Le Collectif pour les acteurs du marketing digital change de braquet. Avec Emmanuel Brunet et Alban Peltier, deux nouveaux co-présidents, à la suite du départ de François Deltour, et un nouveau bureau, l’association de professionnels développe une nouvelle stratégie.
Vous venez d’être tous deux nommés président du Collectif pour les acteurs du marketing digital [CPA], avec de nombreux changements à venir. Que voulez-vous faire ?
Emmanuel Brunet. Le CPA se développe. Nous avons opté pour une coprésidence, et un conseil d’administration de 20 personnes, avec une nouvelle énergie et de nouvelles motivations. Le but est de sortir le collectif de son périmètre progressivement. De l’affiliation, nous évoluons vers quelque chose de plus large, un spectre plus étendu des métiers de la performance marketing. Il existe beaucoup de syndicats très spécialisés mais nous voulions nous exprimer aussi auprès des personnes qui ont le même prisme pour des métiers différents. Par exemple, nous avons, depuis deux ans, davantage de régies qui nous ont rejoints, comme Les Echos – Le Parisien. Ils ne font pas d’affiliation, mais font face à des problématiques hybrides et sont une voix plus forte chez nous. Entre le contenu pour le commerce, l’affiliation, le display ou l'e-mail, on se rend compte qu’il subsiste un schéma global qui nécessite des échanges. Et c’est une offre que l’on ne retrouvait nulle part. Il faut s’attaquer à des problématiques plus techniques, plus spécifiques pour s’entendre sur la mesure de la performance, le ciblage, l’optimisation des ratios…
Alban Peltier. Aujourd’hui, c’est clairement la technologie qui est au cœur du business. Surtout pour les médias où la partie régie est à bout de souffle. Et d’autres entités jusqu’ici cachées deviennent des relais de croissance. La partie content commerce, par exemple, est un sujet clé. Le but n’est pas de mettre en place des rouleaux compresseurs mais de voir comment gérer le trafic, le contenu, l’audience et la monétisation. L’optimisation du CPM [coût pour mille] devient de plus en plus complexe, il faut se creuser de plus en plus le cerveau. Cela demande plus de technicité, de mettre au cœur la performance. On le voit sur le marché du numérique, tous les leviers de la performance sont en croissance.
Mais cette évolution n’est pas nouvelle ?
A.P. Nous l’avons vu dans le secteur du luxe il y a trois ou quatre ans. Le discours a changé. Nous avons vu apparaître des cas de campagne de branding plus détaillées, plus techniques, avec davantage de prise en compte de la performance. Et c’est notre rôle d’accompagner ces changements dans d’autres secteurs, c’est l’ADN du CPA de faire preuve de pédagogie auprès des acteurs.
Alors justement, que comptez-vous faire ?
E.B. Premièrement, nous allons passer d’une logique de charte à une logique de labellisation. C’est quelque chose que nous avons commencé à mettre en place sur les bons de réduction, en partenariat avec Euphonie. La loi reste très en surface, alors nous allons plus loin dans les détails : quid de l’achat de trafic, les codes sont-ils toujours valables quand ils sont en ligne ? Notre rôle n’est pas d’être répressif, mais de distinguer les sociétés qui font bien les choses. Ainsi une entreprise peut se faire labelliser et se valoriser sur le marché.
A.P. Et nous allons étendre cela à d’autres sujets. Sur la performance, par exemple, c’est une notion très technique, compliquée, et beaucoup de résultats peuvent être biaisés, car en réalité, on ne mesure que ce que l’on a envie de mesurer. Sur le search engine advertising [SEA, référencement payant] c’est pareil, quelle est la vraie portée pour la marque ? Nous voulons valoriser toutes les bonnes pratiques et éclairer les annonceurs, avec pédagogie. Nous avions déjà travaillé sur la fraude, il y a quelques années, pour expliquer les choses. Le but sera de récompenser les acteurs qui misent sur la qualité du trafic et sur la qualité de la mise en avant des marques.
Vous souhaitez vous adresser aux annonceurs ?
E.B. Oui, car il ne faut pas oublier l’essentiel : c’est l'annonceur qui nous paye, et c’est pour lui que nous travaillons. C’est lui qui est au départ et en bout de chaîne. On dit souvent qu’ils donnent beaucoup aux Gafa, mais c’est compliqué si l'on ne valorise pas l’écosystème. Alors nous voulons rassembler des acteurs français ou européens, et montrer que l’écosystème a ses bons points, et nous nous engageons donc sur les bonnes réalisations des entreprises. Nous voulons dire aux annonceurs : vous avez de quoi travailler avec des bons patrons locaux. Pour cela, nous allons mettre en avant les bonnes pratiques. Sur certains sujets, nous sommes allés trop loin dans l’opacité. Si nous voulons permettre aux annonceurs de s’y retrouver et d’avoir confiance, nous devons les aider. Ce sera le nouveau rôle du CPA : accompagner et changer.
A.P. Nous avons plusieurs chantiers en cours dans le même esprit pour les adhérents en les aidant à se situer du point de vue de leurs compétences. Nous faisons un test pour labelliser les compétences de certains collaborateurs, sous la forme d’un examen. Dans le même esprit que le Label Digital Marketing School [LDMS] avec d’autres syndicats, qui est déjà en déploiement, où nous certifions des écoles pour la qualité de la formation, nous allons donner une certification aux salariés qui pourront attester de leurs compétences. Tout cela a pour but de développer une logique de croissance, et répond aussi à des problématiques RH au sein des entreprises.
Le marché devient de plus en plus complexe pour tout le monde, et surtout pour les annonceurs… Notamment avec les problématiques de cookieless qui arrivent, et les multiples solutions qui émergent. Ça devient difficile de s’y retrouver !
E.B. C’est pourquoi nous avons un autre chantier, qui a pour but d’apporter un éclairage des expertises. Nous allons réaliser des mappings du marché, pour savoir qui fait quoi, et des études macroéconomiques, pour aider à obtenir une vue plus large. Identifier les rôles de chaque entreprise, et donner des clés pour comprendre les besoins, ou les différentes lectures du marché.