Le moment était attendu depuis de longs mois. L’annonce de l’allègement progressif des restrictions engagé le 3 mai, avec la levée de certaines jauges dans les établissements accueillant du public, a provoqué un véritable appel d’air pour les rencontres événementielles. Et les premiers à tirer leur épingle du jeu ont sans nul doute été les lieux de petite et moyenne taille. On comprend aisément pourquoi : si les entreprises ont pu garder le lien avec leurs collaborateurs grâce aux écrans, elles mesurent l’importance de les réunir physiquement. Dès lors, le déconfinement a signé le retour des rencontres, mais avec un nombre de participants réduit, dans des lieux adaptés à leurs formats. Il faut toutefois souligner que certaines organisations, notamment celles soumises au principe de précaution, restent frileuses. «Les premières à revenir sont les entreprises de petite taille. La reprise semble plus forte et plus rapide que nous pouvions l’espérer. Nous avons enregistré une augmentation des demandes de 12 % en mai 2021 par rapport à mai 2019, indique Benjamin Abittan, directeur des opérations de Châteauform’, qui compte 70 sites dans six pays européens. C’est peut-être l’effet bouchon de champagne, mais la demande ne faiblit pas. Les entreprises ont besoin de réunir leurs collaborateurs pour (re)créer du lien, favoriser les échanges d’énergie et valoriser la culture d’entreprise dans des moments forts partagés pour ensuite mieux travailler à distance.» Avec un cahier des charges logiquement différent d’avant la crise : «Depuis la réouverture de nos établissements, nous avons enregistré une très grande demande pour des événements de dernière minute pour 50 à 200 personnes, en majorité en extérieur et dans un cadre proche de la nature», précise Denis Remon, directeur du pôle événementiel de Paris Society (ex-Noctis), qui gère 30 lieux dans la capitale.
Toujours de la prudence
Reste que, si la période postconfinement a connu un regain d’activité, les gestionnaires de sites sont prudents, notamment en raison des incertitudes liées à l’évolution de la pandémie dans les prochains mois. «Les événements programmés pour le dernier trimestre 2021 le sont avec une jauge limitée. Mais cela peut vite changer selon l’actualité», confie Denis Guignard, fondateur de Lieux atypiques, qui assure la gestion de dix lieux et la commercialisation de 500 autres. «Après une inertie de 18 mois, le marché va mettre du temps avant de reprendre sa vitesse de croisière d’avant-crise. Nous tablons sur 2022, à condition de ne pas subir à nouveau des restrictions», avance Grégory Lentz, directeur associé de Moma Sélection, qui a inauguré en juin dernier le Café Lapérouse à l’hôtel de la Marine à Paris et Food Society, le food-court de la Part-Dieu, à Lyon. Force est de constater que si les gestionnaires de sites ont subi de plein fouet la crise, ils continuent à investir dans la rénovation ou l’ouverture de nouveaux lieux. À l’image de Châteauform’ avec deux nouvelles maisons et de Paris Society qui a lancé le Cœur Sacré avec son rooftop à Montmartre et exploite l’Orangerie de Roland-Garros depuis septembre. «Nous ouvrirons prochainement une salle de 1 000 m2 place d’Italie et un espace dédié à l’événementiel sous l’Accor Arena courant 2022. Nous devons continuer à développer notre offre spécifique par la singularité de nos lieux, pour répondre à la demande des entreprises», détaille Denis Remon. Durant cette longue période, les gestionnaires de sites de taille moyenne ont aussi travaillé sur leur réorganisation, leur politique RSE et les perspectives de reprise du marché. «Nous avons reçu une vingtaine de demandes de référencement pendant le confinement. Même si les lieux étaient fermés, ils nous ont sollicités pour leur apporter de la visibilité à travers notre plateforme destinée à valoriser les lieux patrimoniaux et culturels d’exception et les accompagner dans leurs échanges avec leurs homologues et la mise en contact avec des prospects B to B», explique Diane Domas de Crécy, fondatrice de Loc’Hall.
De nouvelles tendances
La crise a aussi été l’occasion de réfléchir à de nouvelles offres pour accompagner la relance des entreprises dans un environnement où les modes de travail et de vie au travail sont en pleine mutation. «Le télétravail est une tendance qui risque de s’installer et de s’amplifier. Cela va conduire les entreprises à réduire leurs mètres carrés dans les mois à venir, expose Denis Guignard. De fait, elles auront davantage besoin de réunir leurs collaborateurs et plus régulièrement, pour les fédérer et les motiver, autour d’activités de team-building par exemple. Ce n’est pas encore le cas, mais nous devons anticiper en développant des offres adaptées aux futurs besoins des organisations. Nous réfléchissons à de nouvelles formules, comme un système d’abonnement ou de forfait pour favoriser la régularité de rassemblements ou de réunions par une entreprise dans nos sites.» Une analyse que partage Benjamin Abittan, qui va même plus loin : «Les économies de mètres carrés et le télétravail vont conduire les entreprises à réinvestir dans le contenu de leurs événements et la qualité de vie au bureau. Notre secteur a donc un rôle à jouer : apporter de l’hospitalité dans les temps forts organisés dans nos maisons mais aussi au bureau. À cet effet, certaines entreprises mais aussi des promoteurs de l’immobilier nous demandent d’assurer la gestion de leurs bureaux. Le projet est de développer une expérience différenciante s’appuyant sur nos savoir-faire en hospitalité, restauration, design des espaces, management de communauté… tout en renforçant la culture de leur entreprise. Le bien-être fait désormais partie du travail.»