En interne, comme à l’externe, la marque employeur ne cesse de se décliner. L’un de ses axes va vers les politiques orientées en direction des enfants des salariés. Parce qu’il n’y a pas que le télétravail dans la vie.

Grosse journée à Plailly dans l’Oise. Pas moins de 12 000 visiteurs ont envahi le parc Astérix ce samedi 7 décembre – tous conviés par leurs comités sociaux d’entreprise (CSE). Avec, en plus des attractions et de la parade de Noël, la rencontre possible de VIP comme Alice Taglioni ou Vincent Cassel. Du 15 novembre au 14 décembre, dix jours de « Noëls d’entreprises » au pays du célèbre gaulois, soit 150 000 visiteurs, ont été organisés. « Des chiffres en constante augmentation, détaille Guy Vassel, directeur général adjoint du Parc, mais la saison est courte. Globalement, dans l’année, on a 55 % de familles avec enfants. Là, le taux monte à 75 %. La moitié des entrées pour Noël 2025 est déjà vendue. C’est de plus en plus tôt. » Astérix et Obélix cartonnent à Noël.

« Nous vous convions le mercredi 11 décembre à 16 h 30 pour le Noël des enfants saison 2. » Si Stratégies a choisi de relancer un arbre de Noël – en interne -, si Villages Clubs du Soleil maintient non pas un, mais deux moments de festivités destinés à ses salariés et leurs familles, c’est un peu à contre-courant. « Le marché est en chute libre, assure Didier Barbeau, fondateur d’Artémia, agence artistique spécialisée. Le covid a complètement tué ce genre d’événementiels internes… Plus personne n’a envie de s’en charger. En revanche, les parcs d’attractions sont bien organisés avec des flopées de commerciaux qui démarchent directement les comités sociaux et économiques (CSE). »

Selon une étude d’Indeed, au mois de décembre 2024, 27 % des salariés se disent privés de toute célébration de fin d’année. Or faire une croix sur ces moments de partage constitue une erreur. Avec ou sans enfants, 91 % des recruteurs et 88 % des salariés estiment, en effet, qu’il s’agit d’une bonne façon de finir l’année. « Et les jeunes collaborateurs, de moins de 35 ans, y sont particulièrement sensibles, souligne Éric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed, contrairement aux idées reçues, à condition que les entreprises ne le survendent pas comme une récompense au travail de l’année. C’est de la générosité qui n’attend pas de retour. »

Le droit du travail ne doit pas être oublié. Alice Marchal, avocate au sein du cabinet ACD, le rappelle : « si elle est revue à la hausse chaque année, la valeur du cadeau ne doit pas dépasser 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale, soit 193 euros en 2024. Au-delà, c’est soumis à des cotisations salariales et patronales. Or les dirigeants ne sont pas très informés sur ce plan. » Le document qui fait foi en la matière : le Boss (Bulletin officiel de la Sécurité sociale), le bien nommé.

Chez Icims, expert dans les logiciels, pas d’arbre de Noël mais des frais de garde remboursés à hauteur maximum de 420 euros, un congé maternité de six mois, un de paternité de trois mois… Pas d’arbre de Noël non plus à la Matmut, mais 123 berceaux en crèche financés – pour un budget annuel de 1,1 million d’euros -, des bons de rentrée ou le soutien scolaire. Trente-cinq berceaux sont réservés aussi par l’Urssaf Caisse nationale, pour un montant annuel unitaire de 9 000 euros.

Il y a deux mois, les agences de la Bred Banque Populaire ont créé leur « Journée des enfants ». « Les enfants ont pu explorer l’univers de travail de leurs parents, découvrant ainsi le monde bancaire de manière ludique. Leurs rires et leur émerveillement ont illuminé nos agences », se félicite la banque sur LinkedIn, suscitant plusieurs centaines de réactions. D’autres exemples ont été observés par Oualid Hathroubi, directeur chez Hays, cabinet de recrutement : des abonnements à Netflix, la prise en charge du soutien scolaire, des participations sur l’achat d’un vélo-cargo, les stages de troisième ou seconde… Une autre manière d’appréhender le sujet, souvent libellée « politique de la parentalité ». L’option « family day » fait aussi son chemin, généralement au printemps. Un mouvement venu des États-Unis, et apparu dans les années 1990, connu sous le nom de « Bring your child at work ». L’Urssaf-Caisse nationale l’a déjà mis en place. À L’Oréal, on trouve les ateliers sur Parcours sup suivis par 1 000 collaborateurs, mais aussi sur le harcèlement scolaire, un accès facilité à une assistante sociale…

Dimension holistique 

« Mais les entreprises en font peu en la matière, déplore Didier Pitelet, fondateur de La Maison Henoch Consulting. Or elles y ont tout intérêt, avec une génération Z qui représentera un tiers des salariés en 2033. Effectivement, ce peut être une place en crèche, mais aussi un accès facilité à un bon établissement scolaire… le tout pour apporter un supplément de qualité de vie. Il faut s’accrocher aux petits pas et s’attacher à surprendre positivement les salariés. Ces innovations sociales vont challenger la marque employeur… » Intarissable dans ce domaine, il en est l’ambassadeur dans l’Hexagone. « La notion de work life balance s’impose de plus en plus, renchérit Arnaud Lacan, professeur en management de Kedge Business School. La dimension holistique prévaut. Le collaborateur est perçu globalement. Les digues ont cédé»

D’ailleurs, les avantages sociaux arrivent en troisième place comme source d’attractivité, après la rémunération, mais avant le choix du rythme de travail, dans le cadre d'un sondage réalisé pour le compte de Rosaly, société dans l’amélioration du bien-être financier des collaborateurs. « Généralement, ces avantages profitent à 10 % maximum des salariés, constate Arbia Smiti, fondatrice de Rosaly, d’où une évolution vers la personnalisation. Le marché est mûr. Avec un retour sur investissement clair. Pour celles qui les affichent dans leurs offres d’emploi, c’est 20 % de candidats en plus. » Peu à peu, le label Be Family s’impose et vient distinguer les entreprises vertueuses. Aujourd’hui, et pour demain. Le groupe Schmidt voit ainsi dans les enfants des salariés actuels, reçus tout au long de l’année, la relève.

Trois question à Valentina Urreiztieta, directrice associée du pôle conseil-formation au sein du cabinet Empreinte Humaine

L’arbre de Noël est-il un moment incontournable ?

L’enfant est un sujet qui a sa place dans l’entreprise, mais la fin d’année correspond souvent à un effet tunnel. La charge de travail est importante, les délais sont plus courts. Elle coïncide donc avec une exacerbation émotionnelle.

Les salariés vivent donc mal cette période ?

Les salariés sont pris entre deux feux, leurs objectifs professionnels et les attentes de leurs enfants. 42 % d’entre eux disent vivre en cette période un mal-être modéré à élevé, dont 11 % présentent un risque sévère de burn-out. L’entreprise peut travailler à enlever ces pics d‘activité.

Comment les organisations peuvent-elles faire pour atténuer la pression de fin d’année ?

La surcollaboration génère du stress. Beaucoup de sujets restent dans l’implicite quand il faut questionner. Quels sont mes sources ou risques de dysfonctionnement ? Qu’est-ce que l’on peut faire ensemble ? Quelles sont tes attentes par rapport à moi ? Et en cas de stress, un mail peut être mal interprété. On donne alors l’occasion de mettre un bagage émotionnel, source d’un potentiel conflit. Le sentiment d’efficacité repose sur une coresponsabilité, avec une analyse des moyens et des ressources. Il faut étaler un contrat moral.

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