Organisation
Havas et Ogilvy viennent d'apporter leur pierre au nouvel édifice que construisent les grands groupes publicitaires pour offrir au marché une offre plus intégrée, plus véloce et si possible... plus rentable.

La marche inexorable des groupes publicitaires vers l’intégration s’accélère. En 2012, Vincent Bolloré, alors président d’Havas, lançait la réorganisation devant donner naissance aux 47 Havas Villages que compte aujourd’hui le groupe. Fin 2015, le numéro 3 mondial du secteur, Publicis Groupe, annonçait son grand aggiornamento avec le plan «Power of One». Un an plus tard, à une toute autre échelle –celle de l’Hexagone–, TBWA France entrait dans la danse avec la fusion de neuf de ses treize agences constituant une nouvelle offre intégrée avec un seul compte de résultat.

Et voilà que le 9 mars dernier, deux nouvelles annonces ont confirmé le mouvement. Havas a présenté à Londres une nouvelle étape de sa stratégie «Together» vers un modèle d'agence plus intégré en fusionnant ses offres création et média (lire «Chez Havas, ciao les silos!»). Au même moment, Ogilvy France devenait, après Ogilvy New York, la deuxième entité du réseau de WPP à mettre en œuvre le programme «Next Chapter» lancé en janvier dernier par son CEO John Seifert (lire «Ogilvy, un pour tous»).

«L’aspect contextuel des contenus et son immédiateté dans les médias sont une tendance de fond. Il y a deux ans, les agences ont lancé les newsrooms qui fusionnaient déjà –à l’échelle des réseaux sociaux– contenus et médias, puis les DMP, qui fusionnent les datas. Pouvoir proposer le bon contenu au bon moment pour la bonne cible permet d’avoir moins de déperdition. Ces réorganisations sont la suite logique de ces nouvelles offres », analyse Fabrice Valmier, directeur associé du cabinet-conseil en relations annonceurs-agences VT Scan. «Avec ces nouveaux modèles, l’agence retrouve finalement son rôle d’il y a 50 ans, quand elle gérait l’ensemble des problématiques de son client avant l’arrivée du digital», ajoute Marie-Charlotte Longueville, associée fondatrice du cabinet en choix d'agences Pitchville.

Un P & L par pays

Toutes ces initiatives qui ont un seul et même objectif –regrouper et faire travailler ensemble les différents métiers de la communication– passent par la mise en place d’un unique P & L (ou compte de résultat). «Le P & L n'est rien d'autre que l'autorité», lance d'emblée Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe, «aujourd'hui, le plus important ce n'est plus le patron d'une discipline avec son propre P&L et tous les conflits d'intérêt que cela pouvait créer, c'est le responsable client» (lire l'entretien de Maurice Lévy).

Un changement radical que confirme Natalie Rastoin, PDG d'Ogilvy France: «ce système de reporting des résultats par pays, qui permet d'abattre la barrière financière et donc les silos par discipline, accélére la capacité des business partners à bâtir des stratégies avec les experts qu'ils souhaitent». Et cette réorganisation est aujourd'hui rendue possible, selon elle, «du fait de l'accélération technologique qui offre de nouvelles opportunités de faire travailler ensemble CRM et média notamment».

Une fois le processus enclenché, reste à mettre tout cela en musique et c'est là où les difficultés commencent. En l'espèce, l'effet de taille n'est pas à négliger. Yannick Bolloré, PDG d'Havas, en fait même un argument de «vente» et tacle au passage les Big Five du marché mondial de la publicité (WPP, Omnicom, Publicis, Interpublic et Dentsu): «Le fait que nos différentes structures aient des tailles équilibrées et que nous ne soyons pas trop gros nous donne plus de flexibilité, mais ce qui nous permet surtout de faire ce genre de changements est notre actionnariat familial.»

En pratique, la capacité d'adaptation au changement des collaborateurs et leur indispensable formation sont des conditions essentielles à la réussite. «Dans cette démarche, les enjeux les plus importants sont le travail d'acculturation et le respect des expertises. C'est pourquoi nous avons mis en place l'an dernier la Leap-Frog Academy, un programme de formation interne et transverse à l'ensemble des disciplines», explique Natalie Rastoin. Marie-Charlotte Longueville, de Pitchville, soutient cette approche en rappelant que «les agences doivent réapprendre à être liées au business de leurs clients et à connaître l’ensemble de leurs problématiques. Ce qui est bien plus complexe quand elles ne gèrent qu’une petite partie de leur communication.»

Meilleure lisibilité

Si toutes ces manœuvres mettent ostensiblement le client au centre, d'autres raisons président également à leur mise en œuvre. Selon Daniel Colé, associé du cabinet-conseil en fusions-acquisitions Spin-Off & Co, «les réorganisations en cours favorisent une meilleure lisibilité des offres et une plus grande transparence, permettant de mieux justifier la rémunération auprès des clients». Pour Bernard Petit, président du cabinet de choix d'agences SC Reviews, la principale raison de ces changements est bien plus prosaïque: «Elle vient d’un besoin de consolidation pour maintenir les résultats financiers. Regrouper les différentes entités permet indéniablement de faire des économies: moins de structures, moins de dirigeants… Et pour les agences les plus petites ou en difficulté au sein des groupes, ne plus avoir de silos permet de retrouver une taille suffisante pour être attractif sur les marchés locaux, à l’image de Saatchi ou Leo Burnett chez Publicis.»

Mais comme le souligne Daniel Colé de Spin-Off & Co, la marche des groupes publicitaires est encore longue: «la donne est tellement perturbée par le digital et ses applications que les agences n'ont pas fini de courir après une transformation en constante évolution. C'est un travail de Sisyphe!».

Ogilvy, un pour tous

Après Ogilvy New York, Ogilvy France ouvre à son tour «Next Chapter», plan de réorganisation du réseau publicitaire de WPP. L'agence parisienne réunit l'ensemble de ses entités (Ogilvy Paris, Ogilvy One, Neo@Ogilvy, H&O, Ogilvy PR, Ogilvy Red Conseil...) sous une seule entité et une seule marque: Ogilvy Paris. Cette réorganisation, chapeautée par Natalie Rastoin, présidente d'Ogilvy Paris nouvelle formule, passe par un planning stratégique unifié, un département créatif repensé, un nouveau team social et un pôle «Production & Delivery». Dans ce cadre, un nouveau comité exécutif a été mis en place avec notamment Emmanuel Ferry (ex-Fred & Farid) nommé managing partner, head of branding & advertising ; Éric Maillard (ex-Ogilvy PR), désormais managing partner, head of influence & reputation ; Benoit de Fleurian (ex-DG d'Ogilvy & Mather), chief strategy officer et Guillaume de la Fléchère (ex-Neo@Ogilvy), managing partner, head of engagement, performance marketing, media & distribution.

 

Chez Havas, ciao les silos !

Havas s’est débarrassé de ses silos en grande pompe le 9 mars dernier lors de l’inauguration de son village de Londres. Sous la houlette de Yannick Bolloré, CEO d'Havas Group, Havas Creative Group et Havas Media Group disparaissent pour laisser place à une seule et unique marque: Havas. Les activités médias, création et santé deviennent des unités opérationnelles d'une même organisation avec un CEO et un P & L par région. Dominique Delport, global managing director et président d'Havas Media Group, est dans ce cadre nommé global managing director et chief client officer d'Havas Group. Côté France, Raphaël de Andreis, PDG d'Havas Media Group France, et Agathe Bousquet, PDG de Havas Paris, conservent leurs fonctions mais reportent désormais directement à Yannick Bolloré. Ces changements s’inscrivent dans la stratégie «Together» entamée par Havas il y a quatre ans, avec l’ouverture des 47 Havas Villages à travers le monde. 

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