La jeune pousse française Pappers s’est attaquée avec succès au marché de la donnée d’entreprise, depuis l’ouverture du registre des données de l’État.
On connaissait les Panama Papers, les Pandora Papers, les Pentagone Papers, mais connaissez-vous Pappers tout court ? Cette start-up lancée en juillet 2020 est venue jouer les trouble-fêtes dans le domaine de la donnée d’entreprise. Avant, si vous cherchiez un chiffre d’affaires, ou les résultats d’une entreprise, il fallait passer soir par Infogreffe, soit par le site bien connu Société.com, sur lequel tout est rapidement payant. Mais la loi controversée pour l’ouverture progressive du registre national du commerce et des sociétés, entrée en vigueur en 2020, a tout changé. Désormais, les tribunaux de commerce les transmettent à l’Inpi qui les publie gratuitement en brut. C’est sur cette nouveauté que s’est montée Pappers. Après une première expérience en banque d’investissements, Pierre Fruchard s’associe avec son frère, Antoine, et un ami, Romain Banchetti. Il travaille sur une start-up de l’assurance, mais décide de profiter de l’opportunité. « La nouvelle loi cassait de fait des situations de monopoles. Nous nous sommes concentrés sur l’interface, tout d’abord, que l’on voulait simple et efficace. Il fallait gagner de l’audience. Nous n’avons pas pensé tout de suite au modèle économique », raconte Pierre Fruchard.
La donnée d’entreprise est un marché peu connu. « C’est énormément utilisé par les assureurs, les banques, les fintechs et le CAC 40, pour la partie crédit. Ces entreprises recherchent des informations financières à jour sur leurs clients, ou leurs fournisseurs. C’est aussi une question de conformité, pour un assureur par exemple, qui doit lutter contre le blanchiment. Ils doivent être en mesure de savoir qui est derrière une entreprise », poursuit-il. Si ce n’est pas un oligarque russe, par exemple, ou si la personne n’a pas déménagé au Panama. Ces sociétés prélèvent donc de la donnée en masse. Habituellement, elles passent par un spécialiste de la conformité et du risque (Altares, Creditsafe, Bureau Van Dijk…) mais les abonnements sont très coûteux. « Cela permet aussi la prospection en récupérant des données de contact sur des entreprises, ou de faire des recherches localisées », décrit Pierre Fruchard.
Au cours du temps, le modèle économique de Pappers s’affine. Si tout un chacun peut faire une recherche gratuite – chose très appréciée des journalistes –, les recherches en masse et spécifiques via une API dédiée sont payantes. « In fine, 1 % des utilisateurs sont payants, et financent le site », décrit Pierre Fruchard. Mais à force de conseiller ses clients, et de bâtir des API personnalisés, la société a développé un savoir-faire, qu’elle vend en prestation de conseil, pour adapter la récolte de donnée sur mesure. À ce jour, la société emploie près de 30 personnes, et le site totalise 4 millions de visiteurs uniques par mois. Le projet a pris, sans de larges dépenses d’acquisition ni de marketing. « Le bouche-à-oreille a très bien fonctionné », admet Pierre Fruchard. Et Pappers devient spécialiste en open data et s’attaquera bientôt au marché belge de la donnée d’entreprise. D’autres secteurs pourraient s’avérer attractifs : les données météo, les données environnementales et géographiques, ou encore les décisions de justice.