La réforme de l’assurance chômage, après celle des retraites, incite à mieux accompagner l’employabilité des 45-65 ans dans l’entreprise. Le senior sera sans doute demain plus convoité.
« Quand on demande à des étudiants de représenter un senior, ils dessinent une canne ». L’histoire, racontée par le sociologue Serge Guérin, ne précise pas s’il s’agit de personnes en entreprise, mais elle est symptomatique de la méconnaissance de la réalité intergénérationnelle des actifs. Faut-il rappeler que le terme désigne des gens de 45 à 65 ans qui ont la particularité, selon une enquête Robert Half (1), d’être satisfaits de leur travail (66 %), peu sollicités par les recruteurs (20 % contre 28 % des 35-44 ans et 52 % des 18-34 ans), et très attachés à l’équilibre vie pro-vie perso (57 %). Bien sûr, la réalité est un peu différente suivant les tranches d’âge : si 83 % des personnes ayant entre 50 et 54 ans sont en activité en 2023, ils sont encore 77 % entre 55 et 59 ans mais… 38,9 % entre 60 et 64 ans.
Avec la réforme des retraites portant l’âge de départ à 64 ans, puis la refonte de l’assurance chômage (lire encadré), le gouvernement a fait de l’activité de ces sexagénaires une priorité avec un objectif de taux d’emploi de 65 % en 2030. On en est encore très loin. Mais comme l’expliquait Jean-Emmanuel Roux, président de TeePy Job, lors d’un point presse le 2 avril sur l’inclusion des plus âgés dans l’entreprise, « il va arriver dans quelques années un moment où l’emploi des seniors ne sera plus un sujet, c’est voulu par la démographie ». En effet, cette population sera en croissance jusque 2070 et beaucoup d’entreprises vont y puiser, selon lui, leurs cadres.
Les avantages sont connus : stabilité et fiabilité, précieux surtout en cas de turnover ; soft skills madrés par l’expérience, donc aptes à affronter une situation de crise comme à nourrir du lien social ; et maîtrise des outils numériques car la rupture technologique concerne des générations antérieures. Même les start-up peuvent y trouver leur compte : « Pour négocier avec un banquier, rappelle Serge Guérin, on va plutôt chercher un vieux ». Le sociologue note aussi que le vieillissement des consommateurs, comme on le voit dans le jouet où un tiers des acheteurs sont des retraités, va amener à « employer plus de gens âgés », dont les arrêts-maladies sont d’ailleurs « plutôt plus courts ».
Encore faut-il que les dirigeants y soient sensibilisés. Ils y ont intérêt, selon Sylvain Martinet, responsable du développement du capital humain du groupe Apicil, compte tenu des tensions sur le marché du travail et en se fondant sur la seule compétence. Mais l’innovation est souvent associée à des images de jeunes. Les stéréotypes ont la vie dure. « Toutes les études académiques montrent qu’il n’y a pas de baisse de la productivité avec l’âge », reprend Serge Guérin. À condition de former. Selon une étude OpinionWay, 83 % des interviewés pensent que les entreprises agissent peu en faveur de l’employabilité des seniors.
Une assurance chômage moins favorable
À partir de 55 ans, les seniors vont voir leur droit au chômage diminuer. À condition d’avoir travaillé au moins vingt mois sans discontinuer, ils verront leur durée d’indemnisation passer de 18 à 15 mois au 1er décembre. Pour les plus de 57 ans, cette durée maximale passera dans le même temps de 27 à 22,5 mois. En compensation, un « bonus emploi senior » prévoit de combler le manque à gagner pendant un an afin de les inciter à accepter des emplois moins rémunérés.