Décidément, impossible d'échapper au football durant ce mois de juin 2010. Alors que la Coupe du monde bat son plein en Afrique du Sud, c'est une campagne jouant sur les codes du ballon rond qui a décroché le 10e Grand Prix des stratégies médias. Transcash, spécialiste des transferts d'argent, remporte la partie grâce à la campagne «Les Transferts» réalisée en novembre et décembre 2009, au dispositif média imaginé par Buzzman avec le concours de My Media.
Est-ce encore un hasard? Transcash est une filiale de Midi France Télécom, une entreprise qui s'est déjà imposée dans l'univers des cartes téléphoniques prépayées, installée à côté de… Marseille. On reste bien dans l'univers du football! C'est grâce à son expérience dans les cartes téléphoniques internationales destinées aux communautés étrangères et d'origine étrangère que Transcash est née (lire l'interview ci-contre). La société s'attaque au géant Western Union, qui domine le marché des transferts d'argent. La Ligue des champions, en somme…
Pour trouver l'idée créative, Buzzman n'a pas tergiversé. «La majorité des transferts d'argent ont lieu vers les pays du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, explique Thomas Granger, directeur général de Buzzman. Les clients sont essentiellement des hommes de 25 à 40 ans.» Avec un tel public, le thème du football s'est rapidement imposé. «Ce sport est très populaire dans cette communauté, poursuit Thomas Granger. Par ailleurs, une grande partie des futurs talents sont issus de l'immigration.» Cerise sur le gâteau, le terme de «transfert» est aussi commun aux deux milieux: banque et football. D'où ces créations originales dans lesquelles messieurs Ben Arfa, Niang ou Benzema se réjouissent des montants de leurs transferts: 150, 200, 250 euros. Évidemment, au vu des sommes en jeu, il ne s'agissait que d'homonymes de ces grands noms du foot français.
La télévision, gage de sérieux
«Nous recherchions un message à fort impact pouvant générer du bruit, raconte Thomas Granger. Ce traitement était très bien adapté à nos objectifs.» L'agence a déniché, et convaincu, de vrais homonymes anonymes pour cette campagne qui, pour être efficace, devait aussi toucher le mieux possible la cible. Or, dans le marketing ethnique, la stratégie et la tactique média doivent obligatoirement sortir des sentiers battus.
Le dispositif média imaginé par Buzzman et construit par l'agence médias My Media s'appuie sur deux piliers. Tout d'abord des supports à large audience, comme la télévision, dont le rôle est de construire rapidement la notoriété de la marque. Mais pas seulement: la télévision sert aussi à conférer un statut et un gage de sérieux à Transcash. «Ce média était obligatoire pour un lancement de marque, confirme Thomas Granger. La télévision apporte une caution et montre que Transcash est un acteur sérieux. Et il convient d'être sérieux, car là, on parle d'argent. Transcash est un service très impliquant.»
Toutefois, compte tenu de son budget limité, la marque n'a pu s'offrir les grandes chaînes hertziennes. La campagne s'est concentrée sur trois chaînes nationales de la TNT: W9, TMC et NRJ 12. Avec, quand même, une petite escapade sur TF1 le 18 novembre, avant le match France-Irlande, alors que les Bleus jouaient leur qualification pour le Mondial. Au total, Transcash a investi plus de 500 000 euros sur les trois chaînes de la TNT et TF1 durant quatre semaines, entre novembre et décembre 2009. Une période qui couvrait la fête de l'Aïd el-Kebir, le 27 novembre, très importante pour les musulmans de France.
Deuxième pilier de l'opération: Transcash a aussi joué la proximité avec ses clients, grâce à des supports beaucoup plus ciblés. En télévision, d'abord, avec Equidia, la chaîne du cheval, qui retransmet les courses hippiques. «Une partie du cœur de cible est adepte des jeux de hasard et du PMU», observe Mathilde Leclercq, consultante senior chez My Media. Du coup, en plus d'Equidia, quelque 160 000 euros ont été investis dans le quotidien spécialisé Paris Turf. Toujours en télévision, Trace, la chaîne musicale des musiques urbaines, est également incluse dans le dispositif.
Actions terrain
De manière beaucoup plus tactique, Buzzman a misé sur la la géolocalisation afin de gagner en efficacité auprès de ce public particulier, difficile à cerner par les enquêtes d'audiences habituelles. «Nous avons observé les gens et tenté de nous mettre dans la peau de cette cible, affirme Thomas Granger. Nous y sommes allés avec notre intuition et nos expériences personnelles.» Les stratèges de Buzzman sont partis sur le terrain, notamment dans le quartier de Barbès, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Avec My Media, ils ont sélectionné plusieurs lieux de vie, notamment les boucheries halal et les Taxiphone, ces petites boutiques où l'on peut joindre le monde entier à des tarifs préférentiels, et qui bénéficient de réseaux d'affichage propres. Cette action terrain a eu lieu en deux vagues dans plus de 500 boutiques, commerces et magasins à Paris et en région parisienne, mais aussi à Lyon, Lille, Marseille, Nice, Montpellier, Strasbourg et Toulouse. Plus de 2 500 affichettes ont été posées et quelque 350 écrans vidéo investis dans les meilleures téléboutiques franciliennes. En complément, 18 000 prospectus ont été distribués autour de ces sites.
Parallèlement, Transcash est entrée dans le métro parisien en jouant également l'événementiel au travers de «massifs quais» dans quelques stations, notamment en Seine-Saint-Denis. Dans ce département du nord de Paris, un tramway de la ligne T1 a été entièrement adhésivé durant trois semaines entre novembre et décembre, et une bâche publicitaire de 180 m2 installée porte de Clignancourt, au bord du périphérique parisien.
La radio, avec des stations nationales comme NRJ, Virgin, Skyrock et RTL2, mais achetées en local, a complété le dispositif, qui comprenait aussi plusieurs radios régionales importantes (Scoop à Lyon, Contact à Lille, etc.) et enseignes communautaires: Beur FM, Radio Orient, Radio Soleil, Tropiques FM, Africa n°1, etc.
Budget raisonnable
Enfin, à la télévision, Transcah ne s'est pas limitée aux chaînes françaises: la société a investi également les télévisions maghrébines: 2M au Maroc, Canal Algérie et Tunisie 7. «Avec Al Jazeera, ces chaînes sont les plus regardées par les clients de Transcash en France», affirme Anthony Ravau, de My Media. «Elles permettent aussi de toucher les populations qui vont recevoir l'argent et de construire la notoriété et la crédibilité de la marque auprès d'elles», complète Thomas Granger. Pour ces chaînes étrangères, l'achat d'espace est réalisé par France Télévisions Publicité. «Ce type de dispositif n'est pas plus difficile à réaliser et à acheter qu'un plan classique, estime Mathilde Leclercq, de My Media. En revanche, les négociations tarifaires sont un peu moins importantes.»
Concernant le planning, Buzzman et My Media ont choisi d'activer tous les supports en même temps, afin de donner un effet volume à la campagne. Quelques semaines avant le début de l'offensive, l'agence avait concocté une action virale dont elle a le secret. «Nous avons infiltré ces communautés et travaillé auprès des blogueurs grâce à de petits films teasers», détaille Thomas Granger.
C'est l'ensemble de cette articulation – action TV nationale, dispositifs locaux, opérations de terrain – qui a séduit les jurés du Grand Prix des stratégies médias. La campagne Transcash est aussi remarquable en raison de l'interaction entre la création et les médias, où chaque message est adapté à chaque support.
Au total, en dépit d'un budget raisonnable (moins de 3 millions de budget net estimé), ce nouvel opérateur de transfert d'argent a bénéficié d'une part de voix importante auprès d'une population généralement peu sollicitée par les publicitaires. Les ménagères de moins de 50 ans et les CSP+ n'ont pas le monopole des opérations de communication.