Technologie
Facilité par les nouvelles fonctionnalités des téléphones, popularisé par les dispositifs sans contact nés de la crise sanitaire, le QR code revient en force, que ce soit dans la communication des marques ou chez les médias.

Il y a encore un an, quand les virées entre amis étaient pleines d’insouciance, la scène aurait pu faire croire à une séquence tirée de la série Black Mirror. Au restaurant, les convives à peine installés autour de la table, tous les téléphones se braquent au-dessus d’un mystérieux carré blanc et noir fait de pixels semble-t-il agencés de façon anarchique. Pourtant, ce QR code, nombre de clients l’ont vu fleurir ces derniers mois sur les tables des restaurants pour remplacer les traditionnels menus qui passaient de main en main avant les contraintes sanitaires imposées par la crise du Covid-19. Sur les attestations de déplacement en période de confinement, à la télévision, dans les lieux publics, le QR code est devenu omniprésent cette année, plus de 25 ans après sa création au Japon, dans les usines Toyota.

« Longtemps, le premier frein à l’utilisation du QR code a été la nécessité de télécharger une autre application pour pouvoir le lire », contextualise David Samson, manager chez Ekino (BETC Fullsix). L’intégration de la détection automatique de QR code dans l’appareil photo chez Apple en 2017 et plus récemment sur certains téléphones utilisant Android a changé la donne. « Ça a débloqué notre créativité », ajoute Jean-Christophe Hermann, vice-président exécutif global retail et consumer goods chez Valtech. Selon lui, « le QR code offre une voie royale dans l’expérience client en créant une relation nouvelle au produit et au linéaire ».

La marque de cosmétiques MAC par exemple a ouvert dans le Queens, à New York, un magasin pilote, The Innovation Lab, qui mêle dans un environnement futuriste retail et digital. Parmi les fonctionnalités proposées, la possibilité pour les consommateurs de récupérer grâce à un QR code la session personnalisée qu’ils ont entamée dans le magasin. « Ce n’est pas normal qu’une étiquette produit ne soit aujourd’hui pas interrogeable. Le QR code va permettre de créer de l’information pertinente et contextuelle dans le monde physique. À terme, le QR code sera vu comme un simple clic dans le monde digital », anticipe Jean-Christophe Hermann.

Geste barrière

Pour l’heure, la crise sanitaire semble accélérer la transformation digitale des marques. « Le QR code permet de dématérialiser des documents dans un contexte de nécessité du sans contact », estime David Samson. Ces derniers mois, Club Med a utilisé cette technologie dans ses établissements pour digitaliser la carte de ses restaurants, de ses spas et de nombre de ses brochures promotionnelles. « Le Covid-19 a forcé les marques à prendre soin de leurs clients et de leur salariés », ajoute-t-il. La dernière étude Prosumers, réalisée en avril 2020 par BETC Fullsix, ne dit pas le contraire : un Français sur deux attend des marques qu’elles renforcent leurs mesures d’hygiène et 62% estiment que les règles de sécurité et d'hygiène sont maintenant les parties les plus importantes de leur expérience avec une marque. L’ère est au sans contact et la tendance pourrait bien durer.

Du côté des médias aussi, le QR code gagne du terrain. Bien loin des premières expérimentations en presse magazine il y a déjà plusieurs années, le flashcode, autre nom du QR code, a aujourd’hui pignon sur rue, à commencer par le JT de 20 Heures de France 2. Depuis début avril, un QR code est régulièrement diffusé à l’antenne dans le cadre de l’opération On Vous Répond, invitant les téléspectateurs à poser leurs questions sur la crise sanitaire d’un simple flash de leur smartphone. « Ce type d’outil nous permet de mieux communiquer avec nos publics », explique Christophe de Vallambras, journaliste au Medialab de l’information de France Télévisions. Au total, plus de 350 000 visites sur le formulaire On Vous Répond ont déjà été générées grâce au QR code, avec des pics pouvant aller jusqu’à 40 000 visites sur une seule journée au début de l’opération. « Nous proposions déjà aux gens de poser leurs questions sur notre site, mais le QR code vient faciliter ces échanges, notamment sur un public qui a peut-être plus de difficulté à s’orienter dans notre offre numérique classique », estime le journaliste.

Toujours sur France 2, Télématin utilise aussi cette technologie depuis le printemps, dans sa rubrique La Météo de l’emploi. D’autres émissions pourraient suivre, par exemple dans leur générique, dans une démarche d’interactivité. « Le QR code ouvre un nouveau canal mais il doit avoir un sens. S’il simplifie le circuit pour venir parler aux gens de France Télévisions, il a toute son utilité », insiste Christophe de Vallambras.

Pixels en couleur

De leur côté, les régies des chaînes télé ont bien compris son potentiel publicitaire. Après plusieurs opérations ponctuelles depuis 2012, notamment une pour Deliveroo en novembre 2019, TF1 Pub a introduit dans ses conditions générales de vente pour 2021 le format Shoppable Ads. Celui-ci permet à l’annonceur de diffuser à côté de sa copie télé un QR code qui renvoie vers une page de son site, par exemple pour acheter l’article mis en avant dans la pub. « Ce type de format allie branding et e-commerce, avec l’idée de rebond de l’un à l’autre. Le QR code est un deuxième canal », avance Sylvia Tassan Toffola, directrice générale de la régie du groupe TF1.

M6 Publicité propose aussi aux annonceurs d’agrémenter leur publicité télé d’un QR code, que ce soit à travers l’offre de publicité responsable S6lidaire ou l’offre M6 Adressable QR code sur les TV connectées. De son côté, FranceTV Publicité commercialise l’offre Shoppable TV des chaînes NBC Universal en France (13ème Rue, Syfy, E !), qui intègre également un QR code, un format auquel vient de recourir la marque de préparation culinaire Ninja.

Reste la question de l’esthétique. « Le QR code peut devenir un élément créatif et ludique, qui délivre un vrai message », avance Eric Baesa, fondateur du studio Takeoff, spécialisé dans l’univers du jeu vidéo. Faute de pouvoir rencontrer ses clients, celui-ci a mis à profit le premier confinement pour travailler sur une nouvelle activité, qu’il a baptisé « Art QR code », permettant aux marques de donner une vraie identité de marque à leurs QR codes. Les marqueurs du flashcode restent bel et bien présents mais les pixels noirs et blancs sont colorisés et agencés de sorte à former un dessin qui, une fois flashé par un téléphone, sera retraduit en simple QR code.

« Les couleurs claires sont assimilées à du blanc, les foncées à du noir, et des éléments de graphisme sont placés aux endroits qui ne sont pas nécessaires à la lecture du QR code. Ainsi, on arrive à tromper l’appareil photo », explique le dirigeant. Après s’être fait la main sur un QR code Nike, sans que l’équipementier n’ait rien demandé, Takeoff travaille aujourd’hui sur des projets de QR codes créatifs pour Kellogg’s, Mercedes ou encore McDonald’s, autour de l’histoire des nuggets. L’histoire du QR code, elle, ne fait que commencer.

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