«Les enfants sont formidables!», avait l'habitude de clamer Jacques Martin quand il présentait l'émission culte L'École des fans. Ils le sont tout particulièrement pour le monde de la communication et du marketing. Cette cible bien à part se distingue parfaitement de ses aînées dans ses modes de consommation des médias et, en premier lieu, de la télévision. Les petits la regardent moins que les grands, mais avec des habitudes qui leur sont propres. Selon Médiamétrie, en juin 2010, nos chères têtes blondes (plus précisément les 4-14 ans, l'institut ne réalisant pas de tri sur le segment des 3-7 ans) ont regardé la télévision 1 heure 58 minutes par jour en moyenne. C'est pratiquement deux fois moins que leurs aînés et parents (3 heures 2 minutes pour les 15-49 ans) et trois fois moins que leurs grands-parents (4 heures 15 minutes pour les plus de 50 ans).
«La télévision est le média roi des enfants, déclare Olivier Oudjani, directeur délégué de PHD, agence médias du groupe OMG. C'est un gisement d'audience important. Le média propose une programmation abondante en volume.» Petits consommateurs TV, les enfants concentrent et «optimisent» leurs rapports au petit écran. «Ils disposent d'un budget temps limité, explique Katrine Vincent, directrice d'études chez OMG. Pendant la journée ils sont à l'école, et le soir ils se couchent tôt. Leur rythme de vie est très figé.» En période scolaire, deux pics de consommation TV sont observés: le matin lors du petit déjeuner, et après l'école, dans la tranche 16h30-18h.
Tarifs attractifs pour les annonceurs
Mais durant les vacances scolaires, ces rythmes changent. Les enfants regardent alors un peu plus la petite lucarne, et l'essentiel de l'audience se fait pendant la matinée. Selon une étude d'OMG portant sur le premier semestre 2010, la durée d'écoute quotidienne par téléspectateur s'élève à 2 heures et 6 minutes pour les 4-10 ans en période scolaire. Elle augmente d'un quart d'heure, à 2 heures 21 minutes, durant les vacances. Les chaînes ne s'y trompent pas: France Télévisions fait ainsi passer son volume de programmes jeunesse de 40 à 80 heures hebdomadaires, rapportait Le Parisien le 1er août.
La télévision est également le média roi pour toucher les enfants selon un autre critère: le prix. «Le média propose un coût au contact très compétitif, indique Olivier Oudjani. Celui-ci est pratiquement trois fois moins cher pour un enfant que pour un adulte! Et ce phénomène ne varie pas selon les années.» Aucune régie publicitaire n'a jamais tenté d'augmenter de manière drastique les tarifs sur les écrans destinés à la jeunesse. Du coup, sur TF1 par exemple, rares sont les tarifs dépassant 10 000 euros pour un spot publicitaire de 30 secondes dans un environnement jeunesse. Ils sont plus de 10 fois plus chers pour une diffusion en soirée!
Depuis plusieurs années, la consommation télévision des enfants varie peu. La durée d'écoute moyenne annuelle quotidienne de 4-14 ans se situe autour de 2 heures 11 minutes. Malgré tout, dans ce volume, les comportements ont évolué avec les mouvements du paysage audiovisuel français, qui a vu se développer les offres et les chaînes jeunesse.
«La première révolution, au milieu des années 1990, a été l'arrivée des chaînes jeunesse sur le câble et le satellite, raconte Olivier Oudjani. L'offre a explosé, et la moitié de l'audience du câble et du satellite était réalisée par les enfants. Du coup, les chaînes historiques ont réduit leurs volumes de programmation jeunesse. Ce qui les a plutôt arrangées: elles ont pu proposer des programmes et des écrans destinés à des cibles adultes… plus chers !»
L'autre révolution, c'est l'arrivée de Gulli. Contrôlée par le groupe Lagardère (66%) et France Télévisions (34%), la chaîne jeunesse est un phénomène. En moins de cinq ans (la chaîne a démarré sur la TNT gratuite le 18 novembre 2005), Gulli a atteint une part d'audience de 15% sur les 4-10 ans. «De manière générale, le rapport de force entre les chaînes historiques et les thématiques du câble-satellite et de la TNT a beaucoup changé, note Katrine Vincent. Gulli a été une petite révolution.»
Publivores en herbe
Pour les professionnels de l'achat d'espace, trois chaînes sont aujourd'hui incontournables sur la cible des enfants: TF1, Gulli et France 3. Cette dernière est le vaisseau amiral des programmes jeunesse de l'audiovisuel public qui a développé une marque ombrelle, Ludo, et a ouvert de nouvelles cases sur France 4 et France 5 – France 2 se concentrant plutôt sur les adolescents.
Quant à M6, la chaîne «n'a jamais été une actrice très importante sur la cible, note Olivier Oudjani. Avec les chaînes jeunesse du câble et du satellite, elle fait partie des chaînes complémentaires intéressantes.»
L'autre atout de la télévision est son attractivité sur cette cible. «Les enfants suivent autant les écrans publicitaires que les programmes. La baisse d'audience est d'environ 5%, alors qu'elle peut être de 20% sur une généraliste, explique Olivier Oudjani. L'intérêt est que la couverture d'une campagne se construit très rapidement, et que nous n'avons pas besoin de générer beaucoup de répétition.» Les emplacements préférentiels, c'est-à-dire l'achat avec supplément d'une première, deuxième ou dernière position dans l'écran, ne font pas recette. D'autant qu'avec la multiplicité de l'offre commerciale et la multiplication des codes secteurs, l'encombrement est réduit, sauf à l'approche de Noël.
Toutefois et malgré tous ces avantages, la télévision et les écrans jeunesse sont souvent boudés. C'est le cas des marques du secteur alimentaire. La plupart, comme McDonald's par exemple, ont décidé de ne plus investir les écrans diffusés lors des programmes jeunesse. Une manière d'afficher leur engagement pour la lutte contre l'obésité infantile… et d'éviter grâce à cette autorégulation les foudres de l'État et une loi plus contraignante. Du coup, seules les marques de jouets font œuvre de présence.
La presse ne perce pas dans les plans médias
Hormis la télévision, les autres médias font plutôt pâle figure. La presse présente pourtant beaucoup d'atouts. Le marché est riche de nombreux titres et leurs performances sont très importantes. Ainsi, plus d'un quart des 4-10 ans lit le mensuel J'aime lire. Mais les investissements publicitaires y sont très faibles. En fait, la presse pour enfants est surtout utilisée par les annonceurs pour toucher la cible des mamans avec des produits de puériculture ou des jouets de premier âge. Mais Internet se développe de manière importante, même auprès des tout petits. «Il s'agit d'une navigation accompagné par les parents, relève Olivier Oudjani. Nous commençons à recommander le média.» Les enfants privilégient surtout la télévision de rattrapage et une pratique média proche de la télévision. «D'une manière générale, ils ont une capacité d'intégration rapide, analyse Katrine Vincent. Il y a peu d'inertie. Ils savent exactement ce qu'ils veulent et foncent quand ils le trouvent. Mais il ne faut pas les décevoir.»