achat d'espace
Le marché du conseil média et de l'achat d'espace au Brésil est unique au monde. Là-bas, pas d'agences médias, mais un système rappelant la France d'avant la loi Sapin avec toute l'opacité que cela suppose.

«Si je voulais être provocateur, je dirais que le Brésil, c'est le pays du bonheur!, lance d'emblée Stéphane Bodier, président d'IPG Mediabrands France. Sur le marché du conseil média et de l'achat d'espace, il existe dans le monde trois pays atypiques: la France avec la loi Sapin, système totalement transparent mais qui, de fait, participe à la baisse du prix des médias; le Japon où Dentsu fait office à la fois de média, d'agence de création et d'agence média; enfin le Brésil, un marché sans agence d'achat d'espace.»

Le plus grand pays d'Amérique du Sud connaît en effet une situation singulière. «Depuis les années 1990, les deux grands groupes médias du pays, Globo et Abril, ont convaincu les pouvoirs publics d'instaurer une réglementation réservant aux seules agences de création publicitaire le droit d'acheter de l'espace publicitaire», explique Daniela Pistone, directrice de la stratégie média et publicitaire d'Accor Amérique latine. En somme, le Brésil aujourd'hui, c'est la France d'avant la loi Sapin.

«Nous sommes obligés de passer par les agences de création du groupe comme DM9DDB, Africa, Lew'Lara TBWA ou Almap BBDO», confirme Hervé Brossard, président-CEO d'Omnicom Media Group (OMG). Pour Renault, par exemple dont le budget média mondial est géré en grande partie par OMG, l'ensemble du conseil médias et de l'achat d'espace au Brésil est directement géré par Neogama BBH, l'agence de création de Publicis Groupe en charge du budget.

«C'est un pays où, pour faire du sponsoring TV, l'annonceur doit s'adresser directement au média, en l'occurrence bien souvent à Globo, qui, s'il accepte, lui présente sa note», ajoute Hervé Brossard. Un mode opératoire qui de fait ne brille pas par sa transparence. 

Mais selon Daniela Pistone, «ce système est intéressant pour les annonceurs car c'est plus facile et bien plus efficace de travailler avec une seule agence qui réunit autour de la même table et avec un intérêt commun, le directeur de clientèle, la création, le planneur et le directeur média». Cette ancienne publicitaire passée par Havas précise: «Nous n'avons pas à payer deux fois, la création puis le média. On paye uniquement l'achat d'espace. Un modèle au final où l'on n'entre pas dans une logique purement financière où prime la négocation avec le médias. Ici, la création reste première.»

Autre «avantage» : étant autorisées et non restituées aux annonceurs, les marges arrière (surcommissions allant de 10% à 20%) permettent aux agences de publicité locales d'afficher de belles rentabilités. «Des moyens financiers qui leur ont accessoirement permis de recruter les meilleurs talents expliquant ainsi la qualité de leur travaux créatifs et leur succès dans les festivals publicitaires et ce, même pour les agences indépendantes», avance Stéphane Bodier. 

Il n'est pas difficile d'imaginer que tous les annonceurs, notamment étrangers, ne sont pas de fervents défenseurs du système. Les Procter & Gamble, Reckitt Benckiser et autres BASF préféraient sans doute ne pas avoir ainsi les mains liées. Pour des raison d'éthique? Peut-être. Pour peser davantage sur les négociations prix avec les médias? Plus vraisemblablement. «De toute façon, ce modèle trop atypique évoluera certainement à terme», prédit Hervé Brossard. 

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.