Le groupe Havas (Vivendi) prend une participation majoritaire au capital de l’agence créative indépendante Uncommon. De quoi consolider sa force de frappe créative au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

C’est un rachat à haute valeur ajoutée qu’espère réaliser Havas (Vivendi). Le groupe de communication français a acquis cette semaine une participation majoritaire (51 %) au capital d'Uncommon Creative Studio, agence créative indépendante multiprimée située au Royaume-Uni, qui affiche actuellement une forte croissance sur le marché. Preuve de la confiance du groupe Havas dans le modèle développé par Uncommon : le potentiel futur de l’agence londonienne est chiffré « entre 80 et 120 millions de livres », selon un communiqué.

Autonomie conservée

Cette acquisition stratégique entend consolider la force de frappe créative du groupe Havas (plus de 22 000 collaborateurs dans une centaine de pays), incarnée en France et à l’international par des agences comme BETC, Buzzman ou Rosa Paris. Les fondateurs d'Uncommon conserveront une participation matérielle dans l'entreprise (49 %). Dans le cadre de cette opération, Uncommon (200 salariés) conservera également sa marque, sa vision et la liberté de prendre ses propres décisions concernant ses partenaires, ses clients (British Airways, Nike Jordan, WWF, Formula E…), ses équipes, mais aussi sa production créative. Uncommon a été nommée à deux reprises agence créative de l'année au Royaume-Uni et a récemment été désignée agence internationale de l'année par AdAge, le tout après seulement cinq ans d'existence. 

Clients américains en vue

Avec Havas London, dont la réputation créative grandit, Uncommon renforcera la présence du groupe au Royaume-Uni et lui offrira également une opportunité majeure d'étendre son réseau créatif aux États-Unis, en développant le portefeuille déjà solide de clients américains d'Uncommon. Dans cette optique, Uncommon conservera et développera sa marque à l'échelle mondiale, tout en collaborant avec le réseau Havas et des marques d’entertainment d’envergure (Canal+, Universal Music Group, Gameloft…) par le biais de Vivendi. 

 

Trois questions à Yannick Bolloré, président du groupe Havas 

Pourquoi Havas a-t-il ciblé Uncommon et pourquoi Uncommon a-t-il dit oui ? Le fait que le groupe Havas fasse partie de Vivendi s’est-il avéré décisif ? 

« Havas a ciblé Uncommon pour plusieurs raisons, à commencer par sa force créative reconnue. Les prix récoltés dernièrement - notamment à Cannes cette année - en témoignent. C’est un critère majeur dans un contexte où nombre d’observateurs - moi le premier – ont été frappés par la montée en puissance de l’intelligence artificielle générative ces derniers mois et les conséquences que celle-ci a aura sur l’industrie publicitaire dans le futur. Autrement dit : les marques et les agences devront être encore plus créatives pour se démarquer face à des concurrents et des campagnes massivement générées via l’IA. De son côté, Uncommon cherchait à s‘adosser à un acteur pour accélérer son développement, en particulier sur le sol américain. A ce titre, le rôle de Vivendi et les portes que cela peut ouvrir dans des domaines comme la musique, le cinéma ou le gaming ont été déterminants aux yeux des fondateurs. » 

Les contours et la finalité de l’opération ne vont pas sans rappeler le rachat de Buzzman en 2019. 

« Au-delà du fil rouge créatif qui correspond dans les deux cas au cœur du projet stratégique du groupe Havas, il s’agit du même mécanisme, avec une prise de participation majoritaire assortie d’une très large autonomie laissée à Uncommon dans sa manière de fonctionner. L'idée est notamment de laisser Uncommon mener les pitchs au Royaume-Uni avec le soutien de Havas London tandis que dans le cadre de compétitions internationales, Uncommon pourra s’appuyer sur le réseau international de Havas. » 

En quoi cette acquisition peut-elle permettre à Havas de renforcer ses positions aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ? 

« Le marché américain revêt une importance considérable pour Havas puisqu’il s’agit de son premier marché avec des revenus annuels désormais supérieurs au milliard d’euros. Il se trouve qu’Uncommon a réussi en l’espace de cinq ans à se constituer un solide portefeuille de clients américains, dont Nike Jordan. L’objectif là encore est d’accompagner au maximum son développement outre-Atlantique avec les ressources du groupe Havas, sachant qu’Uncommon voudrait bien être la première agence britannique à réussir à s’imposer réellement sur le marché américain. Il ne faut pas oublier que les Anglais restent frustrés du succès jusque-là mitigé de leurs agences créatives aux Etats-Unis. » 

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