LE BILLET DE DELPHINE LE GOFF

Imaginez un monde dans lequel les journalistes préparent leurs questions via ChatGPT et leurs interviewés leurs réponses via le même outil. Et si c'était déjà aujourd'hui ? 

Nous en sommes donc là. Un beau soir de septembre, un dîner à Paris, une faune journalistico-marketeuse. L’assurance de passer une soirée entre gens de bonne compagnie, jusqu’au moment où un convive fait s’étrangler cette belle assemblée dans son verre de pet’ nat’. «Maintenant, je ne m’embête plus, quand un journaliste me sollicite, je lui demande de m’envoyer ses questions, puis je charge ChatGPT des réponses.» Pardon ? Deux choses dans cette phrase : la première, cette horripilante manie généralisée de toujours demander les questions à l’avance, comme pour un oral truqué. Et la seconde : ChatGPT ? Vraiment ? Résumons : les journalistes, de plus en plus, se font mâcher le travail par les GPT – brèves, synthèses, dérushage... Et de l’autre côté, l’interviewé fait répondre par des GPT. Ne reste plus qu’à écrire ses questions via l’IA, et l’échange promet d’être aussi chaleureux qu’une croûte de silicium. Mais à bien y réfléchir, lorsqu’on en entend certains répéter mécaniquement des éléments de langage du type «remettre l’humain au centre», «l’économie de l’attention», «embarquer les équipes» ou se gargariser de citations rincées comme «Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait» du malheureux Mark Twain ou le «Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque» du pauvre René Char, on se dit qu’on en est effectivement là : aux ChatGPT humains. 

Lire aussi :