L'année 2012 a été très profitable pour les maisons de luxe. Les professionnels interrogés en exclusivité par l'Ifop pour Stratégies envisagent l'avenir sous les meilleurs auspices, préservés de la crise mondiale.

Alors que la crise fait la une des médias et inquiète, ou déstabilise, les gouvernements occidentaux, le secteur du luxe reste insensible à la conjoncture. En 2009, l'industrie avait accusé le coup, mais s'était reprise dès 2010 (+8%) et avait retrouvé une croissance à deux chiffres en 2011 (+13%), selon l'étude annuelle du cabinet Bain & Co. Si ce dernier anticipait, en mai dernier, une croissance moindre, à 6 ou 7% pour 2012, la société de Bourse Aurel BGC, elle, maintenait ses prévisions à 10%.

Les résultats semestriels des grands groupes publiés fin juin ne poussent pas à la grimace. LVMH a annoncé un bond de 28% de ses bénéfices semestriels et des ventes à l'unisson (+26%). Progression identique du résultat net (18%) chez Hermès pour un résultat opérationnel en hausse de 22,2%. Chez PPR, le chiffre d'affaires sur les six premiers mois de l'année est en hausse de 17% et les bénéfices de 5,9%. De son côté, Richemont anticipait en août dernier un bénéfice opérationnel pour le premier semestre de l'exercice (avril-septembre 2012) en augmentation de 20 à 40% sur un an.

En parallèle de ces résultats financiers, l'Ifop prend depuis deux ans le pouls du marché en interrogeant, en exclusivité pour Stratégies à l'occasion du Grand Prix Stratégies/Amaury Médias du luxe, 246 professionnels travaillant chez l'annonceur ou en agences (étude en ligne réalisée début septembre). «Pour 2012, 40% affichent un franc sourire, c'est encore mieux que l'an passé de 4 points et, surtout, l'inquiétude a reculé de 15 points, commente Stéphane Truchi, président du directoire de l'Ifop. Mieux, pour 2013, les acteurs du luxe se déclarent optimistes pour leur secteur à 65%. Ce sentiment était déjà fort l'an passé, mais n'était partagé que par 55% des sondés.»

Pour lui, «cette progression de 10 points de l'optimisme est la donnée la plus remarquable et la plus surprenante de l'étude cette année.» D'autant que vis-à-vis de la situation économique et financière mondiale, tous secteurs confondus, les acteurs du luxe ne semblent pas alarmés: 49% sont pessimistes, donc une majorité ne l'est pas… Dans le détail, 9% sont très pessimistes et 19% plutôt optimistes. «Si cette vision de l'avenir est porteuse de dynamisme, elle donne toutefois l'impression que le luxe évolue dans sa bulle et ne réalise pas à quel point le monde est fragilisé», estime Stéphane Truchi.

Reste que les premiers signes de crispation de la consommation en Chine et les menaces à terme sur la santé des pays émergents, touchés par le contexte mondial, ne semblent pas pour le moment des sujets d'inquiétude. Pour les sondés, la Chine domine et reste le premier des «marchés très stratégiques» (77% des réponses). Le Brésil progresse de 8 points (39%), la Russie de 13 (35%) et les Emirats Arabes unis de 7 (26%), comme le Japon. L'archipel se reconstruit, mais ne retrouve pas son niveau d'antan.

«La France est à l'image des pays européens, observe Stéphane Truchi. Ce sont des marchés moins générateurs de croissance.» A cet égard, sur le marché français, la croissance continue à être principalement portée par les touristes des pays émergents (Chine, Brésil, Russie et Moyen-Orient).

La simplicité plutôt que l'exubérance

Concernant les attentes des clients à l'égard du luxe, l'an passé, Marc Gicquel, directeur du secteur luxe de l'Ifop, soulignait que les valeurs d'authenticité, de plaisir, d'émotion de confiance et le «value for money» étaient en hausse, alors que l'exubérance était mise à distance. «Cette année, on notera la montée de l'audace et de l'humour», souligne Stéphane Truchi. Il y voit l'envie d'une consommation sensible à la créativité et à l'originalité, plus joyeuse, plus assumée, moins austère et sophistiquée. La simplicité a définitivement pris le pas sur l'exubérance (attente en déclin pour 67% des sondés).

L'ifop a également interrogé les professionnels du luxe sur les enjeux stratégique du secteur. L'innovation produit, la stratégie digitale et le «made in» sont les premiers cités. Leur stratégie de communication et de vente multicanal est aussi une source d'interrogations. «Le multicanal permet avant tout de donner de la continuité dans la relation, là où le luxe par principe est un lien discontinu, on n'achète pas un bijou tous les jours !», note Stephane Truchi. «Créer une relation forte et interactive est nouveau pour le luxe et donne de l'horizontalité à la relation, tout en étant au plus près du parcours du client aux moments clés de la relation et du processus d'achat», ajoute-t-il. En revanche, le multicanal n'a pas pour vocation première de servir des stratégies de conquête ou d'élargissement du public.

Quant aux réseaux sociaux, les acteurs du luxe les considèrent comme un média de spectacle qui anime la marque, sans impact sur les ventes. Surtout, ils soulignent «leur difficulté à mesurer leur efficacité et leur impact mais reconnaissent que c'est un lieu d'expression à la mode donc incontournable».

En revanche, pas de doute sur les atouts du «storytelling», qui permet de revenir aux fondamentaux de la marque à travers le récit de son histoire. «Une façon de se faire connaître des pays émergents, souligne le président de l'Ifop. Mais aussi de se défendre face aux nouveaux acteurs, notamment de la mode, en réaffirmant leurs valeurs originelles et leur pérennité.» Ce qui est à l'évidence la démarche de Cartier avec son film «L'Odyssée», Grand Prix Stratégies/Amaury Médias du luxe 2012.

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