a lancée fin 2017 Cdiscount, sont redoutables pour garder des clients captifs. Chez Rakuten France, Olivier Mathiot annonce, pour sa part, mener des réflexions dans le domaine de l’assurance.

Chiffres clés:

20 millions de clients

1 million de membres au PriceClub

200 millions de produits

6 000 vendeurs professionnels

6,3 millions d'euros investis en médias en 2017, soit 110 % de plus qu'en 2016 (Kantar Media)

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