En inaugurant à Londres son Zoom Experience Center, l’entreprise californienne franchit une nouvelle étape dans sa transformation. S’affichant comme une plateforme de communication, de productivité et d’engagement de salariés, il lui reste à se faire une place sur le marché.
À quelques centaines de mètres de Holborn Station, tout près du Bloomsbury Square Garden et du British Museum, au cœur de Londres, Zoom a inauguré début juin son vaisseau amiral. Tout de verre et d’acier, le Zoom Experience Center (ZEC) s’étend sur 5 000 m² et un roof top. Parmi les éléments les plus saillants, figure le Lens Wall. Cet écran LED incurvé tactile de 38 m de long tapisse la paroi d’une pièce ronde et propose une expérience « immersive ». La salle de réunion « Boardroom of the future », l’autre grande nouveauté, est équipée d’un écran LED 8K incurvé du sol au plafond.
Pour la circonstance, Zoom avait réuni un aréopage chargé de rappeler l’impact d’un tel investissement et les ambitions que nourrit la firme pour la zone Europe Middle Est Asia. « L’équipe de HSBC est restée deux heures au lieu de 45 minutes pour apprécier l’ensemble du dispositif, confie Frederik Maris, responsable de la zone EMEA depuis l’automne 2023. Cet équipement nous permet de montrer l’étendue des capacités de nos produits. »
L’intelligence artificielle d’abord
Se présentant désormais comme une « AI first platform », Zoom dispose d’un outil à même de valoriser ce qu’il nomme un « AI Companion ». Cet outil peut transcrire les échanges mais aussi les synthétiser, les résumer et en extraire les actions à mettre en œuvre. Plus besoin par ailleurs de lingua franca durant les échanges, l’IA traduit instantanément les propos des uns et des autres. Le Zoom Experience Center va aussi valoriser Workvivo, la plate-forme d’engagement irlandaise acquise en 2023 (lire encadré).
Kelly Steckelberg, CFO depuis 2017, a rappelé la bonne santé de l’entreprise avec un chiffre d’affaires attendu en 2024 de 4,6 milliards de dollars pour 7 400 salariés à travers le monde et 207 millions d’utilisateurs individuels. Elle a aussi apporté quelques précisions tordant le cou aux oiseaux de mauvais augure qui ne voyait pas d’avenir au champion de la visio après le covid : « Zoom se situe sur ce segment de marché où la croissance annuelle du chiffre d’affaires est supérieure à 5 %. »
La plateforme dispose donc de ressources importantes et ne va pas lésiner sur les investissements puisque la R&D va recevoir 500 millions de dollars en 2025 et l’équipe commerciale, 800 millions. Kelly Steckelberg a par ailleurs annoncé la diffusion de « new features » [nouvelles fonctionnalités] à jet continu : « Nous allons proposer 3 000 nouvelles fonctionnalités durant l’année. »
Changement de modèle
En parallèle, Zoom va surtout changer de modèle de diffusion de ses services. Celui prévalant jusqu’à aujourd’hui fait la part trop belle à la vente directe et entrave le développement futur, explique Joe McStravick, responsable des alliances stratégiques pour la zone : « Nos canaux de vente directe et indirecte se chevauchaient ce qui créait des frictions. Nous avons décidé de mieux les intégrer et d’augmenter fortement le nombre de nos diffuseurs. » En moins d’un an, Zoom affirme être passé de 600 à 1 200 partenaires.
Zoom veut en effet valoriser la relation de ses partenaires avec leurs clients finaux communs. « Le partenariat établi avec PwC est emblématique de notre nouvelle approche, explique Joe McStravick. PwC pilote la transformation de plusieurs entreprises figurant dans la liste Fortune 100 et a intégré Zoom dans son dispositif. En 2004, 58 % de nos 100 meilleurs contrats impliquaient des partenaires et la valeur moyenne de ces contrats est trois fois supérieure à celle obtenue par la vente directe. »
À l’appui de sa démonstration, Joe McStravick souligne que Zoom se place désormais dans un nouveau champ concurrentiel avec l’intégration de Workvivo : « Il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle fonctionnalité mais bien d’une plate-forme complète au sein de la plate-forme Zoom. Elle permet aux organisations qui l’adoptent de remplacer tout un ensemble déstructuré d’outils aujourd’hui dépassés. »
Les attentes placées dans Workvivo sont d’autant plus élevées qu’elle peut être utilisée de façon indépendante, comme l’a confirmé Frederik Maris : « Il n’est pas nécessaire d’être un utilisateur de Zoom pour avoir accès à Workvivo. Aujourd’hui, 80 % des organisations qui l’utilisent ont une base Microsoft ou Google. »
De grandes organisations ont adopté Zoom : « Nous avons parmi nos clients la BBC, le NHS, le plus grand employeur du Royaume-Uni, ou encore HSBC, qui compte 200 000 employés à travers le monde. La compagnie aérienne Ryanair a adopté Workvivo où la majorité des connexions se font à travers le mobile. Virgin a aussi adopté la plateforme pour l’ensemble de ses entités. »
Zoom peut-il réussir son pari d’aller au-delà de la visio ? Outre ses investissements dans l’IA, qui étendent ses fonctionnalités pour les mettre à parité avec de grands acteurs comme Microsoft, l’acquisition de Workvivo pourrait s’avérer d’autant plus judicieux qu’engager les salariés n’a rien d’une sinécure.
En mai, Meta a en effet pris acte de son impossibilité de répondre aux attentes du marché en annonçant l’extinction progressive de Workplace et en préconisant son remplacement par… Workvivo, qualifié de « only partner migration » [seul patenaire de migration]. Le défi est de taille mais l’opportunité, unique. Si Zoom réussit à le relever, c’est aussi son image qu’il fera évoluer, en espérant devenir une option de plus en plus solide pour de grandes organisations.
Trois questions à Gavin Wrenn, chief operating officer de Workvivo
Comment s’est déroulée l’acquisition ?
Nous étions dans une phase d’expansion très rapide. Les boards des deux organisations ont matché naturellement. Le mantra du CEO de Zoom, Eric Yuan, qui est d’apporter du bonheur dans les organisations, a résonné avec l’approche que nous avions adoptée avec nos clients. Cette convergence était d’autant plus nécessaire que les acquisitions sont difficiles à mener à bien. Pour Workvivo, cette nouvelle étape a été positive sur tous les plans : commercialement mais aussi culturellement. Habituellement, dans un tel cas de figure, un certain nombre de collaborateurs quittent l’entreprise. Dans notre cas, nous n’avons eu que deux départs.
Quel est votre degré d’autonomie ?
Workvivo agit au sein de Zoom comme une business unit indépendante. Cela nous permet de garder notre agilité et notre réactivité et de rester en phase avec notre culture. Nos clients apprécient particulièrement ces qualités. L’acquisition a surtout changé notre approche du marché. Désormais, nous sommes dans le portfolio des 1 200 revendeurs qui ont conclu un partenariat avec Zoom, c’est-à-dire que nous sommes présents à l’échelle du globe, ce qui nous était inaccessible lorsque nous étions une entreprise indépendante. Nous aurions eu beaucoup de mal à atteindre un tel niveau de visibilité par nous-mêmes.
Quel est l’apport majeur de Zoom à Workvivo ?
L’apport essentiel de notre intégration tourne autour de la technologie. L’approche « AI first » adoptée est un atout pour nous et nos clients. Zoom a investi massivement dans cette nouvelle technologie et l’efficacité de Workvivo va être multipliée grâce au « AI Companion » qu’ont mis au point les équipes de la R&D de Zoom.