L'intelligence artificielle générative commence à changer le quotidien d'un certain nombre de métiers, notamment dans la création. Pour maîtriser ces outils, il faut manier l'art du « prompt ». Un article également disponible en version audio.
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Les générateurs d’images et de textes sont puissants ; encore faut-il bien formuler sa requête pour obtenir les résultats escomptés. Les créatifs qui ont cette compétence sont qualifiés de « prompt engineers », un terme qui n’est pas exact, selon Benjamin Issenmann, fondateur de Supercreative, une start-up spécialisée dans les usages de l’IA. Pour lui, il est plus juste de parler de « prompt designer » puisqu’il s’agit de communiquer une intention créative à une intelligence artificielle.
Quel que soit son nom, les publicitaires sont en alerte sur cette nouvelle compétence. « Nous passons de "Regardez ce que l’IA peut faire" à "Regardez ce que j’ai réalisé avec l’IA" », constate Noé Melon, directeur de création associé chez Castor & Pollux. Chez Ogilvy, David Raichman, directeur exécutif de la création, a généré un clip vidéo grâce à l’IA pour le groupe de métal Mass Hysteria et a animé l’hiver dernier trois masterclass sur les potentialités de cette technologie.
Gain de temps
« Savoir utiliser l’IA, c’est une technique, comme tu peux savoir utiliser Photoshop. Les créatifs ajoutent une corde à leur arc », expose Bertille Vermot, directrice artistique chez Ogilvy. La créative utilise Midjourney, « de manière non systématique », pour gagner du temps sur ses maquettes afin de « vendre une idée en interne ou au client ». Car, on le sait, une image vaut mille mots. « Cela me permet d’obtenir un grain spécifique, sans problème d’ombre ou de lumière, ajoute-t-elle. Mais parfois, je n’obtiens pas le résultat souhaité car ma formulation n’a pas été assez précise. »
Utiliser Midjourney par exemple nécessite de passer du temps sur Discord pour connaître les bons mots-clés en anglais. À Ogilvy, l’IA a créé une entraide entre les créatifs, qui échangent sur leurs découvertes de prompts. Chez Castor & Pollux, la formation se fait avec des notes diffusées aux équipes. « Nous partageons uniquement des exemples internes basés sur des cas réels que nous avons expérimentés et qui ont été produits », informe Noé Melon.
« Je procède en deux étapes. D’abord, je décris l’image puis je détaille la technique : le type d’appareil photo, la focale, le format… », dévoile Bertille Vermot. La directrice artistique retravaille ensuite les visuels sur Photoshop, parfois en mêlant plusieurs résultats obtenus avec Midjourney. « Je produis d’abord le fond puis ce que je veux mettre en scène », relate-t-elle. « Il s’agit souvent d’un processus itératif plutôt qu’un one shot », remarque Benjamin Issenmann, pour qui l’IA doit être vue comme « un partenaire de génération d’idées ».
« Il y a une part d’aléatoire dans les résultats », prévient Nicolas Moreau, directeur artistique freelance, qui utilise Midjourney pour gagner du temps dans ses recherches mais jamais pour un rendu final. Car, de l’avis des professionnels, l’IA a ses limites et ne répondra jamais parfaitement à un brief. La question de la propriété intellectuelle n’est pas non plus résolue. « On se rend bien compte qu’un “tout IA” est une illusion. Il faut des pilotes à bord », conclut Séverine Bavon, cofondatrice de la plateforme de freelancing Acracy.