L’ancienne ministre de la Culture et de la Communication de François Fillon, Christine Albanel, a été choisie en tant que «haute personnalité indépendante» pour présider l’ARPP. Avec une vision libérale et libre.

De la publicité, dont elle préside depuis début novembre l’Autorité de Régulation professionnelle de la Publicité [ARPP] à la place de François d’Aubert, Christine Albanel n’est pas une grande prêtresse. Elle s’est fait d’ailleurs connaître en portant une loi qui prévoyait sa suppression de la télévision publique. C’était en 2008, l’ancienne plume de Jacques Chirac qui fut aussi à l’Élysée sa conseillère à la culture et à l’éducation était alors connue des initiés pour avoir écrit le discours du Vel d’Hiv. On la savait engagée dans la protection du droit d’auteur en vue d’une future loi Hadopi. Mais ce sont les vœux de Nicolas Sarkozy, en janvier 2008, et sa décision brutale de retirer la publicité de France Télévisions qui l’ont portée sur le devant de la scène. Avec un sourire insondable, elle évoque ce discours à l’Élysée où elle a appris la réforme présidentielle suggérée par Alain Minc : « Je l’ai découverte en direct, reconnaît-elle, c’est vrai que je ne faisais pas partie des proches du président et je savais qu’il pouvait arriver ce genre de choses au vu du goût qu’il avait pour la communication, le coup d’éclat. Il adorait prendre le contre-pied, faire de la triangulation et aller sur le terrain de ses adversaires. »

S’ensuit une longue séquence au parlement qui aboutit à la fin de la pub après 20 heures sur la télé publique et à la création de l’entreprise unique. Mathieu Gallet, qui fut son conseiller pour les médias, se souvient de semaines passées au Sénat et à l’Assemblée pour porter un projet de loi sur des questions dont la ministre n’était, au départ, pas familière. « Ce n’était pas son secteur, mais elle s’y est mise à fond, se rappelle-t-il, c’est quelqu’un qui est à l’écoute, qui a une vraie conviction mais sait faire confiance. » Avec son directeur de cabinet adjoint, Christophe Tardieu, aujourd’hui à France Télévisions, il lui faut parfois batailler avec le conseiller du président Georges-Marc Benamou pour faire entendre sa voix.

Quel regard la nouvelle présidente de l’ARPP porte-t-elle aujourd’hui sur l’audiovisuel public dont elle préside le comité d’éthique ? « On peut en être fier, estime-t-elle. C’était une bonne idée de garder la publicité pour la journée et - même si cela a dérivé - de faire commencer les soirées à 20 h 30. À condition de garantir des ressources pérennes ! ». Elle salue le travail réalisé par Delphine Ernotte, la PDG, en matière de synergies, avant de jeter un coup d’œil rétrospectif : « La loi Hadopi ? Elle a permis le développement des sites légaux, l’erreur fut de prévoir une sanction par la coupure d’internet, des amendes financières progressives suffisaient. »

Retour aux mots

Interrompu alors qu’elle met sur pied les entretiens de Valois, son portefeuille lui donne ensuite l’occasion de réaliser une mission sur le livre numérique. Pour l’agrégée de lettres, c’est un retour aux mots. Pourtant, c’est pour prendre la tête d’une filiale consacrée aux images, la future OCS, que France Télécom fait appel à elle. Très vite, la crise des suicides dans le groupe amène Stéphane Richard à lui confier la direction de la communication et de la marque, dont elle n’est, là encore, pas une spécialiste. Au Château de Versailles, dont elle a déposé la marque à l’Inpi, elle avait certes pu faire valoir des talents de communicante, entre 2003 et 2007, en accordant de la place à Daniel Buren ou à Matali Crasset ou en permettant des défilés de Christian Lacroix à la Chapelle royale. Mais elle connaît les limites de la communication : « Il y a tout un vocabulaire qui est pour moi un peu creux, avec beaucoup de franglais et des paroles absconses mais les enjeux sont considérables ».

Christine Albanel s’emploie donc à porter dans l’image et la modernité d’Orange les mots traditionnellement associées à France Télécom : « la confiance, la visibilité, la proximité, des valeurs sous-jacentes qui parlent aux gens ». C’est du reste à la tête de la RSE d’Orange en charge de la diversité, du studio et de la fondation que, entre 2012 et 2020, elle se trouve la plus utile. Elle continue l’engagement du groupe dans la musique et contribue à établir des maisons digitales pour les femmes en Afrique.

À l’ARPP, qu’elle a inaugurée en tant que ministre en 2008 (à la place du BVP), elle se félicite de « l’ambition d’autorégulation, de compréhension des évolutions sociétales ». « En France, on regarde le ciel et on attend que tout arrive par des normes, pointe Christine Albanel. La publicité est un miroir qui contribue au développement économique et à la création, et je ne connais personne de ma génération qui ne regarde la pub sur les collants Dim sans être touché ». Pour elle, l’ARPP doit défendre la créativité contre « la crainte d’offenser » qui entrave les messages et favorise l’autocensure. Elle sait être attendue pour ses contacts avec les administrations ou les parlementaires afin de « faire valoir des points de vue ». Au risque d’être l’instrument d’un lobbying ? « Aider à défendre les idées auxquelles je crois, ce n’est pas du lobbying », rétorque-t-elle. En tant que personnalité indépendante, « Elle est libre Max », comme disait la chanson en 1981.

Parcours

25 juin 1955. Naissance à Toulouse.

1979. Attachée de presse d’Anne-Aymone Giscard d'Estaing à l’Élysée, après l’agrégation de Lettres.

1988. Directrice adjointe du cabinet du Maire de Paris.

1995. Élysée, conseillère à la culture, à l’éducation et aux relations avec les cultes.

2003. Présidente de l’Établissement public de Versailles.

2007. Ministre de la Culture et de la Communication.

2010. Orange, directrice exécutive, dircom puis responsable de la RSE, Diversité et Solidarité, Présidente de la Fondation.

2020. Quitte le groupe Orange.

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