Quelque 22 000 créations d'«emplois Facebook» en France, selon une étude Deloitte-Facebook, 466 000 postes générés dans l'économie des applications («appli économie») aux Etats-Unis, selon une enquête de l'association Tech Net réunissant des dirigeants de société du secteur des hautes technologies. Le digital recrute! Même si l'étude Deloitte surestime, sans doute à dessein, l'impact direct du réseau de Marc Zuckerberg, car les postes sont à attribuer à l'ensemble des acteurs de cet univers, et pas uniquement à Facebook...
En effet, les réseaux sociaux et les applications pour mobiles sont en train de faire émerger un véritable écosystème, avec de nouveaux métiers. Pour s'en convaincre, il suffit de se plonger dans les dix exemples d'entreprises développés dans les pages suivantes (Fullsix, Criteo, Pages jaunes, Viadeo, Dailymotion, etc.) qui, à elles seules, vont recruter un millier de personnes en 2012. Des développeurs et des commerciaux, bien sûr, mais également des profils marketing (data-miners, gestionnaires de communauté, etc.).
Et cela, sans compter les recrutements directs en cours chez Google (qui recherche actuellement un community manager), Linked In ou encore Facebook. Les sociétés américaines embauchent actuellement dans leurs bureaux parisiens sans pouvoir le dire, car leur communication locale sur les recrutements est verrouillée depuis qu'elles sont cotées (ou sur le point de l'être)... Amazon vient également d'annoncer qu'il recrutait une centaine de personnes pour son site de logistique de Saran (Loiret), qui emploie déjà entre 700 et 800 personnes.
Du côté des grandes entreprises, si l'ambiance n'est pas à la fête, les grands projets Web se poursuivent, quitte à faire appel à des «freelances» ou à des prestataires extérieurs plutôt que d'embaucher : «Il commence à y avoir des plans sociaux dans les groupes, mais comme le digital est devenu crucial dans leur développement, les sociétés continuent de mettre le paquet sur ces leviers de croissance, et donc sur les gros projets (marketing stratégique, webmarketing, développement de sites e-business), explique Perrine Grua, directrice générale du cabinet Aquent. Seul changement: avant de nous confier une mission, il y a davantage d'hésitations, et, du coup, les prises de décision sont plus longues. »
L'optimisme est toujours de mise chez les pure-players du Web: «Du côté des start-up, et de l'e-commerce, il n'y a pas de ralentissement des recrutements, confirme Jacques Froissant, à la tête du cabinet Altaïde. Il y a beaucoup de demandes pour des postes de community manager ou de responsable de médias sociaux (un cran au-dessus en termes de responsabilités).» Une tendance qui pourrait durer, y compris dans les grosses PME, selon une récente étude menée par la Cegos: 47% des entreprises moyennes (250-500 salariés) envisagent de créer un poste dévolu aux médias sociaux dans les trois ans.
Certaines grandes entreprises commencent également à intégrer des «webcontent managers», ou responsables du contenu Web. Là aussi, une fonction promise à un bel avenir, à mesure que les groupes partent à la conquête de nouveaux lieux d'expression: page sur Facebook, chaîne sur You Tube, blog sur Tumblr...
Si les gestionnaires de contenus sont de plus en plus prisés, en revanche, leurs «cousins» journalistes font moins recette. Il faut dire que, du côté des médias, le digital ne fait pas de miracles. Il y a bien eu, ces derniers mois, les lancements de trois «pure players»: Quoi.info, Newsring ou encore le Huffington Post français... mais cela a abouti à la constitution de petites rédactions de trois à huit personnes. D'ailleurs le nombre de journalistes encartés a connu sa première – et modeste – baisse, néanmoins symbolique car inédite depuis 1975: 37 415 cartes délivrées en 2010, (à -1,31%, source: Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels). Ici, le digital ne compense pas les destructions d'emplois en cours dans les médias traditionnels: plans sociaux massifs à La Tribune, France Soir, ou à la Comareg (annonces gratuites)... Même si, à L'Institut pratique du journalisme, on signale un certain dynamisme de la demande en journalistes.
Par ailleurs, dans les grandes entreprises, quand il continue à y avoir des embauches, c'est davantage dans les fonctions webmarketing que dans les services marketing traditionnels. Les sites d'emploi constatent en ce moment une baisse du nombre d'annonces de chefs de produit. Mais la révolution digitale bouscule aussi l'organisation des grands groupes, et ceux-ci sont encore pris au dépourvu, notamment quand il s'agit de faire évoluer ces nouveaux profils dans la hiérarchie. «Nous tentons de sensibiliser les directions à la nécessité de mettre en place de vrais “parcours digitaux” dans leurs structures, explique Christophe Biget, cofondateur de I-Ventures Consulting, une société spécialisée dans les formations au digital pour les groupes. Pour l'instant, aucune entreprise n'a prévu de chemin tracé de ce type.» Encore une révolution digitale à venir...