Terreux, avec des défauts, pas forcément beaux... Jusqu'ici courtisés sur les marchés car leurs imperfections étaient présentées comme des gages de qualité, ils n'étaient pas les bienvenus dans les linéaires des grandes surfaces. Eux, ce sont les fruits et légumes décalibrés. Les moches sont en train de prendre leur revanche: ils sont les stars de la nouvelle opération d'Intermarché, «les fruits et légumes moches», réalisée avec l'agence Marcel, qui décroche le Grand Prix Stratégies de la publicité 2014.
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Lancée dans le magasin de Provins (en Seine-et-Marne) les 21 et 22 mars 2014, cette opération consiste à vendre en vrac des fruits et légumes ne correspondant pas aux critères esthétiques en vigueur. Et ce à des prix inférieurs d'environ 30% au standard du marché. Une action qui fait écho à la signature publicitaire de l'enseigne, «Tous unis contre la vie chère».
Pour aller jusqu'au bout de l'idée, Intermarché a mis en place des présentoirs ad hoc et a également imaginé des affichages de prix ainsi que des noms spécifiques sur les tickets de caisse (« fruits moches », « légumes moches »). Des dégustations de soupes de carottes moches et de jus d'oranges moches ont également été organisées, pour donner la preuve aux clients que s'ils sont moches, ces produits n'en sont pas moins bons.
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Une campagne locale déclinée en huit visuels (dans l'édition départementale du Parisien, sur le point de vente et sur des Abribus et sucettes Clear Channel) a aussi permis de médiatiser cette initiative, qui a remporté un joli succès auprès des clients, enthousiastes à l'idée de pouvoir acheter des produits bons à moindre coût: en deux jours, 1 200 kilos de fruits et légumes (soit la totalité des produits) ont été vendus.
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Cette opération a séduit le jury du Grand prix Stratégies de la publicité, qui l'a préféré en finale à la campagne Le dernier carré de Milka (agence Buzzman). «Cette année, nous avons décidé de récompenser des idées intelligentes, explique Farid Mokart, fondateur de Fred & Farid et président du jury. L'idée développée par Intermarché en est une, à différents niveaux: elle est intéressante par rapport à la façon dont communiquent habituellement les distributeurs, elle est pertinente par rapport à la problématique du pouvoir d'achat et elle comporte aussi une dimension sociétale en revendiquant un mode de consommation moins cher, qui élimine des critères esthétiques et privilégie le produit plutôt que le packaging.»
Imaginée et conçue par l'agence Marcel (qui travaille avec Intermarché depuis 2009 sur le digital et l'innovation), cette campagne est actuellement en cours de déploiement dans les 1800 magasins de l'enseigne. Pour autant, tous ne proposeront pas à la vente ces produits déclassés car Intermarché favorisera les producteurs locaux, qui doivent donc vouloir participer à l'opération et avoir des stocks à écouler.
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En sauvant de la poubelle des fruits et des légumes et en privilégiant la production locale, Intermarché s'engage donc concrètement dans la lutte contre le gaspillage. D'ailleurs, l'enseigne ne compte pas en rester là. «Il ne s'agit pas d'un coup marketing, mais d'un vrai projet d'innovation pour Intermarché. Nous réfléchissons ensemble sur d'autres sujets liés à cette thématique», précise Pascal Nessim, président de l'agence Marcel.
«J'espère maintenant que d'autres enseignes vont se lancer dans cette lutte contre le gaspillage. D'autant plus que cette opération n'a pas coûté beaucoup d'argent», ajoute-t-il. Selon Intermarché, 3 000 euros ont été dépensés en achat médias (Zenith-Optimedia) pour l'opération de Provins (2 000 euros en affichage et 1 000 euros en presse).
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De fait, le 26 mai, Monoprix a lancé une opération visant à écouler des stocks de fruits mal calibrés, difformes, ou avec des défauts dues aux intempéries, vendus 30% moins chers que des fruits standard. Organisée en collaboration avec le collectif de producteurs La gueule cassée, cette initiative est pour l'instant uniquement déclinée dans 17 magasins de la marque, mais vise à s'installer sur tout le territoire, de manière permanente. Auchan suit également cette tendance et propose aussi des fruits moches depuis la mi-mai dans son établissement de Vélizy (Yvelines). Cette opération devrait être étendue dans un deuxième temps à d'autres magasins.