Organiser la plus grande manifestation sportive au monde mais aussi la plus regardée, faire rêver et… maîtriser les coûts. Telle est l’équation à laquelle sont régulièrement confrontés les comités d’organisation des Jeux olympiques (Cojo). D’autant que, depuis une dizaine d’années, une tendance inflationniste fait exploser le coût global réel des Jeux (organisation et infrastructures), dont le montant final s’éloigne de plus en plus du budget prévisionnel…
Un projet attractif
Au-delà de son positionnement pour des Jeux plus sobres, laissant un héritage aux Franciliens et où la dimension sociale doit primer, Paris 2024 s’est aussi engagé à tenir le budget annoncé. Première étape de ce challenge : faire rentrer le milliard d’euros de recettes partenariales prévu. Si la Cour des comptes s’inquiétait, début 2021, de ce que « seulement » 46 % de ce montant avait été sécurisé par le Cojo, celui-ci l’a porté à près de 55 % avant l’été en annonçant l’arrivée de Sanofi comme partenaire premium et de Decathlon comme partenaire officiel. « Ces résultats encourageants prouvent que le projet de Paris 2024 est attractif, s’enthousiasme Marlène Masure, directrice exécutive du développement commercial et des partenariats de Paris 2024. Dans un contexte de crise sanitaire et économique très difficile, s’afficher aux côtés de Paris 2024 est un signe d’optimisme de la part de nos partenaires, afin de montrer qu’en 2024 la France aura retrouvé la croissance et une vie normale. » Forte de ces derniers contrats signés et des négociations en cours, Marlène Masure se dit confiante quant à l’objectif de deux tiers de recettes partenariales signées d’ici à la fin de l’année. Mais l’enjeu économique des partenariats des Jeux est double : faire rentrer des recettes tout en diminuant, si possible, le recours à des prestataires extérieurs. « Nous cherchons aussi des partenaires qui nous sont utiles », confirme la directrice exécutive. Decathlon va par exemple fournir des tenues écoconçues aux 45 000 bénévoles des JO. « Nous déclenchons les démarches commerciales lorsque nous sommes matures sur un sujet », précise Marlène Masure. Ainsi, le Cojo devait prospecter en cette rentrée des acteurs des secteurs de la logistique et de la restauration.
Produits dérivés
L’autre levier de financement actuellement à la disposition du Cojo, le licensing et le merchandising de produits dérivés, doit monter en puissance ces prochains mois. « Ces produits participent à la construction du souvenir des JO et démontrent l’excellence du savoir-faire français », vante Marlène Masure, qui souligne que le Cojo a mis en place des « exigences fortes » pour les candidats. Une quinzaine d’accords de licensing ont déjà été signés, même si un certain nombre d’entre eux n’ont pas encore été rendus publics. L’objectif est d’atteindre une soixantaine de licenciés dans le domaine des vêtements, peluches, timbres, monnaies de collection… Déjà partenaires, la FDJ, Le Coq sportif ou Decathlon devraient commercialiser des produits aux couleurs de Paris 2024 d’ici à la fin de l’année.
Paris prend la main
Tradition olympique oblige, c’est lors de la cérémonie de clôture des Jeux de Tokyo, le 8 août, que la ville japonaise a passé le flambeau à celle qui allait lui succéder. L’occasion pour Paris 2024 de prendre pour la première fois la parole, d’exposer mais surtout de confirmer ses intentions au reste du monde. À commencer par celle de faire différemment avec des Jeux ouverts sur la ville ! Et sur ce point, il faut admettre que le comité a réussi son coup en décidant de créer l’événement hors du stade et de la cérémonie tokyoïte comme le veut l’usage. Le concept, imaginé par les équipes de Paris 2024 et entièrement réalisé par Double 2 (producteur exécutif), proposait aux 700 millions de téléspectateurs une séquence d’un nouveau genre : un multiplexe depuis Paris alternant les temps forts et les formats avec un grand rassemblement au Trocadéro pour permettre au public de suivre en live la cérémonie de clôture, de fêter l’arrivée prochaine des Jeux à Paris en présence des athlètes français médaillés, de s’émouvoir au passage de la Patrouille de France autour de la tour Eiffel et de (re)découvrir la ville à travers deux films – « La Marseillaise » et « La Course sur les toits de Paris ». Un énorme travail de synchronisation pour Double 2 afin d’enchaîner et de coordonner les séquences en live dans l’intervalle de dix minutes réglementaire accordé par le CIO à Paris 2024. Seule déception, le drapeau de la taille d’un terrain de football qui devait être déployé en haut de la tour Eiffel est resté en berne pour cause de vent trop violent…
Le budget – inflationniste – des Jeux
Le budget des Jeux de Paris a été révisé en décembre 2020 à 7,3 milliards d’euros, somme répartie entre les coûts d’organisation de 3,9 milliards (Cojo) et celui des infrastructures de 3,4 milliards (à la charge de la Société de livraison des ouvrages olympiques, Solideo). Ce nouveau budget tient compte de la crise sanitaire et réalise 400 millions d’euros d’économies (notamment en mutualisant des sites entre plusieurs sports). Le budget du Cojo, financé à 97 % par des ressources privées, est réparti en trois tiers : le premier provenant de la dotation du CIO (1,219 milliard d’euros), le second du secteur billetterie et hospitalité (1,165 milliard d’euros) et le troisième issu des partenariats et du licensing/merchandising (respectivement 1,088 milliard et 127 millions d’euros). Si jusqu’en 2004 le coût global des Jeux olympiques d’été avoisinait 5 milliards de dollars, il s’élevait à 11 milliards de dollars pour Londres (2012), 16,5 milliards pour Rio (2016) et est évalué à 28 milliards pour Tokyo. La palme revient aux Jeux de Pékin (2008), dont la facture a atteint 31 milliards de dollars, d’après des données compilées par le chercheur français Wladimir Andreff. Malgré cette inflation, les budgets prévisionnels ont toujours été largement sous-évalués, le dépassement de budget passant d’environ 85 % pour Sydney (2000) ou Athènes (2004), à 129 % pour Londres et… 1 092 % pour Pékin (qui avait établi un budget prévisionnel à seulement 2,6 milliards de dollars) ! C’est ce que Wladimir Andreff appelle « la malédiction du vainqueur de l’enchère ».