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Les mères de l'ère numérique vont-elles supplanter la fameuse ménagère de moins de 50 ans? Surconsommatrices, les «digital mums» sont avides d'échanges sur Internet, aussi bien sur leur vie intime que sur leurs achats. Ce sont les nouvelles chouchoutes des annonceurs.

Elles ont été les premières à investir le Web. «Aux débuts d'Internet, les mères de famille étaient déjà les plus actives sur la Toile. Elles se sont approprié le média très rapidement et très naturellement», rappelle Amalric Poncet, directeur digital et Internet du groupe Marie Claire. Elles sont la nouvelle coqueluche des médiaplanneurs, on les appelle les «Digital mums» ou... «mamans surfeuses». Définition, selon l'agence Razorfish: mères internautes âgées de 18 à 64 ans, qui ont utilisé au moins deux technologies du Web 2.0 au cours des trois derniers mois et ont recherché, se sont fait conseiller, ou ont acheté en ligne au cours des trois derniers mois.

L'une des pionnières, Anne-Sophie Pastel, créatrice en 1999 d'Aufeminin.com faisait, elle aussi partie des «digital mums» avant l'heure. «Lorsque j'étais enceinte, raconte-t-elle, j'ai commencé à surfer sur des sites féminins américains pour trouver des informations. Avec mon mari, Marc-Antoine, on s'est dit que cela manquait en France.» Aujourd'hui, la rubrique «mamans» du «pure player», racheté en 2007 par Axel Springer, reçoit 1,8 million de visiteurs par mois (Nielsen Netratings, décembre 2010), tandis que les forums «grossesse» et «bébés» sont de loin les plus fréquentés (avec respectivement 14,7 et 8,8 millions de messages).

De manière générale, ces mères de famille sont surconsommatrices de contenus éditoriaux consacrés à la maternité. «Elles manifestent une boulimie d'information et ont besoin d'être rassurées», remarque Vincent Labasse, responsable marketing Web du groupe Marie Claire - GMC Factory Connect (qui regroupe trois sites spécifiques: Magicmaman, 2 573 000 visiteurs uniques; Famili, 856 000 VU; et Mon Bébé, 220 000 VU, décembre 2010).

Avec des temps forts selon les âges de la vie. «Celles qui consultent le plus notre site Infobébés (cobrandé avec Parents.fr), ce sont les femmes enceintes, puis les mères d'enfants de zéro à un an», souligne Gwénaëlle Le Cocguen, éditrice des sites parentaux et jeunesse de Lagardère Digital.

Les primipares constituent les internautes les plus assidues: interdites devant les transformations de leur corps, passionnées par le développement de leur futur enfant, elles peuvent, comme l'explique Amalric Poncet «revenir plusieurs fois par jour sur le site, contre une fois par semaine pour les femmes dont le bébé est âgé de moins d'un an». Selon un sondage effectué par Doctissimo (Net Observer), les principales recherches des internautes concernent, dans l'ordre : «des informations sur le bébé», «des témoignages de parents» et «des informations sur l'accouchement».

Autrefois, comme le rappelle Valérie Brouchoud, présidente de Doctissimo (Groupe Lagardère) - dont la rubrique Grossesse Bébé est visitée par 2,5 millions de personnes et les forums consacrés à la grossesse par 6,3 millions de lecteurs (source Médiamétrie Estat, janvier 2011) - «on se contentait d'écouter benoîtement sa mère ou sa grand-mère. Aujourd'hui, elles ne rejettent pas ce que leur disent leur mère ou leur médecin, mais elles ne se contentent plus d'un seul avis.» Il est vrai qu'il peut être délicat de s'ouvrir à sa mère de sujets tels que la sexualité pendant la grossesse...

«Les futures mamans et les jeunes mères se livrent de manière très intime sur Enfants.com (site de Prisma Presse, créé en joint venture avec Bayard Presse sous la marque ombrelle Femme actuelle, 500 000 VU), remarque Sandrine Odin, responsable marketing et nouveaux médias chez Prisma Presse. Étant donné que les femmes tombent enceintes de plus en plus tard, il peut se poser des problèmes de fertilité, encore relativement tabous. Sur nos forums, les internautes entendent s'exprimer de manière décomplexée.» Jusqu'à, comme le raconte Gwénaëlle Le Cocguen, «mettre en ligne leurs échographies»... Avides d'échanges, ces mères de l'ère numérique sont d'ailleurs 59% à être présentes sur Facebook (Étude Web Media Group/Ipsos, janvier 2011).

Très prolixes sur les forums, les «digital mums» constituent une matière première non négligeable pour les défricheurs de tendances. «Nous recevons 30 000 messages par jour, avec 15 millions de messages archivés», précise Amalric Poncet. «Les mères de famille sont très en avance sur nombre de sujets : c'est grâce aux forums que l'on a pu déceler la vogue des loisirs créatifs, le retour des couches lavables ou le portage des enfants en bandoulière.»

Surconsommatrices d'informations, elles sont également surconsommatrices... tout court! «Il s'agit d'une cible très intéressante, qui consomme beaucoup plus que la moyenne», remarque Benjamin Smadja. Selon une étude Comscore Media Metrix (février 2010), en France, une femme avec enfant va dépenser une moyenne de 182 euros en trois mois sur le Web, contre 175 euros pour une femme sans enfant.

«Lorsqu'un enfant arrive, il s'agit d'investir dans une nouvelle automobile, le logement, l'assurance, et bien sûr les produits d'hygiène... Une mère d'adolescent sera quant à elle plus attentive aux produits high-tech, jeux vidéo, téléphonie...» «En gros, le tourisme est quasiment le seul secteur non concerné par cette frénésie de consommation», résume Vincent Labasse.

Mais ces mères ultraconnectées ne s'en laissent pas conter et n'ont pas leur pareil pour débusquer les bonnes affaires. «Le Web fait partie intégrante de leur processus d'achat. Elles comparent énormément les prix, consultent les avis d'internautes... Il est donc d'autant plus important pour les marques d'être présentes sur les sites qu'elles fréquentent», souligne Gwénaëlle Le Cocguen.

La nouvelle ménagère représenterait même, selon l'étude Web Media Group/Ipsos (janvier 2011) «une nouvelle évidence pour l'e-commerce»: près de 90% d'entre elles achètent sur Internet au moins une fois par mois. Gain de temps, horaires illimités : les boutiques en ligne offrent un avantage non négligeable pour ces femmes qui doivent jongler entre vie professionnelle et vie familiale et dont les journées ne sont pas extensibles.

Pour être mère, on n'en reste pas moins femme : le prêt-à-porter et les accessoires de mode sont les principaux postes de dépense sur Internet des «digital mums», suivis par la décoration et l'équipement de la maison. Quarante-quatre pour cent d'entre elles dépensent d'ailleurs plus de 20 % de leur budget familial sur Internet. Et sur Internet aussi, ces femmes privilégient la débrouille: elles sont 85 % (contre 79 % pour les femmes sans enfant) à fréquenter les sites d'achat, de vente et d'échange de biens d'occasion sur Internet, du type Le Bon Coin, ou Badiliz.

Décidément bien dans l'air du temps, en termes de consommation en tout cas, les mères de l'ère numérique sont déjà très accros à leur smartphone, lorsqu'elles en possèdent: elles sont 25 % à trouver les applications téléchargeables sur mobile «pratiques et sympas» (contre 23 % pour les femmes sans enfant). Pas un site sans son application: «Des applications comme  Mon suivi de grossesse remportent un franc succès», souligne Benjamin Smadja. «Nous travaillions sur de nouveaux services applicatifs et serviciels », annonce quand à elle Gwénaëlle Le Cocguen. La nouvelle ménagère de moins de 50 ans serait-elle un geek?

 

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