Si la France est en retard dans l’utilisation du vélo pour aller au travail, le covid, les incitations fiscales, le développement du vélo électrique et les actions des entreprises font bouger les lignes.

Petit à petit, les Français se mettent au vélo pour aller au travail. Entre 2015 et 2020, plus de 150 000 Français ont remplacé la voiture par le vélo pour se rendre sur leur lieu de travail (Source : Insee, Enquêtes annuelles de recensement 2015, 2020). Le confinement a eu un effet accélérateur, tout comme les réglementations successives (1) et le développement du vélo électrique.

Mais l’utilisation de la bicyclette dans les déplacements domicile-travail reste encore marginale. En 2021, seuls 4,5 % des Français déclarent y avoir recours sur leur trajet quotidien (2). « Contrairement à ce que l’on pense généralement, l’explication n’est pas culturelle ; il n’y a pas de baguette magique, l’usage du vélo est lié à une politique publique de réduction de la place attribuée à la voiture et d’aménagement de l’espace public », souligne Louis Duthoit, chargé de mission Objectif Employeur pro-vélo à la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB, lire ci-contre). « La pratique est proportionnelle aux investissements réalisés par les collectivités », détaille-t-il en soulignant que si Grenoble a dépassé Strasbourg (16,5 vs 16,1 % de part modale), c’est grâce à sa politique ambitieuse.

Les pouvoirs publics, les associations d’usagers et les employeurs ont encore du travail à faire pour promouvoir ce mode de déplacement économe en énergie et bénéfique pour la santé des salariés. Trois Français sur cinq sont prêts à se déplacer régulièrement à vélo si leur entreprise les aide à le financer, révèle une enquête Yougov réalisée pour Tandem, start-up qui propose un service de location de vélo de fonction aux entreprises.

Les initiatives ne manquent pas pour promouvoir ce que l’on désigne désormais sous le terme de « vélotaf ». Les systèmes de vélopartage (Vélo’v à Lyon à partir de 2005, puis Vélib’à Paris) ont favorisé l’essor du vélo en ville, mais n’ont eu que peu d’impact sur leur utilisation professionnelle. Ce sont les incitations financières mises en place par le gouvernement qui ont fait bouger les lignes : indemnité kilométrique vélo (2015) remplacé par le forfait mobilités durables en 2020, puis bonus écologique pour l’achat d’un vélo à assistance électrique pour les ménages modestes en 2022. « Le forfait mobilités durables a fait exploser la pratique », confirme Caroline Delaveau-Pieracci, chargée de suivi enjeux/performances Développement Durable de Paris Habitat.

Le bailleur social Paris Habitat a mis en place une politique « pro-vélo » depuis une dizaine d’années. Les priorités ont tout d’abord été d’aménager les sites pour proposer des parkings adaptés (aujourd’hui 200 places sont disponibles sur la quarantaine de sites parisiens). Puis de développer des actions d’accompagnement comme des ateliers de réparation, de sensibilisation à la sécurité ou des balades en ville pour favoriser la culture vélo. Aujourd’hui, grâce à ce travail de longue haleine, un salarié sur quatre parmi les 3000 collaborateurs de l’entreprise utilise un vélo pour se rendre au travail. Et Paris Habitat s’est vu décerner le label Employeur pro-vélo Or.

Le plan vélo du bailleur a pour objectif de porter cette part à 28 % d’ici à trois ans. « Une fois que l’on a atteint un seuil aussi élevé, il est très difficile de progresser car on atteint le maximum des salariés qui peuvent utiliser un deux-roues et qu’il faut continuer à convaincre les utilisateurs actuels de ne pas revenir en arrière », reconnaît Caroline Delaveau-Pieracci. Pour cela, le bailleur social va notamment favoriser la part d’utilisateurs en « multimodalité » (en favorisant l’accès à des vélos pliables pour les passagers du RER) ou le recours au vélo électrique (avec la plateforme de location Véligo).

Aménagements

Impliquée dans une démarche « pro-vélo », la Caisse d’Epargne Hauts-de-France a lancé un partenariat avec Zenride pour faciliter l’équipement de ses salariés en vélo. « Depuis un an et demi, notre objectif est de proposer à nos 3000 collaborateurs un écosystème complet de solutions d’écomobilité. Du fait de nos engagements [la banque est labellisée B Corp et le groupe BPCE est partenaire Premium des Jeux olympiques de Paris 2024 qui affiche de fortes ambitions environnementales], nous ne pouvions pas nous contenter de proposer juste des aides à la mobilité », indique Audrey Bremer, responsable Mission Up To Green de l’établissement bancaire.

Là aussi, les aménagements font partie des premières étapes réalisées : plus de 300 places de stationnement vélo ont été aménagées dans le nouveau siège lillois inauguré en avril dernier. Si actuellement 5 % des salariés utilisent le vélo pour aller travailler, ils sont 27 % à déclarer être prêt à renoncer à la voiture ou au train selon une enquête interne sur la mobilité. Les enjeux environnementaux sont évidemment déterminants dans la motivation des salariés, mais les questions pratiques occupent aussi une place importante ; ainsi 29 % des salariés sont prêts à passer au vélo pour réduire leur temps de transport…

Du côté des employeurs, l’enjeu est évidemment de réduire son empreinte carbone alors que la voiture représente la moitié des émissions de CO2 liées au transport (qui, elles-mêmes représentent 31 % de la totalité). Mais, le vélotaf permet aussi à la « marque employeur (de devenir) plus attractive et compétitive », comme le constate Audrey Bremer à la Caisse d’Epargne Hauts-de-France.

3 questions à Louis Duthoit, chargé de mission Objectif Employeur pro-vélo à la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB)

Quel est le rôle de la FUB ?

La Fédération des usagers de la bicyclette anime un réseau d’associations qui militent pour le vélo du quotidien sur tout le territoire français. Sur le vélotaf, nous portons le sujet du forfait mobilité durable. Nous portons aussi des programmes opérationnels comme Objectif Employeur pro vélo, un programme de certificats d’économies d’énergie soutenu par l’Ademe qui vise à accompagner les employeurs à développer une culture vélo dans leurs établissements, assorti d’aides financières et techniques pour déployer des équipements et services « pro-vélo ».

Où en est-on de l’usage du vélo pour les déplacements professionnels ?

La proportion de trajets domicile-travail réalisés à vélo est inférieure à 5 %. La France est donc loin de certains pays européens comme les Pays-Bas ou le Danemark (où cette part serait de 30 à 50 %).

Quel rôle peuvent jouer les entreprises dans cette évolution ?

Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans l’accompagnement du changement de comportement de leurs salariés en proposant un ensemble de services à leur disposition : parkings évidemment mais aussi douches, vestiaires, casier ainsi que de la sensibilisation (remise en selle, sécurité, etc.). Au-delà de ces services, il y a aussi l’incitation financière avec le forfait mobilité durable. Sa mise en place est facilitée car des prestataires proposent des cartes de paiement qui libèrent les employeurs des formalités.

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