La salle à manger est morte, tuée par la cuisine équipée. La tendance, c'est une cuisine ouverte sur le salon, espace de vie où l'on mange, travaille, reçoit ses amis… Or, les Français sont notoirement sous-équipés en matière de cuisine intégrée: 58% selon l'Institut de promotion et d'études de l'ameublement, contre 80% à 90% en Allemagne, Italie, Grande-Bretagne ou encore Pays-Bas.
«Le consommateur français investit moins en meubles et plus en électroménager», explique Gilles Verries, fondateur du salon professionnel Sadecc, organisé tous les deux ans par Sushi Communication et dont la dernière édition a lieu du 8 au 11 avril 2011 à Lyon Eurexpo.
Le marché de la cuisine en France est estimé à 2,44 milliards d'euros, selon le Syndicat national équipement cuisine (Snec). «En 2011, sa croissance sera à deux chiffres, malgré la crise. En France, les ménages ont longtemps privilégié l'immobilier, au détriment de l'équipement de la cuisine ou de la salle de bains. Mais c'est en train de changer», analyse Pascal Raulot, président du Snec. Ce potentiel fait saliver fabricants et distributeurs.
Les cuisinistes attirentenviron la moitié des clients, malgré des pratiques marketing agressives qui ont longtemps terni l'image du secteur. «Il y a vingt ans, c'était les cuisines Spatial. Plus récemment Vogica. Ces deux marques ne représentaient qu'un tout petit pourcentage du marché, mais elles ont fait beaucoup de mal à notre profession», regrette Pascal Raulot, par ailleurs président d'Italia Cucine France. Vogica a déposé le bilan en novembre 2010 et le harcèlement téléphonique a fortement baissé.
Trois groupes français, à la fois fabricants et distributeurs, se partagent aujourd'hui environ la moitié du marché des cuisinistes: la SALM (Schmidt et Cuisinella, environ 600 magasins), Fournier (Mobalpa, 500 points de vente) et Arthur Bonnet (une centaine de magasins). Il existe toujours une foule d'indépendants multimarques, mais leur nombre s'amenuise au profit des trois leaders.
Le grand potentiel du marché français
L'autre moitié du marché est réservée aux enseignes de meubles, comme Conforama, But, Fly et surtout Ikea. La marque suédoise a «ringardisé» la cuisine intégrée de papa, chère et nécessitant une installation par des «professionnels», au profit de meubles de cuisine en kit pour les jeunes ménages moins fortunés.
Premier vendeur de meubles en France, Ikea connaît aussi un véritable succès dans la cuisine, au point d'avoir ouvert il y a quatre ans un magasin consacré à ce seul segment à Vélizy (Yvelines), exception française qui n'existe dans aucun autre pays. «Nous voulons démocratiser la cuisine équipée, avec des prix accessibles, mais sans sacrifier la qualité. Nous offrons par exemple une garantie de 25 ans sur nos meubles», précise Évelyne Dumas, responsables des ventes cuisine France.
Pour le président du Snec, «Ikea a incontestablement popularisé la cuisine équipée. Mais il ne faut pas oublier que les cuisinistes offrent toute une palette de services. Si on les enlève du prix, ils ne sont pas loin des tarifs de l'enseigne suédoise». Le service, c'est justement le nouvel axe de développement d'Ikea, qui se présente désormais comme «spécialiste de la cuisine». «Nous proposons une visite de vérification des mesures, et une installation partielle ou complète via des prestataires agréés», précise Évelyne Dumas. Des prestations annexes qui devraient encore augmenter la part de marché d'Ikea sur ce segment qualifié de «très dynamique» par la responsable des ventes.
Mais l'enseigne ne sera bientôt plus seule sur le créneau de la cuisine équipée design et bon marché. Kvik, autre chaîne scandinave, va s'installer en France en mars prochain. Elle possède 120 magasins en Europe et en Asie, et se positionne sur le même segment qu'Ikea. Une arrivée qui ne trouble ni les cuisinistes ni l'enseigne suédoise. «Les cuisinistes traditionnels continuent de progresser, car ils ne visent pas le même public qu'Ikea ou cette nouvelle enseigne. Je reste optimiste», estime Pascal Raulot. Quant à Évelyne Dumas, elle pense que «cette arrivée n'est pas étonnante, vu le potentiel du marché français. La concurrence est saine et stimulante.»