Après les concentrations et les remous du début d’année, les agences de marketing services se cherchent une nouvelle voie et mettent en avant leur spécialisation.

Lors de la réunion du jury de la 24e édition du Grand Prix Stratégies des marketing services, il a été question de campagnes, de votes et de prix, mais aussi du futur de la discipline. Entre espoirs et inquiétudes, les professionnels présents ont débattu de l'évolution de celle-ci.

 

Ces derniers mois ont été marqués par l'intégration d'agences de marketing services aux groupes de communication auxquels elles appartiennent. La trajectoire de Tequila en est l'exemple le plus frappant. Devenue au mois de février une marque commerciale de TBWA Paris, l'ex-agence de marketing services a connu le départ de son président Laurent Lilti, précédé par celui de sa vice-présidente Catherine Michaud.

«Nous avons intégré la partie communication commerciale de Tequila dans notre agence de publicité TBWA Paris, tandis que la partie données et CRM [gestion de la relation client] l'a été dans notre agence interactive TBWA 365», explique Philippe Simonet, vice-président de TBWA Paris et président de TBWA 365. Interrogé sur les motivations financières de cette dissolution, Philippe Simonet concède que les résultats de Tequila n'ont pas été bons en 2009, mais affirme que la décision ne s'est pas fondée sur ce critère.

 

Chez G2 Paris (Grey), le départ de Philippe Ceyrac, actuel président de la délégation marketing services de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), a laissé place à une période d'incertitudes. Pour l'heure, le nouveau président de G2 Paris n'est autre que Pietro Leone, directeur de G2 pour l'Europe et le Moyen-Orient.

«Je veux superviser la déclinaison de la stratégie globale du groupe dans l'agence parisienne, explique-t-il. Le modèle de G2 Paris n'était plus en phase avec son époque. Les investissements nécessaires dans le domaine numérique, en particulier dans le croisement des données [datamining], n'avaient pas été accomplis.»

 

Enfin, McCann France a fusionné à la fin de l'année dernière Momentum, son entité de marketing opérationnel, à MRM, sa filiale relationnelle. Au moment de la réunion du jury du Grand Prix, Michèle Ferrebeuf, présidente de McCann France et ex-patronne de MRM, confiait à Stratégies qu'«après une année difficile pour Momentum, il est apparu opportun de constituer enfin un pôle marketing services autour de MRM» et ajoutait qu'«une réflexion sur ce sujet est plus largement engagée au niveau européen» (cf. Stratégies n°1567).

Une interprétation globale met en lumière la toile de fond de tous ces regroupements. «Le métier des marketing services a été aspiré par les pôles de la publicité et du numérique, analyse Benoît Héry, président de l'agence Draft-FCB. Il est devenu en quelque sorte le support de ces derniers, dans un but de création de trafic. On peut parler de la disparition du "métier du milieu", par un "effet sablier".»

 

Cette aspiration touche les deux grands pôles de la discipline. «Historiquement, les grandes agences de marketing services ont toujours comporté un volet publicitaire (communication commerciale) et un volet CRM (recrutement et fidélisation), analyse Philippe Simonet. Vingt ans auparavant, les marketing services étaient le secteur du marché en pleine croissance, ce qui n'est plus le cas désormais. À l'inverse de la multiplication des agences interactives, il n'y a plus de création d'agences de marketing services, et certaines disparaissent.»

Néanmoins, pour certains acteurs des marketing services, le problème de la dissolution des agences du secteur ne se pose pas. «Nous n'envisageons pas du tout l'intégration de MRM au sein de McCann, souligne Jocelyne Kauffmann, directrice générale de MRM France. L'avenir des agences de marketing services passe par leur mutation en agences de la relation client. Le problème, c'est que cette discipline est souvent réduite aux simples services consommateurs, alors qu'elle représente un ensemble de techniques précises, dont les domaines d'application relèvent à la fois de la stratégie et de l'exploration des données.»

 

La relation client devient toujours plus pointue

 

Interrogée sur la signification du rapprochement de Momentum et de MRM, Jocelyne Kauffmann explique qu'elle réside dans l'importance prise par le point de vente dans la gestion de la relation client.

Pourtant, en Europe, la tendance pencherait plutôt vers l'intégration des agences de marketing services au sein des groupes de communication afin de se plier au sacro-saint modèle à 360°. «C'est ce que je constate à travers mes déplacements, raconte Pietro Leone, de G2 Europe. Mais ce n'est pas un hasard si cela survient au moment où le marché de la publicité traditionnelle est en net déclin.»

L'expansion du numérique a rendu les frontières traditionnelles entre les métiers de la communication bien floues. «Avant, la décomposition s'effectuait en silos, considère Jocelyne Kauffmann. La publicité s'occupait des spots TV – la promotion, les ventes en magasin–, et le CRM, des programmes de fidélité. Ces lignes ont désormais disparu.»

 

À l'heure où la délégation marketing services de l'AACC réfléchit à une nouvelle appellation de son activité, la relation client devient toujours plus pointue. «Sous l'influence du numérique en général et des réseaux sociaux en particulier, le CRM se complexifie, note encore Jocelyne Kauffmann. Afin que l'offre d'une marque intéresse les consommateurs, il faut beaucoup plus de travail que par le passé. Notre spécialisation en relation client ne peut pas se diluer dans une agence de publicité.»

 

Les critiques sur le modèle tout intégré du 360° pointent en effet la déception des annonceurs, en raison de prestations moyennes sur chacune des composantes. L'expertise des marketing services serait l'explication de ce phénomène. «En matière de théâtralisation des points de vente de la grande distribution, l'improvisation n'existe pas», remarque Jocelyne Kauffmann.

D'autres y voient un effet de balancier cyclique. «Depuis vingt ans, notre métier change d'organisation tous les cinq ans, ironise Pietro Leone. Dans certains cas récents, l'intégration des agences de marketing services est due au manque de revenus de la publicité.»

La diminution sensible des achats d'espace en télévision au profit des nouveaux supports numériques en serait la cause. Cette attirance pour la numérisation menace aussi les marketing services, notamment sur les fronts du marketing direct et de la promotion. «L'activité numérique de Tequila ne fonctionnait pas bien», regrette Philippe Simonet, de TBWA.

Les marketing services sont en quelque sorte pris en étau. «Le marché des marketing services s'est extrêmement réduit en raison de l'élargissement des champs de compétences des agences de publicité et des agences interactives», note Philippe Simonet.

Aujourd'hui, la publicité s'aventure jusque dans l'édition, la promotion et la communication commerciale, alors que les programmes de CRM se numérisent et sont repris par des acteurs spécialisés dans le numérique. D'où l'intégration des équipes de marketing direct et de promotion de Tequila au sein de TBWA Paris.

 

Malgré ces incertitudes et ces risques, certains demeurent optimistes sur l'avenir de la discipline, compte tenu des perspectives alléchantes du CRM. «Je crois que les clients ont besoin de marketing services et non de publicité, considère Pietro Leone qui a longtemps travaillé dans la publicité chez Grey. L'avenir sera dans les données.» 

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