«La décision a été très difficile à prendre. Mais, pour des raisons familiales, il m'était impossible de m'installer à Paris – ce que le conseil de surveillance exigeait – et de laisser ma famille à Boston. J'ai donc préféré renoncer à prendre de nouvelles responsabilités au sein du groupe», déclare à Stratégies David Kenny, après l'officialisation de sa démission le 2 juin.
Nommé «managing partner» de Vivaki, le pôle média et «digital» de Publicis Groupe, suite au rachat de son agence Digitas en 2007 par le groupe français, David Kenny, 48 ans et membre du directoire de Publicis Groupe depuis la fin de cette même année, semblait pourtant promis aux plus hautes fonctions au sein du troisième groupe publicitaire mondial. Au-delà des considérations familiales, la décision de David Kenny, prise en décembre dernier, apparaît aussi pour certains comme un signe d'impatience de la part du «monsieur numérique» de Publicis. Il est vrai qu'en juillet dernier, le conseil de surveillance du groupe, s'inquiétant du contexte économique difficile, avait demandé au président du directoire, Maurice Lévy, qui à 68 ans dirige le groupe depuis 1987, de réfléchir à la possibilité de prolonger son mandat devant prendre fin en décembre 2011. De fait, le groupe a annoncé le 2 juin qu'il resterait à son poste au-delà de cette date.
La démission du fondateur de Digitas, en discussion avec des sociétés de capital-risque pour de futurs projets, n'arrive pas au meilleur moment pour Publicis. Le groupe s'est en effet engagé depuis l'été dernier sur la voie d'un nouveau modèle d'agence avec la création de Vivaki, largement impulsée par David Kenny. Ce dernier, qui assure que dans les dix prochaines années il aurait totalement changé le visage du groupe, reste convaincu qu'«à l'heure où la technologie va plus vite que les agences, il est urgent que ces dernières s'adaptent en plaçant médias et audiences au cœur de l'activité et en instaurant un système de rémunération à la performance.»
Réduction du champ des possibles
Certes, des Laura Lang ou Bob Lord, respectivement CEO de Digitas et de Razorfish (racheté à Microsoft en 2009), porteront désormais l'expertise numérique au sein du P12, le comité de direction élargi du groupe. Mais, pour l'heure, en ce qui concerne Vivaki, le seul maître à bord est Jack Klues, 55 ans, venu du monde des agences médias (il fonda Starcom) et dont le départ du groupe est prévu fin 2012. Publicis pourra donc difficilement se passer d'un nouveau «monsieur (ou madame) digital».
Quant à la succession, dossier autrement plus sensible, le champ des possibles s'est réduit. Et ce d'autant que la nomination au poste de «chief operating officer» de Jean-Yves Naouri, jusqu'alors «senior vice-president operations groupe» confirme la position de dauphin de cet X-Mines de 50 ans qui a rejoint le groupe en 1993 pour lancer Publicis Consultants.
De par ses dernières fonctions, Jean-Yves Naouri, entré au directoire en même temps que David Kenny, a eu l'occasion de se familiariser avec les rouages de ce groupe international de 45 000 personnes. Dans le cadre de ses missions, à savoir «la simplification de l'organisation et l'optimisation des moyens et de la croissance» du groupe, il sera chargé de suivre notamment le marché chinois.
Le seul handicap de Jean-Yves Naouri est qu'il n'a pas directement la main sur le business opérationnel, contrairement à la plupart des autres membres du P12 comme Richard Pinder (Publicis Worldwide), Olivier Fleurot (Publicis PR), Tom Bernardin (Leo Burnett) ou Kevin Roberts (Saatchi & Saatchi). Sans compter que d'ici deux à trois ans, ou plus, de «transition», selon le terme de Maurice Lévy, bien des rebondissements pourront mettre à mal un scénario que d'aucuns pensent ficelé.
