Niché dans une rue résidentielle d'Asnières (Hauts-de-Seine,) l'immeuble en brique de l'agence Jean & Montmarin est orné d'un logo avec un crayon gris, qui rappelle celui de Leo Burnett. Comme la prestigieuse enseigne de Chicago, Jean & Montmarin a connu son heure de gloire, lorsqu'elle comptait une soixantaine de personnes et logeait sur l'île de la Jatte, à Neuilly-sur-Seine. C'était l'époque des spots TV qui ont marqué une génération de Français, de Herta («Ne passons pas à côté des choses simples») dans les années 1980 à Yop («Les années Yop») et Nomad («Réfléchissez avant de vous engager») dans la décennie suivante.
Comme son nom l'indique, l'agence a vu le jour sous la houlette d'un duo formé d'un créatif, Gérard Jean, et d'un commercial au profil d'aristocrate entrepreneur, Hubert de Montmarin. «Si notre tandem a bien fonctionné pendant près de vingt ans, c'est parce que Gérard Jean était un passionné de marketing et moi un passionné de création», glisse Hubert de Montmarin, désormais seul aux commandes de l'enseigne. Gérard Jean a en effet quitté son associé en 2006. Pour cette agence, la question de la transmission s'est posée à de multiples reprises. Elle pourrait prendre une forme familiale. Mais si la fille de Gérard Jean, Sidonie, conceptrice-rédactrice, est passée par l'agence, elle en est aujourd'hui partie. «Les créatifs n'ont pas envie de créer des entreprises, mais des campagnes», estime Hubert de Montmarin. En revanche, son propre fils, Nicolas, travaille toujours à ses côtés en tant qu'associé. «Nous verrons bien s'il reprend ou non l'agence plus tard», élude Hubert de Montmarin.
Courtisée à la fin des années 1990 et au début des années 2000 par de nombreux réseaux américains et français, Jean & Montmarin a failli être vendue plusieurs fois, mais aucune des approches ne s'est concrétisée. «La revente n'a jamais été exclue et demeure une option envisageable», indique Hubert de Montmarin. En 1996, déjà, le réseau américain D'Arcy avait fait le voyage depuis Chicago, mais, au dernier moment, la transaction n'a pas été conclue. Hubert de Montmarin serait-il un aristocrate qui ne veut pas céder ses terres, comme le suggérait Gérard Jean à Stratégies lors d'une interview? «Je n'ai pas créé cette agence dans un but économique, mais entrepreneurial», rétorque celui qui s'est forgé une conviction en matière de transmission d'une agence indépendante. «Si la transaction est opportuniste et qu'il n'y a pas d'entente, le rachat ne fonctionnera pas, explique-t-il. Ce n'est pas une industrie lourde, mais un métier d'hommes.»
En 2001, Omnicom et WPP se sont penchés sur l'agence. «Nous avons été très loin dans les discussions, mais après le 11 septembre, le contexte international a entraîné un gel des acquisitions, souligne-t-il. La proposition du groupe BBDO m'avait plu, car l'enseigne conservait son nom et nous n'aurions pas été intégrés à une autre agence du groupe. Il s'en est fallu de deux mois.»
Dans l'Hexagone, Publicis s'est intéressé un moment au dossier, mais les différentes parties ne partageaient pas le même avis sur le rôle dévolu à Gérard Jean et Hubert de Montmarin. Ce dernier dément en revanche les bruits de rachat par Havas. «Parmi les grandes agences, BETC Euro RSCG est la plus proche culturellement de nous, mais il n'a jamais été question d'un rapprochement», affirme-t-il.