Depuis quelques mois, les coups pleuvent de toutes parts sur les banquiers. Et la campagne électorale n'a rien arrangé. Lors de son meeting au Bourget le 22 janvier, François Hollande a désigné «le monde de la finance» comme son «véritable adversaire». Le 1er février au Salon des entrepreneurs, ce fut au tour de Nicolas sarkozy, pas encore officiellement candidat, d'accuser: «Nous avons les banques les plus importantes d'Europe, et quand il faut prêter de l'argent aux PME, c'est l'État qui doit créer Oseo. On se demande à qui les banques prêtent de l'argent.»
Face à cette offensive tous azimuts, les banquiers français refusent d'endosser le rôle de bouc émissaire de la crise. La Fédération bancaire française (FBF), qui représente 430 entreprises du secteur, a réagi en publiant les 1er et 2 février une publicité dans la presse nationale et régionale. Intitulée «Les banques françaises: 400 000 visages à votre service», celle-ci rappelle que le secteur pèse lourd en termes d'emplois (lire l'encadré) et que l'encourt des crédits distribués aux particuliers et aux entreprises a augmenté de 5,3 % en 2011, soit 1 921 milliards d'euros injectés dans l'économie.
Dans une précédente campagne, en octobre 2011, la FBF avait pris la parole pour rétablir «la vérité» sur quatre accusations qu'elle considérait infondées. «L'assimilation qui est faite entre les banques françaises et la finance globalisée est caricaturale et objectivement fausse. Dans cette crise de l'endettement des États, les banques françaises ont coûté zéro euro au contribuable», affirme Valérie Ohannessian, directrice générale adjointe de la Fédération.
Elle réfute également la supposée réticence des banques à concéder des prêts aux particuliers et aux entreprises: «Nous avons continué à prêter massivement. Les chiffres le prouvent.» Entre 2008 et 2011, les prêts aux sociétés non financières (ménages et entreprises) ont augmenté en France de 4,4 % alors qu'ils ont baissé (-2,2%) dans la zone euro.
Antoine Sire, directeur de la communication de BNP Paribas, préfère mettre l'accent sur le décalage entre le discours ambiant négatif et l'opinion plus favorable de l'homme de la rue. «Lorsqu'on interroge les clients, ils sont plus de 70 % à se déclarer satisfaits de leur agence bancaire, remarque-t-il. On est loin des propos violents des responsables politiques.» Il rappelle aussi que les élus sont souvent à la tête de collectivités locales qui ont souffert de la faillite de Dexia. Une mauvaise expérience qui ne serait pas étrangère à leur virulence actuelle.
Cette dichotomie entre la méchante finance et le gentil conseiller est observée depuis plusieurs années. Selon l'Observatoire 2011 de l'opinion sur l'image des banques (1), 75% des Français ont une bonne image de leur banque, contre 58 % des banques en général. Un écart constant depuis 2008. La satisfaction vis-à-vis du conseiller de clientèle est elle de 71 % contre 21 % de mécontents.
Pour le directeur de la communication de BNP Paribas, une seule attitude peut réussir à convaincre l'opinion: montrer que les banques travaillent au service de tous les acteurs de l'économie. «Nous allons sur le terrain, en organisant dans tous les départements des réunions avec des clients désireux d'approfondir leurs connaissances financières. Sur notre site Web, nous avons répondu à plus de 800 questions», explique-t-il.
De son côté, le groupe BPCE (Banques populaires Caisse d'épargne) se félicite que la Caisse d'épargne soit la première banque dans le baromètre d'image Ipsos Posternak de janvier2, devant le Crédit mutuel et les Banques populaires. Un effet de son changement d'agence et de campagne (lire page xx)? L'Écureuil fait en effet partie des nombreux établissements qui ont changé d'agence de publicité depuis fin 2010, quittant Ogilvy & Mather pour BDDP & Fils. De même, le Crédit mutuel est passé de PublicisActiv à H, Société générale de Saatchi & Saatchi à Fred & Farid et le Crédit agricole de Providence à BETC Euro RSCG, autre enseigne d'Havas.
Cette valse des budgets publicitaires souligne un besoin pour les banques de changer leur image en faisant évoluer leur discours. «Esprit d'équipe» pour Société générale, banque «nouvelle définition» pour la Caisse d'épargne, «La banque à qui parler» pour le Crédit mutuel, «Parlons vrai» chez BNP Paribas: les signatures changent, mais pas le discours, qui reste centré sur les valeurs.
Or, pour Olivier Arroua, associé du cabinet conseil Selenis, spécialisé dans la banque et l'assurance, «les valeurs sont souvent décrétées mais rarement mise en application». «Parlons vrai: mais de quoi?», lance Olivier Aubert, de l'agence Aubert Storch et Associés dont la campagne pour LCL «Demandez plus à votre argent» perdure depuis 2005. «Les gens ne croient plus aux discours institutionnels ni aux déclarations d'amour, ajoute-t-il. Ils veulent des réponses concrètes à leurs problèmes de financement et de crédit.» Selon lui, les banques ont oublié leurs fondamentaux.
Pour Vincent Leclabart, président d'Australie, agence qui gère la communication du CIC depuis dix ans, «les sagas publicitaires, comme les animaux de la Caisse d'épargne, sont des éléments de reconnaissance très forts, avec de très bons scores d'attribution. En changeant de campagne et donc de registre, on prend le risque de ne plus toucher les gens.»
Et ce n'est pas en augmentant son budget publicitaire qu'on est forcément plus efficace. En 2011, LCL a investi 61,1 millions d'euros, soit 5,3% de part de voix parmi les 20 premiers investisseurs du secteur banque assurances crédit. Pourtant son taux de mémorisation «top of mind»3 est de 16,7% et la mémorisation spontanée de 28,5%. Le Crédit agricole, avec ses 98,3 millions d'euros, pèse 8,5% de part de voix, pour des taux de mémorisation de 11,2% et 21,3%. Société générale fait encore moins bien avec 85 millions et une part de voix de 7,1% pour une mémorisation «top of mind» de 4% et spontanée de 9,7%.
Sur les trois marches du podium en termes d'indice de rendement4, on trouve la Maaf, MMA et LCL. Soit deux mutuelles et une banque dont les campagnes ont en commun d'être des sagas récurrentes mais souvent décriées pour leur manque de créativité. Faut-il choisir entre une publicité esthétique et créative, et une campagne efficace et bien mémorisée? Certains ont manifestement choisi leur camp. Pour Olivier Aubert, «les banques sont avant tout des commerçants. Qu'elles assument et cessent ces discours de posture».
(sous papier)
Emploi
Les banques vont continuer de recruter
Gros pourvoyeurs d'emploi, les établissements bancaires ne comptent pas réduire la voilure, tout au moins dans la banque de détail. En 2012, les banques vont embaucher entre 12 500 et 13 000 personnes, selon Les Échos daté du 18 janvier. C'est moins qu'en 2011 (17 700) mais la baisse devrait surtout affecter la banque de financement et d'investissement (BFI). En tout état de cause, il n'est pas question de licenciements et les campagnes de recrutement ne devraient pas fléchir. «Il n'y aura pas de suppression de postes ou de départs contraints. Nous allons embaucher environ 2 000 personnes en 2012 [contre 3 200 en 2011]», assure Antoine Sire, directeur de la communication de BNP Paribas. Même constat chez BPCE (Banques populaires Caisses d'épargne): «Nous allons continuer à recruter comme avant. En région, nous avons même des difficultés pour certains profils», dixit Christophe Gilbert, responsable des relations presse. Pour Olivier Arroua, associé du cabinet conseil Selenis, spécialisé dans la banque et l'assurance, «il existe un besoin de remplacement des générations dans la banque de détail. Il n'y aura donc pas de coupes claires, même si les embauches ne concerneront peut-être pas les mêmes profils qu'avant. De plus en plus, il faut maîtriser les nouvelles technologies avec l'essor de la banque à distance.»
(encadré)
Chiffres clés
Un secteur de poids
400 000 employés
30 000 embauchespar an en moyenne dont les deux tiers de moins de 30 ans
425 établissements
39 000 agences
Près de 60 000 DAB (distributeurs automatiques de billets)
72 millions de comptes à vue
2 084 milliards d'euros de crédit (*)
1 576 milliards d'euros de dépôt (*)
16,4 milliards d'opérations de paiement par an
3 % du PIB national
Source FBF. (*) chiffres 2010