La 57e édition du Festival de la publicité, qui s’est achevée le 27 juin 2010, a confirmé la nécessité pour les marques, quel que soit le support, d’entrer en conversation rapprochée avec le public, signant du même coup la fin du film roi.

«A Cannes, on décerne des Prix. Les décorations, c'est pour les sapins de Noël.» Cette phrase de Mark Tutssel, directeur de la création de Leo Burnett Worldwide, qui présidait les jurys Press et Film, suffit à résumer l'esprit de l'édition 2010 du Festival international de la publicité. Car malgré un nombre de travaux inscrits en hausse, décrocher les précieux trophées n'a pas été chose facile: palmarès resserrés, peu de Lions d'Or et plusieurs secteurs sans Lions.

«La sélection a été assez violente, raconte Olivier Altmann, patron créatif de Publicis Conseil et Worldwide, juré Press cette année. Sur 4 800 travaux envoyés en print, il en restait 450 en short list, soit à peine 10%. Etre dans la short list cette année, c'est déjà le nirvana. Avoir un bronze, c'est un argent de l'an dernier. La nouvelle catégorie Craft a peut-être déplacé une partie de la compétition.»

Au final, 73 Lions seulement ont été décernés en Press (193 l'an dernier), dont 12 en or. Idem en Outdoor, avec 122 Lions dont 7 en or (157 en 2009), et en Film, avec 100 Lions dont 14 en or (120 en 2009).

Autre tendance de cette édition: des frontières de plus en plus floues entre les supports, à tel point que l'idée de rebaptiser le Festival fait son chemin. Conséquences: les mêmes campagnes multiprimées dans plusieurs catégories et une fâcheuse impression de tourner en rond. «Le palmarès est parfois un peu touffu et pas facile à lire, admet Stéphane Xiberras, directeur de la création de BETC Euro RSCG. Mais peut-être est-ce le signe que le terrain de jeu créatif est devenu sans limites.» Il devrait encore s'élargir l'an prochain avec deux nouveaux trophées: l'Effectiveness Award et le Black Lion, qui récompenseront une contribution majeure au métier.

La catégorie Cyber prend le pouvoir

A ce petit jeu du «saute-catégories», les médias dits traditionnels sont les premiers perdants. Exemple pour le Film. «Auparavant, le Grand Prix Film était attendu comme “le” Grand Prix de Cannes. Ce n'est plus le cas aujourd'hui», constate Valérie Accary, présidente de CLM BBDO, jurée Film. Celui de 2010 ne va pas arranger les choses… «Les jurés ont salué la puissance d'un film TV stricto sensu, explique Valérie Accary. Il récompense aussi son efficacité: “The Man your man could smell like” a redonné vie à Old Spice, une marque américaine populaire, mais endormie.» Certes. Mais malgré sa réalisation irréprochable, ce spot est-il «le» film de l'année? Ça se discute…

Grandes gagnantes de cette évolution, les catégories nouvelles, notamment Cyber, dont Cannes 2010 marque la prise de pouvoir. «Dans cette catégorie, certains pays font preuve d'une maturité évidente, analyse Philippe Simonet, vice-président exécutif de TBWA Paris, juré Cyber. L'an prochain, il n'y a aucune raison que la France ne figure pas en haut des listes.» Avec 6 Lions dans cette catégorie, contre un seul en 2009 et aucun en 2008, la voie est ouverte. Et d'avancer une raison à l'essor de Cyber: «Le viral est le média par excellence de l'intelligence avec le public, de l'engagement et de la conversation.»

«Un dialogue plus impliquant»

Conversation… Le mot est lâché. Quelle que soit la catégorie, il n'est plus question de délivrer un message à un public passif. Une opinion largement partagée par les publicitaires français présents à Cannes, comme Olivier Altmann, qui évoque «des campagnes qui demandent une forme d'engagement, instaurent un dialogue plus impliquant et moins furtif. On ne peut plus parler aux gens comme à des robots. Plus que jamais, notre métier est de créer du contenu qui se démarque parmi tous ceux qui arrivent sous les yeux des consommateurs.»

Et les Français dans tout ça? Dans un palmarès dominé par les Américains (135 Lions, dont 7 Grands Prix et 23 or), la France totalise 40 Lions (7 or, 15 argent et 18 bronze), soit 16 de plus qu'en 2009, ce qui la place au septième rang mondial. Parmi les quatorze agences primées, BETC Euro RSCG, avec 9 Lions, mène la danse. «Là, franchement, c'est une réussite, notre vision d'agence globale se concrétise», se félicite Raphaël de Andréis, son président. «Nous sommes d'autant plus fiers que les récompenses vont aussi à nos clients historiques», ajoute son directeur de la création, Stéphane Xiberras.

Bonne récolte aussi pour TBWA Paris, avec 5 Lions, et première agence française en Cyber (2 or et 1 bronze), et pour Ogilvy Paris (5 Lions également).

La France se distingue aussi dans la section grandes causes et charité grâce à «Chance» de l'INPES (DDB Paris), «Water talks» de Solidarités international (BDDP Unlimited), «Aides » et «Amnesty International» (TBWA Paris). Seul bémol: la maigre moisson française en Media (1 Lion), Design (1 Lion) et le zéro pointé dans les catégories Promo, Radio et PR.

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