Les vœux sont en voie d’extinction. Numérisés, ils sont devenus impersonnels. En outre, quels souhaits optimistes formuler dans un tel contexte international, politique et social ?
Près de 500, puis 200, 100, 50. Les plus jeunes n’auront pas immédiatement « la ref ». Mais les boomers que nous sommes constatent année après année la diminution du nombre de cartes de vœux envoyées et reçues. Si leur nombre varie en fonction des postes que vous occupez, vous en recevez davantage quand vous êtes annonceur plutôt que consultant (Oh, comme c’est bizarre …). La tendance est inexorable. Les vœux, cela ne se fait plus ou presque. Pour beaucoup, c’est devenu ringard. Je le comprends mais j’avoue trouver cela un peu triste. Bien sur l’exercice était un peu fastidieux. La date limite du 31 janvier mettait la pression. Les dizaines de piles de missives bien alignées sur le bureau demandaient bien un ou deux week-ends pour en venir à bout. Et quand on pensait que c’était le cas, la pile des réponses aux vœux reçus prenait le relais. Heureusement, il reste bien quelques irréductibles. Ceux dont vous savez à l’avance qu’ils seront fidèles au rendez-vous. Ceux dont vous appréciez toujours l’écriture appliquée, la sincérité, et parfois la personnalisation du message qui évoque une prochaine rencontre, souligne un projet en cours ou rappelle une collaboration fructueuse. Ceux dont la carte par son idée créative, son design, son message se différenciera des autres.
Un acte devenu impersonnel
À ce déclin successif, on peut chercher plusieurs explications. Incontestablement, le numérique a d’abord tué le papier avant d’affaiblir l’objet lui-même. Le clic mécanique dans Outlook n’a pas remplacé la part de surprise contenue dans l’ouverture de l’enveloppe qui vous donnait l’impression pendant une fraction de seconde que vous aviez peut-être gagné quelque chose ou étiez sur le point d’être « nominé » d’un concours quelconque. Les vœux numériques ont aussi traduit l’idée d’un acte qui serait devenu impersonnel. Un copié-collé, un changement de prénom et en une heure la chose serait pliée, la productivité maximisée. Même quand le visuel était réussi, l’uniformisation du texte affadissait sa fonction : marquer une attention particulière à un ami, un client, une relation. Ensuite le covid est passé par là. Quand on s’habitue aux réunions Teams plutôt qu’aux vraies poignées de main, aux émojis plutôt qu’aux vrais sourires, bref quand on perd l’habitude de se voir, en vrai, l’expression de vœux, d’émotions, de souhaits résonne de manière désuète. Alors s’il faut se résoudre aux vœux numériques, à minima personnalisons-les.
Mais derrière ces raisons finalement liées à la forme, il y a le fond. Les quelques lignes rédigées à l’occasion de la nouvelle année ne sont pas déconnectées, elles disent quelque chose de l’humeur de celui qui les écrit et du moment qu’elles accompagnent. Dans le contexte international, politique, social que nous traversons depuis plusieurs années, quels vœux collectifs souhaiter qui ne soient ni artificiels ni décalés ? En résumé, pourquoi formuler des souhaits optimistes si nous n’y croyons pas ? L’espoir ? Mais qu’est-il possible de partager comme espoir quand les crises économiques, sécuritaires, climatiques se renforcent et s’empilent ? La paix ? Les conflits se multiplient. La prospérité ? Mais comment ne pas tomber dans l’entre-soi en oubliant ceux qui affrontent plus que nous les difficultés du quotidien ? La croissance ? Les perspectives business ne sont pas très joyeuses et il va falloir travailler dur pour les faire mentir. La douceur ? Elle risque de ressembler à une oasis inatteignable face aux tempêtes du monde. Le collectif ? Mais les JO sont passés et leur effet sur le moral des Français. Le rassemblement ? Le spectacle politique en a fait une chimère. Pour toutes ces raisons, on comprend que le long fleuve des cartes de vœux ne soit plus qu’une rivière en voie d’extinction.
Mais comme tous ceux qui n’ont pas renoncé à cette tradition (c’est un peu comme si on abandonnait la galette), je maintiendrai ! Avec cette année au-delà des vœux personnels, des vœux simples, des vœux sincères : Santé ! Tranquillité !