Télécoms
L'opérateur historique s'apprête à révolutionner le secteur bancaire en lançant sa propre banque mobile. Il est le premier groupe de télécommunications en France à s'y risquer.

Un opérateur télécom peut-il être aussi une banque mobile? Lundi 4 janvier, Orange annonce par communiqué son entrée en «négociations exclusives» pour prendre 65% des parts de Groupama Banque (filiale bancaire du mutualiste Groupama), en vue de lancer sa propre banque 100% mobile, baptisée (surprise!) Orange banque. Son lancement est prévu «début 2017» en France puis sur d’autres marchés européens, comme l’Espagne, la Belgique et la Roumanie. Les services couvriront les activités de banque au quotidien, l’épargne ainsi que les crédits et l’assurance. Une petite bombe dans un secteur des télécoms déjà bouillonnant avec les discussions en cours entre Bouygues et Orange pour la reprise par ce dernier de Bouygues Telecom. 

La banque représente un service inédit pour un opérateur télécoms en France. À l’étranger, des pionniers ont ouvert la voie. Jibun Bank s’est même imposée au Japon (lire encadré). «En Autriche, Telecom Austria a lancé un système de m-paiement, puis un écosystème plus large de services bancaires. Orange a même testé avec succès Orange Finanse en Pologne», énumère Sylvain Chevallier, associé du cabinet-conseil Bearing Point.

L'initiative d'Orange n’est donc pas une surprise. Son président, Stéphane Richard, annonçait en mars 2015, dans le cadre de son plan stratégique «Essentiels 2020», ses ambitions en «mobile banking». En 2014, il avait recruté Laurent Paillassot, ancien dirigeant de LCL, en qualité de directeur général adjoint Expérience client et Mobile Banking. C’est lui qui était à la manœuvre ces derniers mois en vue du rapprochement avec Groupama. Mais la direction d'Orange Banque sera confiée à Marc Rennard [qui a développé Orange Money en Afrique] en qualité de DGA en charge des services financiers sur mobile. 

Expertise solide

En octobre, Orange avançait un premier pion sur les services bancaires en lançant Visa Orange Cash, son service de paiement mobile (m-paiement), fort de son expérience acquise en Afrique et au Moyen-Orient avec son service de transfert d’argent Orange Money. «Dans ces régions peu bancarisées, Orange Money compte déjà 15 millions d’abonnés en Afrique, où il côtoie des services concurrents, comme M-Pesa, lancé par Safaricom, filiale de Vodafone», précise Sylvain Chevallier.

Avec l’acquisition de Groupama Banque, l’opérateur a assurément plusieurs atouts en main. À commencer par «une infrastructure déjà opérationnelle et rodée», assure le groupe qui peut s'appuyer sur sa propre base de 28 millions de clients et un réseau de distribution de plus de 850 boutiques. Autre atout, Orange va pouvoir aller vite, très vite, pour lancer cette nouvelle activité. «Groupama Banque est déjà agréée Banque de France. Ils rachètent ainsi une licence et une infrastructure bancaires, leur épargant des semaines de démarches administratives», résume Hugues Le Bret, fondateur de la «fintech» Compte Nickel. Sans oublier que Groupama Banque apporte dans sa corbeille plus de 500 000 clients, et un réseau de 3 000 agences (Groupama et Gan). 

Mais la principale force d'Orange est sans nul doute sa maîtrise de l'univers du mobile. Or celui-ci est précisément devenu un des premiers points de contact des clients avec leur banque. La génération Y paie ses factures via son mobile. «Payer, c’est aujourd’hui de la technologie, et plus un métier bancaire. Les “telcos” ont une expérience du temps réel supérieure à celle des banques, qui sont en paiement différé», estime Hugues Le Bret. L’enjeu est de «transformer votre mobile en véritable agence de banque et d’assurance toujours présente dans votre poche», précise dans le communiqué Thierry Martel, DG de Groupama.

Le modèle Free

Avec ce nouveau service, l’opérateur s'octroie le rôle du trublion. «Si j’osais le mot, je dirais que nous voulons être le Free (sic) de la banque en proposant une offre moins chère que celle qui existe aujourd’hui et plus transparente sur les conditions de tarification», lâchait Stéphane Richard sur Europe 1, le 4 janvier dernier. De fait, les tarifs se veulent «disruptifs» et flirtent avec ceux des banques en ligne Fortuneo ou Boursorama (Société générale), soit à peine 100 euros par an pour un compte bancaire, une carte bleue et un carnet de chèques. Bien en-dessous du tarif moyen de 190 euros des banques «old school».

Mais Orange ne sera pas le seul trouble-fête ce secteur en pleine ubérisation, où les acteurs se multiplient: après les Boursorama, Fortuneo et autres Hello Bank, des fintech nouvelle génération arrivent sur le marché, comme Compte Nickel, service de compte bancaire alternatif et de moyen de paiement disponible dans des bureaux de tabac. Là encore, les exemples étrangers ne manquent pas: à Berlin, la start-up Number 26 permet d’ouvrir un compte en huit minutes… par chat vidéo. À Londres, Atom Bank, une banque pure-player mobile attendue pour fin 2016, a déjà levé 128 millions de dollars dont 68 millions auprès de l’espagnole BBVA. La bataille ne fait que commencer.

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